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Courage face aux…

Il la surnomme « Madame Bobo », « l’intello qui se la pète », « la feignasse de la ville »… « Il », c’est un agriculteur ; « elle », c’est une citadine venue finir ses jours dans la maison qui l’a vue naître et grandir jusqu’à l’âge de 18 ans, avant de partir étudier et habiter pendant 50 ans dans une grande ville.

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Pour cette dame, c’était un véritable retour aux sources ! Fille de paysan, et tante d’agriculteurs, elle croyait bien connaître la campagne, et se réjouissait de pourvoir humer à nouveau le parfum des trèfles blancs en fleur et l’odeur des foins ; se réveiller au chant du coq ou même du beuglement des vaches ; cultiver son potager, à quatre pattes dans les plates-bandes fraîchement bêchées. Les senteurs plus capiteuses de lisier ou de fumier ne la dérangent pas le moins du monde, au contraire ! Ces « fragrances » très spéciales agissent sur elle comme la madeleine de Proust. Elle m’a dit : « En hiver, les vêtements de travail de Papa avaient un peu la même odeur, et je le revois quand je respire cet air-là… ». Mieux encore, elle m’emprunte des Sillon Belge pour les lire, et se proposait de bientôt s’affilier !

A priori, dès lors, la cohabitation avec son nouveau voisin agriculteur aurait dû se passer au mieux, dans un respect mutuel et la joie de nouer des relations courtoises. Hélas, les choses ont très vite dérapé, m’a-t-elle raconté lors de sa dernière visite. En lisant en page 4 (SB du 30 juin) les réactions sur le Web à l’article « Courage face aux ingrats », elle a sauté en l’air comme si une guêpe de belle taille l’avait piquée. « Mon voisin agriculteur emploie les mêmes mots que ces gens ! Il se croit tout permis. À l’entendre, il n’y a que les fermiers qui travaillent, qui souffrent d’un manque de reconnaissance. Tous les autres sont des fainéants, des ingrats, -oui, des ingrats ! –, qui s’engraissent de la sueur des paysans ! Surtout les gens des villes, les enseignants, les gratte-papiers, tous ceux qui gagnent leur vie avec un bic ou un ordinateur. ».

Aïe, aïe ! Pour l’amie de mon épouse, le retour à la campagne ne s’est pas déroulé comme elle l’espérait… Elle est tombée sur un voisin indélicat… Ce genre de personnage de cauchemar existe dans toutes les professions, dans toutes les couches de la société, et pourquoi pas en agriculture ? Vous en connaissez certainement l’un ou l’autre spécimen : l’arbre affreux-jojo qui cache la forêt des braves types. Le sien en constitue le parfait archétype, semble-t-il…

D’emblée, il a frappé très fort, trop fort. Le jour de son emménagement, occupée au déchargement des meubles, elle a laissé échapper son toutou, un inoffensif et minuscule chihuahua. Son voisin agriculteur passait par là en mini-chargeur articulé, son chien assis à côté de lui, genre border Collie mâtiné de jack russel. Sous les yeux horrifiés de notre amie, l’animal a sauté lestement du siège, et s’est précipité sur la petite bête sans défense, la mordant sauvagement en guise de salutation. L’homme a rappelé son chien et continué sa route… en riant bruyamment ! Naturellement, c’était du plus haut comique, de voir un petit clebs de la ville se faire occire par un vaillant et courageux chien de vache bien de chez nous, ne trouvez-vous pas ?

Malgré les soins attentifs dispensés (dont coût : 300 €), Youki est décédée après deux semaines de souffrance. La jeune vétérinaire a conseillé à notre amie de faire intervenir la RC agricole du voisin agriculteur, mais ce dernier n’a rien voulu entendre, et s’est même moqué d’elle ouvertement, en lui servant un long discours sur les néo-ruraux qui viennent s’installer à la campagne et s’y comportent comme en pays conquis, – et blablabla, et blablabla –, en employant une rhétorique semblable aux réactions lues dans le Sillon du 30 juin.

Quelques jours plus tard, quelle ne fut pas la surprise de notre amie de voir débarquer chez elle l’agriculteur beau parleur. Il était absolument furieux ! Il avait reçu la visite de la police, qui lui avait intimé l’ordre de nettoyer la route, souillée de boue par ses allées et venues. Dans son esprit, bien entendu, c’était elle qui avait porté plainte, pour se venger de la mort du chien. Il n’en était rien, bien entendu : les pandores avaient constaté eux-mêmes l’infraction, tellement visible aux yeux de tout le monde. Cette fois encore, la dame eut droit à un long plaidoyer contempteur, vibrant et véhément, de la part de ce Caliméro atrabilaire, et qui dénonçait le comportement inqualifiable des néo-ruraux, sources de tous les maux, et qui empêchent les braves, si braves agriculteurs comme lui de travailler.

Évidemment, quand on n’écoute qu’une cloche, on n’entend qu’un son. Mais cette histoire de chien m’a été confirmée. Tout cela est bien triste, en tout cas. Stupide et surréaliste ! Personne n’est jamais « ni tout moche, ni tout beau », comme chantait Renaud. D’une manière générale, les agriculteurs disposent d’un gros capital sympathie, et ils le méritent amplement ! Mais parmi nous, il existe également quelques rares personnes, qui se considèrent sans doute comme une élite intouchable, et qui adoptent régulièrement des comportements peu respectueux envers leurs voisins. À mon humble avis, ceux-là ne méritent guère nos félicitations…

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