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Carottes en botte et en garde: un éclairage sur quelques aspects techniques plus particuliers

Après avoir abordé quelques aspects généraux de la culture de la carotte en fermes maraîchères diversifiées dans notre édition du 8 avril 2016. Nous nous détaillons ici quelques aspects techniques de manière plus particulière, du semis jusqu’à la conservation.

Temps de lecture : 8 min

Les carottes destinées à la vente en circuit court sont de deux types : les carottes jeunes proposées en bouquets pour le printemps et l’été et les carottes de garde pour l’automne-hiver.

Exigences, physiologie

Sur les parcelles à drainage favorable ou élevé (classes b ou a), nous pouvons semer les carottes dès que le sol dépasse 3,5ºC bien que la température optimum de germination soit 18ºC. Les variétés adaptées à notre région ont une croissance optimale entre 13 et 25ºC. Les premiers semis de carottes destinées à la récolte en bottes s’accommodent très bien de voiles de forçage ou de bâches plastique perforées.

La carotte est une bisannuelle. La production de la racine concerne la première année de culture. Cette première année se scinde en quatre phases de développement.

La levée va du semis à la sortie des feuilles cotylédonaires. La radicule s’enfonce dans le sol.

L’ installation va de l’étalement des feuilles cotylédonaires au développement des deux premières vraies feuilles. La racine forme son mince pivot.

Durant le développement du feuillage , le bouquet foliaire se déploie en rosette, la photosynthèse bat son plein. La racine se développe déjà bien durant cette phase qui dure 3 à 4 semaines en variétés précoces et 7 semaines en variétés tardives.

Le grossissement de la racine se poursuit alors que le feuillage ne s’étend plus en importance et commence à régresser. Les variétés précoces grossissent encore 5 semaines et les variétés tardives 15 semaines.

Le régime des températures de l’année culturale influence la durée et la suite harmonieuse des phases (voir tableau ). Au-delà de 30ºC, la croissance du feuillage est ralentie.

carotte

Lignées et hybrides

Les variétés sélectionnées sont très fréquemment utilisées à côté des hybrides. Quelques hybrides apportent une meilleure productivité et une meilleure homogénéité mais avec une plus grande sensibilité aux stress hydriques et un coût plus élevé des semences.

Pour la carotte en bottes, Triton, Jerada, Nerja et les types Nantais ne sont que quelques exemples de variétés parmi d’autres.

Pour la carotte de garde, les types Flakee actuels sont bien adaptés pour les gros calibres. Plusieurs autres variétés de type Nantais ou Berlicum conviennent bien également. La carotte de Tilque est une ancienne variété française remise en production et assez intéressante pour la vente directe.

Teneur en argile et nettoyage des racines

La texture du sol et en particulier sa teneur en argile est une limite pour la mécanisation de la récolte et le décrottage des racines.

En carottes destinées à la commercialisation en bottes, il est difficile d’arriver à une récolte et un nettoyage correct avec des sols à plus de 15 % d’argile.

Pour les carottes de garde, au-delà de 20 % d’argile, le nettoyage devient compliqué. Surtout, les sols doivent être à bon drainage. C’est d’autant plus important que la récolte risque d’être tardive dans la saison.

Le pH situé entre 6 et 7 convient bien à ces cultures ; à pH proche de 5, des maladies physiologiques des carottes sont à craindre.

Le travail du sol doit laisser un sol ameubli sur une vingtaine de centimètres de profondeur pour les carottes en bottes et au moins 30 cm pour les carottes de garde. La culture sur buttes facilite l’atteinte de ces objectifs.

Enfin, la préparation du sol doit donner un sol raffermi pour éviter le foisonnement qui serait préjudiciable à la forme des racines et de la terre fine au niveau du lit de semis pour permettre un très bon contact semence-sol durant la germination.

Le semis

Dans nos conditions de sol, 1 cm de profondeur semble proche de l’idéal.

Le réglage de la densité de semis est très important. Le réglage doit être vérifié avant le semis de chaque lot.

Pour les carottes destinées aux bottes , la densité sera de 60 plantes par mètre linéaire en semis éclaté (buttes de 50 cm).

Pour les carottes de garde , nous visons une densité de 60 racines par mètre courant de ligne éclatée (butte de 75 cm).

Dans nos sols, la culture sur buttes est courante. Le semis à plat est possible quand le sol se travaille bien en profondeur. La culture en planche peut être choisie pour se conformer aux organisations de chantier des fermes maraîchères diversifiées.

Fertilisation : un œil sur l’azote !

L’ azote est l’élément qui retient le plus notre attention vu son influence sur la sensibilité aux maladies foliaires, sur le rendement, la qualité et la conservation des racines. L’analyse du profil du sol est requise (voir les laboratoires du réseau Requasud).

La mobilisation est de 120 unités pour la carotte en bottes et 200 kg pour la carotte de garde (restitution de 60 unités par les feuilles). Pour la carotte de garde, le fractionnement des apports est envisageable. Les apports avant l’implantation sont les plus importants pour une raison de positionnement dans le profil et de réponse aux besoins aux débuts de la culture.

La fertilisation phosphorique se raisonne dans un concept de rotation.

Le potassium doit être bien présent dans le sol pour son importance dans l’équilibre hydrique de la plante avec le sol et le goût. Les besoins sont de 200 unités de K2O en carottes en bottes et 300 kg pour la carotte de garde .

Autres éléments

Le calcium est souvent suffisamment présent dans nos sols de par la composition de la roche mère et les apports d’amendements pour corriger le pH. Magnésium, soufre, bore et manganèse sont à vérifier par analyse de sol.

L’irrigation

Les besoins sont de 250 mm d’eau pour la carotte botte et 350 mm pour la carotte de garde . Les pluies ne sont pas nécessairement suffisantes notamment entre le semis et la levée et lors du développement du feuillage. L’irrigation par aspersion est alors recommandée de même que pour amortir les risques d’éclatement des racines lors de pluies abondantes après une période sèche lors de la phase de grossissement des racines.

Désherbage : actions multiples

Les mesures classiques de réduction du niveau d’enherbement sont d’application : rotation, faux-semis. En mesures correctives , les binages entre rangs et entre buttes ne suffisent pas. La durée de la levée et la lente couverture du sol sont propices au fort développement des adventices.

Le désherbage thermique peut être fait juste avant la levée: installer des vitrages en quelques zones de test pour repérer les premières levées sous protection et décider de l’intervention rapide sur le reste du champ.

En culture sans herbicide , le sarclage est indispensable (70 à 300 h/ha). En culture conventionnelle , plusieurs produits sont utilisables en prélevée et en postémergence : voir http://fytoweb.be/fr.

Entre 0 et 1ºC

La conservation se fait idéalement entre 0 et 1ºC, sachant que le point de gel est à – 1,4 ºC. La température se mesure dans le palox de carottes, pas dans l’air. Rappelons qu’un palox d’un m³ contient 520 kg de carottes propres.

Maladies…

Plusieurs champignons de sol (des genres Phoma, Rhizoctonia, Fusarium) peuvent induire une fonte des premiers semis de l’année. C’est une maladie de faiblesse liée à une levée lente (températures encore faibles dans le sol, inférieures à 15ºC) et à l’asphyxie (structure et drainage insuffisants).

La brûlure des feuilles peut être due à l’alternariose, plus rarement à la cercosporiose.

Les brûlures des feuilles dues à Alternaria dauci s’étendent surtout lorsque le feuillage commence sa sénescence et que les températures dépassent 25ºC. Les premiers symptômes sont des petites taches sur les folioles, celles-ci se nécrosent en faisant penser à du dégât de brûlure. Après quelques semaines, le feuillage d’une parcelle peut être presque entièrement nécrosé. La lutte commence par le raisonnement de la fertilisation azotée. La résistance variétale est dans les programmes des sélectionneurs. Les fongicides sont envisageables en intervenant dès l’apparition des premiers symptômes.

L’ oïdium est dû à Erisiphe heraclei et son feutrage blanc sur le feuillage peut s’étendre à toute une parcelle en 1 ou 2 semaines. Le feuillage atteint vieillit prématurément et devient plus sensible à la brûlure. Des températures d’une vingtaine de degrés lui sont très favorables surtout en conditions sèches. Le raisonnement de la fumure azotée est une première méthode de lutte préventive. Plusieurs fongicides sont agréés en culture conventionnelle.

La pourriture blanche due à Sclerotinia sclerotiorum peut provoquer la pourriture des collets puis des racines au champ et lors du stockage. Les dégâts concernent plus les carottes de garde au cycle de végétation plus long. Ce champignon est présent dans le sol et se transmet via plusieurs autres légumes dont les laitues et chicorées, les haricots et pois, les choux, les céleris. Les sclérotes se conservent plusieurs années dans le sol. La rotation avec des céréales et des fourrages de graminées permet de couper les rotations maraîchères. Coniothyrium minitans (Contant) est un moyen de lutte efficace (voir fytoweb).

… et ravageurs

La mouche de la carotte , Psila rosa, est le principal ravageur. Les attaques n’ont pas la même ampleur chaque année. 2017 est plutôt moyenne, avec des différences sous-régionales notables.

La femelle adulte pond ses œufs sur le sol au pied des ombellifères. Après une semaine ou une dizaine de jours, les œufs éclosent et les larves s’enfoncent dans le sol, elles s’y nourrissent de radicelles et de racines. Les galeries superficielles creusées autour des racines s’infectent de pourritures secondaires.

La mouche de la carotte (Psyla rosa) est l'ennemi numéro 1 de la carotte. Les pièges placés en bordure de parcelle sont observés chaque semaine de mai à novembre.
La mouche de la carotte (Psyla rosa) est l'ennemi numéro 1 de la carotte. Les pièges placés en bordure de parcelle sont observés chaque semaine de mai à novembre. - F.

Le 1er vol est contenu par le voile de forçage placé sur les carottes en bottes. Le 2e vol d’adultes en juillet-août et le 3e en septembre jusque novembre sont les plus dommageables en carottes.

Une rotation longue (plus de 5 ans) et la pose de filets anti-insectes sont des méthodes de lutte générales. La surveillance des pièges installés en bordure des parcelles permet de cibler les interventions insecticides. Nous y comptons les mouches chaque semaine de mai à novembre et ce pour chaque parcelle. Les pièges sont des plaques jaunes rétro-inclinées de 45º. (voir photo ). Nous en plaçons 5 par parcelle, séparés entre eux de 2 ou 3 mètres, du côté où les mouches risquent le plus d’être issues (Inagro). Si une intervention insecticide devait être décidée, elle serait réalisée entre 16 et 20h, période durant laquelle les mouches sont le mieux ciblées. Voir fytoweb.

Les pucerons et en particulier Cavariella aegopodii sont le plus souvent contrôlés par les auxiliaires naturels.

F.

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