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Avenir budgétaire de la politique agricole commune: l’option du cofinancement national des aides soulève bien des questions

La Commission européenne n’exclut pas l’option du cofinancement national des paiements directs de la pac face au casse-tête budgétaire de l’après-2020. Les services agricoles européens portent, en revanche, un jugement très négatif sur une telle solution et ils soulignent aussi les graves conséquences, pour le secteur, d’une baisse du budget consacré à cette politique commune.

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L’exécutif est largement préoccupé par l’hypothèque budgétaire que fait peser le Brexit et par la nécessité de financer de nouvelles politiques après 2020. Et, pour certains commissaires, ouvrir à terme la voie à un cofinancement national des paiements directs permettant d’alléger le budget agricole ferait partie des solutions possibles.

Pas sérieux !

La direction générale de l’Agriculture de la Commission n’est pas favorable à ce cofinancement national obligatoire. « Ce serait un coup dur porté à la souveraineté budgétaire des États membres, en les forçant à accepter en une fois de lourds engagements financiers pour plusieurs années, et aurait aussi un effet extrêmement déséquilibré en termes de partage du fardeau entre les États membres », argumente-t-elle.

Par exemple, calcule-t-elle, un tel cofinancement à 30 % pour l’UE-27 réduirait les allocations de la pac de quelque 82 milliards € sur la période 2021-2027 (à prix courants), soit -20 % par rapport à la situation actuelle. Si cette diminution devait être entièrement compensée au niveau national, certains États membres réaliseraient une économie, la baisse de leurs contributions au budget de l’UE pour la pac étant supérieure en valeur au coût du cofinancement : économie sur les sept années de 9 Mrd € pour l’Allemagne, 4,2 Mrd € pour l’Italie, 2,6 Mrd € pour les Pays-Bas, 1,8 Mrd € pour la Belgique, 1,4 Mrd € pour la Suède, tandis que d’autres devraient débourser plus (Pologne 3,6 Mrd €, Grèce 3 Mrd €, Roumanie 2,9 Mrd €, Espagne 2,7 Mrd €, Hongrie 1,9 Mrd €, Irlande et Bulgarie 1,4 Mrd €, etc.). Pour d’autres, l’opération aurait un effet pratiquement neutre.

Budget agricole à la baisse: dangereux !

Il est tout à fait justifié de maintenir les ressources actuelles de la pac, assure ladite direction générale de l’Agriculture dans un document interne. « Beaucoup d’agriculteurs sont déjà confrontés à une situation précaire, le salaire horaire moyen du secteur étant d’environ 40 % de celui de l’ensemble de l’économie et on leur demande de faire plus notamment pour l’environnement et le climat ». Une baisse des revenus liée à une diminution du budget de la pac aurait donc des conséquences douloureuses et potentiellement déstabilisatrices pour certains États membres, secteurs et catégories d’agriculteurs.

Dans le scénario d’une réduction de 30 %, les États membres les plus touchés seraient la Suède et la Finlande avec une chute de 30 % des revenus agricoles, ainsi que la Bulgarie, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie avec des baisses de plus de 10 %.

Les secteurs les plus sévèrement touchés seraient, avec une baisse moyenne qui pourrait atteindre 26 %, les éleveurs de bovins, ovins et caprins, les producteurs de céréales et d’oléo-protéagineux, et les oléiculteurs.

En résumé, les agriculteurs confrontés à une forte volatilité de leurs revenus (comme le secteur des céréales) et ceux dont les revenus sont déjà très faibles (éleveurs et oléiculteurs tout particulièrement dans le sud-est de l’UE et dans les États baltes) seraient les plus impactés par la baisse du budget agricole. Même constat pour les petites exploitations, les très grandes exploitations à l’est de l’UE et celles situées dans des zones soumises à des contraintes naturelles.

Pas mieux pour le foncier

Au-delà de ces impacts économiques directs, d’autres sont attendus : une baisse du prix des terres, mais insuffisante pour résoudre le problème de leur faible disponibilité, un risque de concentration de la production dans certaines zones et d’abandon des terres dans d’autres, une baisse de soutien aux organisations de producteurs qui aggraverait la situation déjà précaire des agriculteurs dans la filière alimentaire.

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