Accueil Voix de la terre

La moutarde me monte au nez…

Au sens propre, évidemment. Même qu’elle me chatouille les moustaches, en cette période de temps tellement poussant pour les engrais verts. Question à la une : « Quand et comment les agriculteurs peuvent-ils tirer le meilleur profit de leurs restes ? »

Temps de lecture : 4 min

Les réglementations (SIE, PGDA, ETCETERA…), aussi riches que complexes, balisent le calendrier en fonction des jours fériés plus que des dates de maturité. Alors comment optimaliser leur destruction ?

Déjà, lors de l’implantation, beaucoup de questions se sont posées :

– Quelle espèce choisir, souvent moutarde ou phacélie ?

– Si c’est une moutarde, s’agit-il de variétés ordinaires et bon marché ? Elles font plaisir aux nématodes mais beaucoup moins aux betteraves qui entrent dans l’assolement. Et si on veut une moutarde anti-nématode, quelles sont les garanties d’efficacité ?

– S’il s’agit d’un mélange complexe, on met le pied dans la permaculture. Les espèces se complètent, s’entraident, se stimulent, dit-on en boucle mais de quelles informations concrètes, de quels essais sérieux dispose-t-on pour faire un choix raisonné ?

– A-t-on semé dans une terre déchaumée pour la labourer plus tard, ou au contraire, a-t-on labouré au sec puis semé sur le labour, en égratignant le sol ?

– Ou encore, s’agit de non-labour pur et dur dans la durée ?

Depuis la mi-novembre, beaucoup ont sorti la charrue. C’est le moment d’enfouir « vivante » cette belle végétation. Jusqu’à présent, les pourfendeurs de l’agriculture ne crient pas au scandale parce qu’on se fait complice des micro-organismes du sol qui sont phytophages.

Mais si le couvert est trop développé et qu’il faut le broyer avant de labourer, d’aucuns diront que passer avec un tracteur tous les 3 m, c’est du tassement, beaucoup d’énergie, donc de gaz à effet de serre et de « sous » dépensés. Un litre de fuel génère 4 à 5 € de dépenses induites. C’est vrai pour les tracteurs comme pour les voitures !

À cela s’ajoute le risque, avec la terre fine, de voir les pluies battantes de l’hiver refermer le sol. La matière organique, privée d’oxygène, va noircir au fond du sillon. Il est fort probable que les racines de la culture suivante ne vont pas apprécier quand il leur faudra traverser cette zone anaérobie.

L’autre solution est de laisser la terre au chaud, sous le couvert, ce qui va assurer une protection mécanique contre l’érosion et la battance. YAPUKA attendre qu’il gèle.

Si c’est un gel costaud et bien installé, c’est du velours. S’il ne vient que de nuit, il faudrait rouler le couvert. Sortir rouler les engrais verts chaque nuit, pas sûr que ce soit du « bonheur dans le pré », et pas sûr que le résultat soit toujours satisfaisant.

Et s’il ne gèle pas, ou qu’il reste pas mal de graminées ? Retour à la case broyage sur terrain humide ou utiliser un gros mot : produit chimique.

Agriculteur, un métier facile ? Il faudra le dire à notre bon ministre de l’Environnement.

D’aucuns veulent du « zéro phyto » pour les autres. Concernant le glyphosate, je vais vous dire un secret mais que ceci reste entre nous.

En fait, depuis qu’il est devenu « produit blanc », le glyphosate ne rapporte plus que des clopinettes aux multinationales de la phytopharmacie. Elles le considèrent plus comme un service de dépannage à l’agriculture que comme une source de profits. À ce jour, impossible de développer un nouveau produit performant, rentable et moins suspecté au niveau de l’écotoxicité. Il faudrait donc libérer le marché.

Et là, pas besoin de lobbies. Ce sont des bénévoles qui font le boulot. Qui ? Ceux que le glyphosate empêche de dormir et pour qui la moutarde monte au nez quand ils voient sortir un pulvérisateur.

Et c’est là tout le paradoxe : pour relancer le développement de l’agrochimie, ce sont les plus hostiles qui sont à la manœuvre. Exactement comme les auteurs des attentats du 11 septembre ont permis de relancer l’industrie de l’armement, en baisse de régime avec la fin de la guerre froide.

Alors, tout ça pour ça ? Des voix s’élèvent pour proposer un quota minimum de « glyphosate » par agriculteur en fonction des surfaces. À chacun de gérer son quota pour en disposer quand c’est nécessaire. Ce serait un bon pacte pour concilier agriculture et environnement, sauf si la tolérance doit aussi disparaître des campagnes.

A lire aussi en Voix de la terre

Une occasion ratée d’encourager les jeunes

Voix de la terre Vous le savez, il n’est pas simple d’être agriculteur aujourd’hui, et le défi est encore plus grand si vous êtes un jeune agriculteur. Or, nous entendons partout que l’état offre des aides, du soutien… ; cela particulièrement destiné à ces jeunes fermiers. Magnifique, pensez-vous. La réalité sur le terrain est bien différente.
Voir plus d'articles