Accueil Voix de la terre

La maladie des cultivateurs

À l’occasion du Nouvel An, les bons sentiments mènent grand train ! Tout le monde aime tout le monde, et chacun donne et reçoit des bons vœux par charretées entières. On sort son carnet d’adresses et son répertoire de téléphone pour prendre des nouvelles d’un vieil oncle, d’un ami d’enfance ou d’un ancien voisin, en espérant partager avec eux des confidences agréables, des moments de détente et de bonne humeur. Après de longs mois de silence, on court également le risque d’apprendre des nouvelles peu réjouissantes du style décès, maladie ou divorce. La vie est ainsi faite, avec ses belles et ses mauvaises surprises. J’en ai fait cette année l’amère et très interpellante expérience…

Temps de lecture : 4 min

Coup de fil à un ami, ce 6 janvier. Je voulais lui faire une petite blaguounette au sujet de la galette des Rois. En guise d’épiphanie, j’ai eu plutôt droit à son « épitaphanie ». Le pauvre souffre d’un cancer des ganglions ! Son épouse m’a raconté, car lui-même était hors-service, complètement démoli par sa chimiothérapie. Cet ami, agriculteur à la retraite, était une vraie force la nature, jamais malade ni fatigué, un courageux, un battant comme on en rencontre très peu. Un mec incroyable ! Âgé de septante ans, il travaillait encore comme un jeunot, jamais en repos, toujours gai et content. Un jour du printemps dernier, il avait taillé ses arbres fruitiers toute la journée ; le soir, son bras droit l’élançait douloureusement, sans doute à force d’avoir manipulé son grand sécateur. Bah, ça partirait comme ça était venu, pensait-il… Le lendemain, il ressentait toujours une drôle de gêne, une souffrance bizarre qui irradiait jusque dans les côtes. Et puis, il y avait cette grosseur sous l’aisselle, de la taille d’un œuf de poulette, présente là depuis des semaines et qui semblait avoir enflé…

Visite chez le médecin de famille, un docteur octogénaire frétillant comme un gardon. Diagnostique immédiat : « Mon pauvre J. ! Tu as le mal des cultivateurs. J’en ai vu des dizaines comme toi depuis que les fermiers pulvérisent leurs champs et leurs bêtes avec toutes sortes de produits chimiques… Quand j’étais jeune médecin, les agriculteurs souffraient du « poumon fermier », l’aspergillose due aux poussières de foin moisi chargée de spores de champignons. Chez les travailleurs du bâtiment, c’est l’amiante qui cause des dégâts. Toi, tu as un lymphome. Tu dois aller voir un oncologue. »

Et là, le chemin de croix de mon pauvre ami a commencé. Il le parcourt aujourd’hui à genoux, couché, rampant, et s’arrête à chaque station en priant qu’il ne s’agisse pas de la dernière. Bien entendu, il s’est renseigné auprès de l’oncologue : les produits de pulvérisation sont-ils la cause de son cancer ? Le spécialiste a parlé d’un « faisceau de causes », mais n’a pas du tout innocenté la famille Glyphosate & Cie, les produits phytopharmaceutiques et tous ces liquides « pour-on » destinés au bétail. La molécule de chlorhexidine, utilisée massivement comme antiseptique dans les césariennes, est loin d’être inoffensive, et l’aluminium des sprays n’a rien d’un enfant de chœur. Un cocktail de toutes ces substances a un pouvoir de nuisance absolument terrifiant et bien réel, a-t-il cru bon d’ajouter.

Ces propos donnent froid dans le dos… Il s’agit là d’un cas vécu, loin d’être unique, et de propos tenus par deux spécialistes de la santé, objectifs et pondérés : un praticien rural expérimenté, et un professionnel des cancers. L’épouse de mon ami leur a parlé de toute cette polémique autour du glyphosate. Leur avis est lapidaire : en vertu du principe de précaution, il faudrait non seulement interdire son utilisation, mais également refuser l’importation de matières premières agricoles produites en l’utilisant. D’autres molécules sont pires encore, et semble-t-il, l’oncologie a de bien beaux jours devant elle…

« La maladie des cultivateurs ».Avouez qu’il s’agit là d’un fameux pavé jeté dans notre jardin ! D’autres potagers mériteraient aussi des cailloux, et des gros bien pointus : les cosmétiques, les colles, les détergents, l’habillement, les gaz d’échappements des véhicules, les rejets des usines… Mais en ce qui concerne les produits utilisés en agriculture, il s’agit en première ligne de notre vie à nous, de notre santé et de celle de nos proches.

J’ai entendu cette « voix de la terre », atterrée et terrifiée, me raconter sa triste destinée. Écoutez ce témoignage, ou fermez-vous les oreilles en refusant d’y croire. À mes yeux, il mérite toute votre attention et votre réflexion…

A lire aussi en Voix de la terre

Voir plus d'articles