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Indemnité pour la fin d’une sous-location?

Je sous-loue depuis des années un terrain agricole de 8 hectares. À l’époque, le propriétaire a donné son autorisation pour cette sous-location. Le propriétaire et son preneur viennent de mettre fin au bail à ferme par un accord à l’amiable. Selon eux, tous mes droits se terminent également. Est-ce correct ? Ne puis-je pas réclamer un bail à ferme direct, puisque le propriétaire a donné son autorisation dans le temps ? N’ai-je pas au moins droit à une indemnité ?

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Expliquons tout d’abord la notion de sous-location. Le contrat de sous-location est un contrat de bail consenti sur la chose d’autrui par celui à qui cette chose a été préalablement donnée en location. Sa nature, par comparaison avec celle d’un contrat de bail principal, est étroitement déterminée par son origine : le locataire tient d’un droit de créance son pouvoir de sous-louer, tandis que le bailleur principal le tient d’un droit réel. ( P. Renier , Le sort du sous-locataire dans les baux à ferme, JLMB 1999, 34)

La fin du bail principal

Vous expliquez que votre bailleur et le propriétaire ont clôturé à l’amiable le bail principal. C’est tout à fait possible sur base de l’article 14 de la loi sur le bail à ferme, qui prévoit que les parties peuvent mettre fin au bail en cours à condition que leur accord soit constaté par un acte authentique ou par une déclaration faite devant le juge de paix. Cela veut dire que la fin du bail principal sera valable à condition que votre bailleur et le propriétaire aient respecté les conditions dudit article 14.

Conséquence sur la sous-location

La loi sur le bail à ferme a réglé dans son article 32 le sort d’une sous-location. L’article stipule clairement que les droits et obligations du preneur et du sous-locataire sont, pour leurs rapports entre eux, déterminés par les dispositions de la loi sur le bail à ferme. La loi prévoit une exception, à savoir les règles relatives à la durée minimum du bail. La sous-location ne peut en effet se prolonger plus longtemps que le bail principal, quelles que soient les conditions dans lesquelles celui-ci a pris fin. Il résulte de cet article que votre bail en sous-location se termine de plein droit comme conséquence légale de la fin du bail principal.

Pas de nouveau bail principal

Vous demandez si vous n’avez pas droit à un bail direct avec le propriétaire, puisqu’il était d’accord pour la sous-location et qu’il a lui-même terminé le bail principal avec son preneur (votre bailleur). Selon nous, la réponse à cette question est négative. Renier écrit dans l’article cité ci-dessus : « La nature personnelle du droit dont dépend le contrat de sous-location en fait un contrat de second rang dans l’ordre de la valeur autant que dans celui du temps. Enté sur un autre contrat, il meurt en principe s’il perd sa source. Quoi qu’il en soit, le contrat de sous-location et le contrat de bail dont il dépend sont deux contrats personnels distincts, inopposables à ceux qui n’en sont pas les parties. L’autorisation de sous-louer donnée au locataire par le bailleur n’y change rien. En autorisant la sous-location, le bailleur ne s’impose aucune contrainte qui vienne s’ajouter à celles que la loi attache au contrat de bail principal : si ce dernier vient à disparaître pour l’une des causes prévues par la loi, le contrat de sous-location en perd son support et le sous-locataire devient, aux yeux du bailleur, un occupant sans titre ni droit. »

Indemnité possible ?

De prime abord, il semblerait qu’une demande d’indemnité aura peu de chance d’aboutir, sur base du même paragraphe écrit ci-dessus. Néanmoins, il faut faire deux remarques importantes. Tout d’abord, il y aura l’obligation pour votre bailleur de vous indemniser conformément à l’article 45 de la loi sur le bail à ferme. L’article 45.1 de la loi sur le bail à ferme énonce le principe que le preneur sortant doit recevoir du bailleur une indemnité du chef des arrière-engrais qu’il abandonne à sa sortie. Cette indemnité est égale à la valeur à la fin du bail des arrière-engrais abandonnés. Il n’est pas facile d’en établir la valeur exacte, de sorte que, dans la plupart des cas, l’indemnité du chef des arrière-engrais est fixée forfaitairement. Des usages locaux y jouent un rôle considérable.

D’autre part, si le propriétaire et votre bailleur ont conclu un accord entre eux pour terminer le bail principal, votre bailleur a collaboré indirectement à la fin de la sous-location. Il est clair que la fin des obligations contractuelles que votre bailleur avait envers vous telle qu’elle s’est déroulée n’est pas une exécution de bonne foi du contrat de sous-location. À notre avis, vous pouvez donc réclamer une indemnité, autre que l’indemnité pour les arrière-engrais, à base de l’infraction sur les obligations du bailleur. Par exemple une indemnité pour la perte partielle des investissements, la perte des revenus futurs…

Comment agir ?

Il faut d’abord mettre votre bailleur en demeure de vous payer l’indemnité, et cela par lettre recommandée. S’il ne veut pas, vous serez obligé de lancer une procédure. Comme toujours, en matière de bail à ferme, la procédure en conciliation est obligatoire au préalable. À cette fin, il faut envoyer une lettre au juge de paix demandant d’appeler les parties en conciliation. Il faut indiquer les coordonnées des parties en cause ainsi que l’objet du litige.

À défaut de conciliation, une citation doit suivre dans le mois à partir du procès-verbal de non-conciliation dressé par le juge de paix. Ce délai d’un mois s’impose si vous voulez maintenir la date de l’introduction de la demande en conciliation comme la date d’introduction de la demande quant au fond. Pour la procédure de fond il est fort conseillé de consulter un avocat.

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