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Commercialisation et finances en diversification: bien gérer, bien choisir

Le producteur se doit, de plus en plus, de multiplier les métiers qu’il maîtrise pour s’en sortir économiquement. Si l’activité agricole lui a été apprise, le plus souvent, dès son plus jeune âge, ce n’est pas le cas pour les nouvelles facettes de l’agriculture. Et il n’est pas toujours aisé de s’improviser commerçant ou comptable.

Temps de lecture : 7 min

DiversiFerm accompagne les producteurs dans leurs démarches de diversification (voir Le Sillon Belge nº 3800 du 18 janvier). Lors de la troisième édition de son événement annuel, « Les rendez-vous de la diversification », l’équipe a proposé de nombreux ateliers à destination des agriculteurs. Au menu notamment, une série de présentations sur le financement, la gestion et la commercialisation des produits.

Au travers de ces trois séances, l’objectif est d’aider les producteurs et/ou transformateurs à mieux gérer leur trésorerie, faire le bon choix de commercialisation des produits, et mieux définir les différentes options de financement participatif – ou crowdfunding – disponibles.

TresoGest

Mary Guillaume du Cra-w à Gembloux présente ainsi TresoGest, un outil de gestion financière simplifié créé avec les agriculteurs et adapté aux fermes diversifiées. Le développement de cet outil s’est inscrit dans la recherche en agriculture biologique, et a évolué avec les remarques des producteurs l’utilisant. L’aide apportée par TresoGest au sein des exploitations était donc combinée à la collecte de données pour la recherche.

C’est également une réponse aux préoccupations des exploitants : comment sont réparties les dépenses entre les différentes spéculations ? Quelle partie de mon activité est la plus rentable ? Combien d’argent ai-je réellement dépensé le mois dernier à travers les petits frais du quotidien ?

TresoGest se présente sous la simple forme d’un fichier Excel, et existe en version « élevage » comme en version « culture ». Il ne prend en compte que les flux réels d’argent, sous forme de factures et de reçus encodés par l’utilisateur. Comme son nom l’indique, il s’agit bien d’un outil d’aide à la trésorerie et non à la comptabilité.

Le fichier nécessite de préciser les caractéristiques techniques de la ferme, avant d’intégrer toutes les recettes et les dépenses de l’exploitation. Les résultats sont alors automatiquement générés, ce qui permet d’en tirer des graphiques et statistiques à analyser.

Objectiver ses impressions

Marc-André Henin, de la ferme d’Esclaye, a contribué au développement de TresoGest en tant qu’éleveur laitier, et l’utilise depuis 4 ans. Il tire de cette expérience beaucoup de conclusions positives. « Cela m’a surtout permis de connaître la situation financière réelle de ma ferme », raconte-t-il. « J’ai pu beaucoup plus objectiver mes impressions, me rendre compte que certains niveaux où je pensais perdre de l’argent étaient en fait dérisoires comparés à d’autres. »

« Cette vision de ma trésorerie me donne l’occasion de cibler les actions à adapter pour améliorer ma rentabilité. Je peux mieux maîtriser l’alimentation, améliorer la productivité, et surtout choisir un prix de vente correspondant aux coûts réels. »

Dernier avantage de cet outil : il est gratuit. S’il a été conçu en collaboration avec des producteurs bio, le fichier est tout à fait utilisable pour l’agriculture conventionnelle. Il nécessite une prise en main pour laquelle il est conseillé d’être accompagné, mais il est conçu pour être adapté par toute personne maîtrisant Excel, afin de l’adapter à ses propres besoins.

Colis ou boucherie ?

Quand un éleveur décide de vendre lui-même la viande des animaux qu’il a élevés, deux options s’offrent à lui : installer une boucherie à la ferme, ou vendre des colis préparés. De ces deux options découlent de multiples scénarios imaginables, que décrit Maryvonne Carlier du pôle économique de DiversiFerm.

En effet, l’abattage peut avoir lieu à la ferme ou non, réalisé par le producteur ou par un tiers. De même pour la découpe, puis le fractionnement en colis, ou non, qui amène à une vente de colis ou une vente au détail. Le choix d’une option et de son scénario est conditionné par plusieurs facteurs dont chacun établira la hiérarchisation des priorités en fonction du profil de son exploitation.

Chaque option présente son lot d’avantages, mais aussi d’inconvénients ! Si la boucherie à la ferme permet une vente au détail et la possibilité pour le consommateur de choisir ses morceaux, elle entraîne un risque d’invendus. Un contact direct avec le consommateur et une fidélisation de la clientèle sont plus facilement obtenus, mais une licence de boucher et des investissements conséquents sont nécessaires.

A contrario, la vente de colis limite les invendus et permet de s’assurer un pourcentage de ventes avant l’abattage de l’animal, mais il est plus compliqué d’avoir des colis homogènes, et les clients commandent moins régulièrement. En rentrant dans les détails des différentes tailles de colis, d’autres freins et atouts se rajoutent encore…

La localisation, la situation financière, la production, la main-d’œuvre, la motivation, le type de commercialisation, les obligations légales, etc. sont autant de critères qui pèsent dans la balance lors du choix. Chez nous, le facteur limitant est bien entendu la répartition des abattoirs. Il est en effet difficile d’être concurrentiel lorsque l’animal doit parcourir une longue distance, aller et retour, avant d’être vendu en viande à la ferme.

Bien évaluer sa rentabilité

« Mais le point d’attention le plus important est d’évaluer la rentabilité », prévient Maryvonne Carlier. « Il faut en premier lieu calculer le seuil minimum de rentabilité, afin de déterminer le chiffre d’affaires minimum et donc la quantité de viande à produire et vendre pour couvrir les frais fixe. »

Et si certains coûts sont facilement chiffrables, d’autres sont souvent sous-estimés voire oubliés : coûts dus aux pannes, à la main-d’œuvre, aux frais d’analyses, aux invendus… Il est donc primordial de fixer un prix de vente qui prend en considération tous ces éléments, afin d’assurer un avenir commercial à votre production.

Enfin, tout le monde n’est pas fait pour être commerçant. C’est un métier à part entière, qui nécessite du temps, de la motivation, et des compétences de communication. Il est important de se créer une identité visuelle, d’être présent sur un maximum de fronts, et de vendre, en plus de son produit, sa façon de travailler et même sa personnalité.

Financement participatif

Didier Palange, de Financité, rappelle, lui, l’intérêt de se tourner vers les financements participatifs. Ceux-ci existent sous de nombreuses formes, et sont en ce moment une mode avec laquelle il faut compter. Le crowdfunding est bien sûr légalement encadré, et peut se réaliser à l’aide d’une plateforme (comme Miimosa par exemple), avec une limite de 5.000€ par investisseur, ou sans plateforme, la limite étant alors fixée à 1.000€ par investisseur. Dans les deux cas, le montant total qui peut être récolté est de 300.000€.

Passer par une plateforme facilite l’organisation de votre campagne, augmente sa visibilité, donne du poids à votre projet et des avantages fiscaux aux investisseurs si celle-ci est agréée par le SPF. En contrepartie, elle prélève un pourcentage des montants collectés et exige que vous atteigniez une certaine part de la somme visée pour que vous puissiez bénéficier de l’argent.

Le crowdfunding présente un fort potentiel en Belgique, puisque 84 % des gens ayant déjà investi par ce moyen souhaitent recommencer. De plus, si le Belge a dépensé en moyenne 0,11€ en 2014 pour ce type de financement, le Français en a déboursé 1,20€ et l’Anglais 1,78€. Ces chiffres laissent donc présager un accroissement de l’intérêt pour ces investissements chez nous.

Édition réussie

Les rendez-vous de la diversification proposaient encore de nombreux ateliers visitant d’autres thèmes, comme le stockage et la conservation des fruits et légumes, la création et le développement d’une filière de production ou encore l’amélioration des produits laitiers. Au vu du nombre de producteurs et encadrants présents lors de cet événement, le succès et la propagation de la diversification n’est pas démenti.

Le nombre d’acteurs de la transformation grandissant permet, à n’en pas douter, de prédire un public encore plus nombreux lors de la prochaine édition, dans un an !

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