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Menace sur l’usage des néonicotinoïdes: «il en va de l’avenir de la culture betteravière!»

Temps de lecture : 4 min

« La situation des betteraviers a considérablement évolué depuis la suppression des quotas et les changements des réglementations qui bousculent le marché. Il n’y a plus de garantie de rentabilité et les conditions s’avèrent plus difficiles. La problématique des produits phytopharmaceutiques induit également une pression beaucoup plus forte.

Une protection beaucoup plus ciblée

On a tendance à oublier les efforts que les agriculteurs fournissent au quotidien pour limiter l’utilisation de tels produits. En ce qui concerne la culture de la betterave, et également de la chicorée, on en utilisait beaucoup plus avant, avec impacts avérés sur l’environnement. De nombreuses recherches ont permis d’utiliser les produits de façon plus efficace et plus respectueuse de l’environnement. Nous sommes passés des pulvérisations intensives à une utilisation de néonicotinoïdes (NNI) ciblée, dans l’enrobage de la semence. On a changé de types d’insecticides, on a réduit les quantités en visant une plus grande efficacité et une diminution considérable des effets sur l’environnement.

Il faut savoir qu’en matière de produits de protection des plantes, il n’est pas question d’utiliser n’importe quel produit pour n’importe quelle plante et à n’importe quelle dose. Chaque produit reçoit une agréation avant toute utilisation et de nombreux chercheurs prodiguent leurs conseils quant à des doses encore plus respectueuses et efficaces. Parallèlement, l’évolution actuelle des variétés de betteraves permet également une utilisation moindre de produits.

Alternatives défaillantes

Supprimer les néonicotinoïdes aujourd’hui me semble terriblement hasardeux. Les produits alternatifs dont nous disposons sont nettement moins efficaces dans la protection des plantes mais également plus néfastes à l’environnement car nous devrons alors reprendre des pulvérisations sur toute la parcelle, sans pouvoir cibler particulièrement les nuisibles de la betterave. Sans oublier les risques de propagation des produits en fonction des conditions climatiques comme un temps venteux. Un risque accru pour les abeilles.

Les abeilles: pas si simple!

Je connais la question, je possède quelques ruches, elles me viennent de mon grand-père qui les avait fait venir de Flandre pour s’installer dans notre exploitation d’Erquelinnes. J’aime l’idée que ces abeilles ont toujours été là, que nous pouvons consommer leur miel.

La mortalité hivernale des abeilles, telle que nous l’observons dans certaines situations, est bien sûr un réel problème. Mais nous nous trompons peut-être sur les causes principales de cette mortalité. Nous nous focalisons trop sur l’impact de l’utilisation des produits de protection des plantes alors qu’il existe également quantité d’autres facteurs comme les parasites tel le varroa, un acarien se nourrissant des abeilles et s’infiltrant dans les ruches. Un mal que nous pouvons combattre. Mais si on interdit l’ensemble des produits phytopharmaceutiques, nous n’aurons même plus cette solution.

La betterave n’est pas une culture attractive pour les abeilles. Vous ne verrez jamais une abeille dans un champ de betteraves en été ! Le seul phénomène pouvant être mis en cause est le phénomène de guttation : des gouttes d’eau qui apparaissent tôt le matin sur les feuilles de betteraves et qui, peut-être, peuvent contenir des traces de néonicotinoïde. Mais les abeilles cherchant à s’hydrater ne circulent pas si tôt le matin. Mon désir serait une apiculture plus naturelle, sans insémination artificielle ou élevage de reines comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Il faut également dégager des moyens pour une meilleure formation des apiculteurs, un métier qui ne s’improvise pas.

Soucieux de l’environnement

Notre souhait à tous est de protéger l’environnement comme les cultures. Il ne faut pas oublier que la personne la plus exposée aux produits est l’agriculteur. Il est donc dans notre intérêt de nous plier au maximum aux réglementations d’utilisation des produits pesticides et phytopharmaceutiques. Il serait irresponsable de pulvériser de façon inconsidérée des produits alors que nous sommes les premiers concernés. Comme tout le monde, j’aimerais arriver à une protection 100 % bio mais est-ce réaliste pour les betteraviers ? Restera-t-il suffisamment de cultures ? Comment faire face à des importations moins réglementées et donc plus dangereuses ?

La survie de nos exploitations

Il est primordial d’opter pour une politique claire et cohérente, en procédant par étapes. La rentabilité de la betterave est plus que jamais sous pression. Si on nous retire les néonicotinoïdes purement et simplement, notre rentabilité va tout bonnement chuter face notamment à certains virus. Comment accepter l’idée que mon exploitation ne soit plus rentable, que je ne puisse plus subvenir aux besoins de ma famille ?

Dans l’attente de cette décision concernant la suppression des néonicotinoïdes, nous espérons obtenir une dérogation concernant les cultures de betteraves et de chicorée. J’espère que ce sera le cas. »

David Jonckheere

, vice-président de l’Association des betteraviers wallons, président de la Fédération des betteraviers qui livrent à la RT

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