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Les fraises: de rutilantes Américaines!

Des fraisiers à gros fruits se rencontrent dans la plupart de nos jardins, et on pourrait penser que cette plante fait partie de notre flore indigène comme le fraisier des bois. En fait, il n’en est rien ! Deux espèces de fraisiers à gros fruits ont été importées d’Amérique, l’une au 17e  siècle d’Amérique du Nord, et l’autre au 18e  siècle d’Amérique du Sud. Les variétés actuelles de fraisiers résultent de nombreux croisements réalisés entre ces deux espèces depuis trois siècles.

Temps de lecture : 8 min

Nous allons vous conter l’histoire de ces fruits délicieux, une histoire où sont intervenus de nombreux acteurs, et où il reste des zones d’ombre et des imprécisions

Un peu de botanique : les fraisiers indigènes

Le genre botanique Fragaria (famille des Rosacées) comprend 46 espèces ; une dizaine d’entre elles présente des caractéristiques fruitières intéressantes, et elles ont été ou sont utilisées pour la création variétale. Leur nombre chromosomique varie de 2n=14 à 2 n=70 selon l’espèce.

En Belgique, trois espèces indigènes de fraisiers peuvent se rencontrer : le fraisier des bois, le fraisier vert et le fraisier musqué.

Fragaria vesca (2n=14), le fraisier des bois, est présent dans des forêts claires, des haies ou des bords de fossés, là où le sol est frais. Il atteint 30 cm de haut. Le fruit, sphérique ou ovoïde, de teinte rose blanchâtre ou rouge est très parfumé ; il pèse environ 1 g et se détache facilement du calice. Ce fraisier stolonne abondamment et forme de vastes tapis. Les fraisiers des quatre saisons forment un sous-groupe qui ne stolonne pas ; ils se multiplient par semis de graines. La fructification s’échelonne sur toute la belle saison

Fragaria viridis (2n=14), le fraisier vert, est plus petit (20 cm de haut) et plus rare ; il est présent sur des sols secs comme par exemple les pelouses calcaires ; le fruit, plus petit, est fibreux et fortement attaché au calice.

Fragaria moschata (2n=42), le fraisier musqué, capron ou capiton, est plus grand (40 cm). On le rencontre occasionnellement dans des forêts claires à sol ni acide, ni calcaire. Le fruit est plus gros et plus charnu que chez le fraisier des bois.

Jusqu’à la diffusion des deux espèces américaines qui suivent, le fraisier des bois et le fraisier musque sont les seules espèces qui étaient cultivées en Europe ; on les trouve représentées dans diverses œuvres d’art.

Et leurs cousins américains

L’exploration du continent américain à partir du 16e  siècle va permettre de découvrir puis de ramener en Europe une quantité considérable de plantes, parmi lesquelles certaines jouent depuis lors un rôle majeur dans l’alimentation humaine ou animale. Deux fraisiers américains font partie de cette cohorte.

Fragaria virginiana (2n=56), le fraisier écarlate ou fraisier de Virginie a été signalé au 16eet au 17e  siècle par différents voyageurs anglais ou français qui exploraient l’Amérique du Nord. Ils mentionnent que cette plante porte des fruits nettement plus gros que les fraisiers connus en Europe.

C’est le cas du maloin Jacques Cartier qui fit plusieurs voyages entre 1534 et 1541 et qui prit possession du Canada au nom du roi de France François 1er. Cinquante ans plus tard, les anglais Harriot et Greenville collectent de nombreuses plantes ramenées à Londres en 1586 par Francis Drake. Au 17e  siècle, des fraisiers de Virginie sont signalés aussi à Paris et à Bruxelles, et au 18e  siècle, aux Pays-Bas et en Suède. On peut dire qu’à la fin du 18e  siècle, ce fraisier était cultivé dans tout le nord de l’Europe.

Par la suite, d’autres introductions de fraisiers Nord-américains ont parfois amené en Europe des plantes différentes ; il n’est pas étonnant que sur toute l’étendue du continent Nord-américain en latitude et en longitude pouvaient exister des fraisiers différents, qui par facilité ont été englobés dans l’espèce F.virginiana.

Fragaria chiloensis (2n = 56), le fraisier du Chili ou fruitillier a une histoire connue avec davantage de précision. En 1711, l’officier français du Génie maritime Amédée François Frezier (ou Fraizier) est envoyé par le roi Louis XIV sur la côte Ouest d’Amérique du Sud afin de relever clandestinement les plans des fortifications édifiées par les Espagnols au Chili et au Pérou. Son voyage dure 160 jours ; il y arrive en juin 1712 et y séjourne un an et demi. Il mentionne avoir vu au Chili des cultures de fraisiers très productives, dans les vallées côtières irriguées aux alentours des villes de Conception et Valparaiso. Ces fraisiers se rencontrent entre 45º et 33º de latitude Sud.

Lorsqu’il revient à Marseille, après six mois de navigation, cinq plants de fraisiers récoltés au Chili étaient encore vivants, dans une serre placée sur le pont du navire. Il en donne deux à Monsieur Roux de Valbonne qui les avait soignés pendant le voyage ; un à Antoine de Jussieu, botaniste au Jardin des plantes de Paris ; le quatrième à Monsieur Lepelletier de Souci ; le cinquième fut transféré à Brest, où il est à l’origine de la culture du fraisier à Plougastel.

Ces plants étaient remarquables par la grandeur de leurs fleurs, mais leur fructification était très faible ou nulle, s’ils étaient cultivés isolément. Mais on remarqua que s’ils étaient cultivés à côté d’autres fraisiers, par exemple de Virginie ou Caprons, ils fructifiaient normalement. À partir de 1750, l’habitude fut prise d’associer dans les cultures de fraisiers du Chili une autre espèce fécondatrice.

En 1766, le jeune botaniste Duchesne, âgé de 19 ans, constata que les fruitiers du Chili introduits en France étaient porteurs uniquement de fleurs unisexuées femelles, donc dépourvues d’étamines, ce qui expliquait leur stérilité s’ils ne côtoyaient pas des plants pollinisateurs.

Des fraisiers du Chili ont aussi été trouvés sur la côte Nord-Ouest d’Amérique du Nord, entre 38º et 48º de latitude Nord, de la Californie à l’Oregon.

Arrivent ensuite les hybrides à gros fruits

Le semis d’akènes de fraisiers du Chili librement fécondés donnait donc des plantes hybrides interspécifiques à gros fruits qui ont été dénommés Fragaria X ananassa (2n=56) ; ils sont à l’origine de nos fraisiers à gros fruits actuels. Leur potentiel génétique est encore loin d’avoir été complètement exploité, comme le démontre le nombre élevé de variétés nouvelles proposées chaque année par les hybrideurs du Monde entier.

Elles sont classées en trois groupes selon leur réponse à la photopériode (= longueur relative du jour et de la nuit) qui régit leur induction florale.

Fraisiers à production printanière ou fraisiers de juin

L’induction florale a lieu en septembre lorsque la longueur du jour est inférieure à 13 heures et que la température est encore suffisamment élevée ; ensuite les plantes entrent en dormance. Celle-ci sera levée par le froid hivernal : 20 à 40 jours à température inférieure à 5 – 7,5ºC, selon les variétés. La floraison interviendra en avril-mai, puis la fructification environ 5 semaines après épanouissement de la fleur correspondante.

Contrairement à ce qui se produit dans le sud de l’Europe, sous le climat belge, ces fraisiers ne réinitient pas de fleurs en fin d’hiver lorsque le jour est encore inférieur à 13 heures parce qu’à cette période la température est trop basse.

Fraisiers remontants

L’induction florale peut avoir lieu toute l’année à condition que la température soit suffisamment élevée. Dans le climat belge, des stolons plantés en été ont une première induction florale en septembre, qui donnera une récolte printanière, puis une seconde induction florale au printemps et en été, qui assurera une fructification continue pendant l’été et l’automne, jusqu’à l’arrivée du froid. Cette production est stimulée si on supprime la première floraison.

Fraisiers semi-remontants

Quelques variétés, comme par exemple ‘Red Gauntlet’ peuvent avoir une seconde induction florale lorsque la longueur du jour est inférieure à 14h30. Après la récolte normale de juin, elles donnent encore une petite production en août. Dans les années 1970, cette seconde induction a été provoquée artificiellement en couvrant les plantes d’un tunnel plastique noir pendant un certain temps afin de rallonger les nuits.

Réussir la plantation des fraisiers

Les exigences des fraisiers ne sont pas excessivement sévères ; encore faut-il respecter quelques principes si l’on veut être récompensé de ses efforts.

La qualité du sol

Le fraisier n’aime ni les sols trop lourds ou trop légers, ni un pH trop élevé ; il préfère un sol limoneux ou sablo-argileux à pH neutre, frais sans humidité stagnante, modérément pourvu en azote, mais riche en humus et en potasse. Une rotation d’au moins quatre ans est souhaitable.

La préparation du sol

Comme la majorité des racines se développeront dans les trente premiers centimètres, on recommande une préparation soignée, faite à temps, avec une fragmentation homogène de toute la couche arable.

Un paillage plastique noir et une gaine d’arrosage

Les fraisiers se plantent en doubles lignes, à 35 x 35 cm en quinconce en sol plan ou de préférence sur un ados de 5 cm.

La date de plantation

Pour les fraisiers de juin : obligatoirement avant le 10-15 août ; pour les fraisiers remontants, soit à la même date, soit en fin d’hiver, avec enlèvement des premières fleurs.

La qualité des plants

Se procurer des plants certifiés concernant leur identité et leur état sanitaire : plants frais à racines nues au feuillage bien vert et aux racines non desséchées, ou plants en motte ou en pot.

Pour les fraisiers se multipliant par semis (4 saisons et hybrides F1), acheter soit des graines à semer, soit des plants élevés en pépinière.

La technique de plantation

En sol humecté au préalable, en plaçant le collet exactement au niveau du sol, ni trop haut, ni trop bas. Pour les plantes à racines nues, faire une fente large et profonde, puis étaler les racines en éventail.

Les soins après plantation

Pendant une semaine, bassiner le feuillage plusieurs fois par jour, puis maintenir le sol humide.

Couper les filets et désherber les trous de plantation et les interlignes.

En début d’hiver, poser un voile de protection ou couvrir de feuilles mortes.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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