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Voir plus loin que le bout de son nez!

La Côte d’Ivoire va détruire 100.000 ha de cacaoyers, rapportait récemment la presse internationale. En cause : la recrudescence d’un virus, le « swollen shoot », qui fait des ravages et détruit la culture. Et que peut faire « l’homme-médecine » ? Pas grand-chose. Pas de produits phyto. Pas de biotechnologie. Juste éradiquer. En espérant pouvoir un jour replanter des variétés plus résistantes, dédommager les agriculteurs : 50.000 CFA /ha, ce qui fait… 76 €/ha.

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Plus au nord de la planète, on se prépare à détruire 60.000 ha… en Belgique ! De quoi ?… de betteraves, pardi ! Cette culture qui ne fournit que 20 % du sucre mondial. En cause, « l’écolorabique », ce virus qui voit le mal partout, notamment en agriculture et qui cherche à détruire ce que des générations avant lui ont construit patiemment.

Nous ne parlons pas de l’écologie raisonnée et responsable, qui, comme la grande majorité des agriculteurs, aime et respecte la nature, la pratique de près, dialogue avec elle et se montre conséquente dans ses choix et ses prises de positions. Non, il s’agit du genre intégriste, pérorant dans les villes sur ce que les autres devraient faire… et descendant à la campagne pour détruire les champs d’expérimentation notamment.

Comme l’homme occidental mange trop de sucre (certains oui, d’autres non), arrêtons cette culture, disent-ils. Étouffons-la économiquement. Retirons-lui les moyens de se défendre. Ils oublient qu’aujourd’hui, elle doit tenir le coup au prix mondial. Les manœuvres actuelles concernent les « néonicotinoïdes ». Ils veulent le retour au bon vieux temps. Comme en 1936, quand la jaunisse, véhiculée par les pucerons, a détruit 18.000 ha, 1/3 du revenu potentiel de la betterave, 25 millions de francs à l’époque soit 10 millions d’euros d’aujourd’hui.

Tout est bon quand on a une idée fixe et qu’on ne recherche pas le « bien vivre ensemble ». On pratique des méthodes que les populistes connaissent bien : monter les gens les uns contre les autres. Ainsi par exemple des apiculteurs, contre les agriculteurs.

En cherchant à comprendre, je me suis rendu compte que ceux qui défendent vraiment les abeilles ont l’esprit bien plus large. Ainsi l’association Cari, qui les représente, était sur le site du Festival de l’agriculture de conservation, organisé à la mi-juin, à Ligny, pour dialoguer. L’expertise de BeeOdiversity propose une approche scientifique de la question, avec les agriculteurs et pas contre eux.

Il est clair pour tous que moins on utilise d’insecticide, mieux c’est ! L’enrobage des semences était un progrès par rapport aux pulvérisations de plein champ. Concernant les produits incriminés, on ne semble pas avoir établi une relation directe de cause à effet. Leur suppression dans l’enrobage des semences de tournesol en France n’a rien changé au problème. Les difficultés rencontrées en apiculture sont multifactorielles. Alors, une culture sans fleur suivie d’une céréale et d’un engrais vert qu’on n’est pas obligé de laisser fleurir… c’est grave, Docteur ?

Une autre menace pèse sur la betterave, c’est l’arrêt des produits de désherbage actuels. Comme si cela ne suffisait pas, les ennemis de l’agriculture s’attaquent discrètement au prochain renouvellement des agréations des produits concernés. C’est au politique de prendre ses responsabilités mais ils ne font rien sans la pression. Et ce n’est quand même pas le rôle des agriculteurs de manifester pour défendre le marché des multinationales de la Phyto. Quant aux rasettes, elles sont bien dans les musées. Laissons les tranquilles.

L’agriculture est à la croisée des chemins mais si on ne se bat pas pour la betterave, on va droit vers une catastrophe écologique bien plus importante que les griefs qu’on lui fait. Pourquoi ? Parce que la canne à sucre compenserait sa disparition et personne ne semble conscient que celle-ci se cultive avec beaucoup d’eau dans des pays où l’eau est déjà un facteur limitant. En voulant faire « trop propre » chez nous, on va faire « très mal » dans des pays qui souffrent déjà beaucoup.

De quelque point de vue qu’on se place, tant écologique qu’économique, la betterave doit être défendue. Elle doit son développement à la volonté de la France et de l’Europe de contourner le blocus maritime anglais sous Napoléon. À l’heure du Brexit et du comportement économique peu amical du président américain, la betterave en Europe est plus vitale que jamais. Les grands médias, toujours friands d’exciter l’opinion dans tous les sens devraient regarder plus loin que le bout de leur nez. Après avoir bien critiqué l’agriculture, J’imagine déjà les mêmes journaux écrire en grand quand il sera trop tard : « L’Europe s’est tiré une balle dans le pied en abandonnant la betterave »

Il faut espérer que les politiciens d’aujourd’hui puissent aussi voir plus loin que le bout de leur nez, ce qui se fera si les betteraviers prennent leur sort en mains et se battent pour leur avenir !

JMP

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