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Des moutons quittent la campagne cinacienne pour la «grande ville»

Rien ne prédestinait David D’Hondt, enseignant bruxellois, à devenir éleveur ovin… Si ce n’est son amour de l’agriculture qui l’a conduit, fin juin, à accueillir ses dix premières agnelles Zwartbles au cœur même de la capitale.

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Passionné d’agronomie et d’agriculture depuis son plus jeune âge, c’est pourtant vers une formation journalistique que s’oriente David D’Hondt une fois ses études secondaires terminées. Après une carrière de plusieurs années dans la presse écrite, il se redirige vers l’enseignement en intégrant une école professionnelle de Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles), mais n’en oublie pas pour autant ses premières amours.

En effet, l’homme consacre une partie de son temps libre à cultiver son potager mais aussi à élever des abeilles, après avoir suivi avec succès une formation en apiculture. Mais l’envie de vivre davantage sa passion se fait de plus en plus présente. S’en suit une période de réflexion, recherches et rencontres qui le conduira à prendre une décision importante. Sans quitter Bruxelles et son métier d’enseignant, David deviendra éleveur ovin !

Formé en Wallonie, en Flandre et… à Paris

Toutefois, il ne souhaite pas démarrer cette nouvelle expérience sans y être correctement préparé. « J’ai suivi une série de formations à l’élevage ovin en Wallonie, avec le Mouvement d’Action Paysanne et la Fugea », explique-t-il. « Mais aussi en Flandre, ou des cycles traitant d’un thème bien particulier, comme l’agnelage, sont organisés chaque année. »

« L’élevage m’apporte des moments de calme et sérénité mais je ne compte pas pour autant quitter l’enseignement. »

En août dernier, il part également en Seine-Saint-Denis (banlieue parisienne) où sont installés des bergers urbains depuis plusieurs années. « Durant un mois, je me suis formé au pastoralisme urbain, à l’organisation des transhumances, à la reconnaissance des plantes ainsi qu’à leurs bienfaits et effets nocifs… J’ai pu trouver des réponses aux nombreuses questions que je me posais », explique-t-il. Afin de se perfectionner, il est d’ailleurs reparti à leur rencontre en novembre, durant une semaine.

Attention, passage de Zwartbles

En parallèle, David se doit de choisir la race qu’il élèvera. « Pour des raisons pratiques, je ne pouvais me tourner vers une race laitière. » En effet, traire des brebis deux fois par jours et transformer leur lait en fromage n’est pas compatible avec son métier d’enseignant.

Il se renseigne alors auprès de Philippe Vandiest, conseiller technique « ovin » de l’Association wallonne de l’élevage, et de plusieurs éleveurs. Parmi ceux-ci, le cinacien Philippe Houbion lui vante les mérites de la race Zwartbles. « Dociles, vivant en extérieur toute l’année et présentant un fort instinct maternel, ces moutons correspondaient parfaitement à mon projet et à mon mode de vie », se souvient-il. Dix agnelles sont donc précommandées auprès de Philippe Houbion lui-même.

« À la fois docile et de plein air, la race Zwartbles est idéale pour débuter dans l’élevage ovin », relève David D’Hondt.
« À la fois docile et de plein air, la race Zwartbles est idéale pour débuter dans l’élevage ovin », relève David D’Hondt. - J.V.

Reste à trouver une pâture prête à accueillir les animaux. Le futur éleveur s’adresse à Bruxelles Environnement et BoerenBruxselPaysans qui soutiennent son projet. Une prairie permanente de 66 ares est mise gracieusement à sa disposition dans la vallée du Vogelzang, derrière l’hôpital universitaire Erasme, à Anderlecht. De plus, une clôture ainsi qu’un abri et un abreuvoir pour les moutons y sont installés. Tout est prêt pour accueillir les animaux. Fin juin, ils sont enregistrés auprès de l’Arsia et débarquent à Bruxelles !

Désireux de déplacer ses animaux, « afin de diversifier leur alimentation mais aussi de préserver la santé de leurs onglons, leur point sensible », David est aussi entré en négociation avec plusieurs communes susceptibles de lui proposer des zones d’herbe pâturable. « La commune de Schaerbeek a répondu favorablement à ma demande. Je pourrai amener mon troupeau en ville, dans le parc Josaphat. » Au vu de la distance, les moutons seront déplacés en bétaillère.

Dans la prairie, d’une superficie de 66 ares, les moutons disposent d’un abri  et d’un abreuvoir installés par Bruxelles Environnement, en soutien au projet.
Dans la prairie, d’une superficie de 66 ares, les moutons disposent d’un abri et d’un abreuvoir installés par Bruxelles Environnement, en soutien au projet. - J.V.

Des discussions sont également en cours avec la commune d’Anderlecht. Elles visent une parcelle accessible à pied, car située à proximité de la pâture actuellement occupée par les agnelles. « En cas d’accord, je devrai dans un premier temps demander l’autorisation de la police avant chaque déplacement, car ce type de « convoi » n’est pas fréquent à Bruxelles », explique David, qui attend avec impatience sa première transhumance.

« En hiver, je devrai apporter un complément de foin », poursuit-il. Celui-ci sera produit à Bruxelles, dans la mesure du possible, ou acheté chez un autre agriculteur. Et après ? « Je souhaiterais me former à la gestion des prairies et plus particulièrement au pâturage tournant. »

De la laine et des colis de viande

À terme, le jeune éleveur ambitionne de porter son troupeau à 40 têtes, sans quitter son métier dans l’enseignement. « Je devrais y parvenir d’ici 4 ou 5 ans, si tout se passe comme prévu », poursuit-il. Il craint notamment que des vols viennent freiner son projet ; de tels méfaits n’étant malheureusement pas à exclure en ville. Les risques devraient toutefois diminuer une fois qu’il aura plusieurs parcelles à sa disposition.

D’ici 5 ans, ce sont pas moins de 40 moutons qui devraient pâturer dans Bruxelles.

Le troupeau grandira par l’achat de quelques têtes supplémentaires, l’année prochaine, et par la mise au bélier des agnelles fraîchement arrivées à Bruxelles. « Pour parfaire mes connaissances dans ce domaine, ainsi qu’en matière d’agnelage, je compte retourner chez Philippe Houbion, où je pourrai assister à ces opérations délicates. »

En outre, David poursuit deux objectifs de valorisation : la production de laine et la vente de colis de viande d’agneau. Au-delà de ses qualités précitées, la race Zwartbles produit en effet une belle quantité de laine et des agneaux de bonne conformation.

Des Zwartbles pâturant devant le futur nouvel Institut Jules Bordet, à Anderlecht ;  une image peu commune de l’élevage ovin mais qui témoigne du développement  d’une agriculture d’un nouveau genre.
Des Zwartbles pâturant devant le futur nouvel Institut Jules Bordet, à Anderlecht ; une image peu commune de l’élevage ovin mais qui témoigne du développement d’une agriculture d’un nouveau genre. - J.V.

Pour la transformation de la laine en fil, il souhaite travailler avec la Filature du Hibou, installée à Boninne. Des contacts sont également pris avec une artisane spécialisée dans le tissage de tapis, notamment de laine. « Le côté atypique d’une laine bruxelloise doit être valorisé à sa juste valeur et non dans un circuit que je qualifierai de classique », estime-t-il.

Les premiers colis de viande devraient quant à eux être commercialisés en 2020, après une première mise au bélier en automne 2019. « Maintenant que je dispose de mon certificat d’aptitude professionnelle pour le transport d’animaux, je recherche un abattoir et un boucher prêt à découper et conditionner la viande. » Pour la vente à proprement parler, il souhaite travailler par précommande ou avec BeesCoop, une coopérative bruxelloise disposant d’un magasin à Schaerbeek. Une collaboration avec un réseau de restaurant bruxellois favorisant les produits locaux est également envisagée.

Enfin, David souhaite combiner ses deux casquettes et, pourquoi pas, délocaliser de temps à autre sa classe dans la prairie, afin d’y organiser des ateliers avec ses élèves. « Ou encore avec les résidents du centre de revalidation situé à proximité… En tout cas, j’y réfléchis ! ».

J.V.

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