Accueil Equipements

Agrochargeuses: comment faire le bon choix?

Depuis quelques années, différents constructeurs s’investissent sur ce marché particulier qu’est celui des agrochargeuses. À notre tour, nous nous y sommes intéressés en vue d’identifier les points forts et faibles de ces machines ainsi que les questions à se poser avant l’acquisition d’un tel matériel.

Temps de lecture : 10 min

Voici plusieurs années déjà que les chargeurs sur pneus de grand gabarit règnent en maîtres sur les silos d’herbe et de maïs. Imbattables en matière de productivité sur ce terrain, ces agrochargeuses se répandent chez les entrepreneurs agricoles et dans les grandes exploitations. Et leur tâche s’y diversifie avec des travaux de manutention dans lesquels elles surclassent les engins de levage classiques. Elles sont ainsi employées pour le chargement du fumier, d’engrais, de ballots, de céréales et de matières diverses, que ce soit au champ, à la ferme ou dans des installations de biométhanisation. Certains les utilisent également pour alimenter leur bétail par le biais de godets mélangeurs de grande capacité.

Pour en savoir plus sur ces engins, nous avons rencontré un expert du domaine, Gregor Grootjans, product specialist chez JCB Benelux. Disposant d’une grande expérience dans le secteur, Gregor est un homme de terrain, passant aussi facilement du fauteuil de son bureau à celui d’une machine. En outre, il se rend régulièrement chez le constructeur en Angleterre, notamment pour participer au développement de nouveaux concepts ou de nouvelles machines.

Il date le début du marché des agrochargeuses dans notre pays à la première moitié des années ’80. À l’époque, la plupart des machines vendues étaient issues du génie civil et leur adaptation au secteur agricole se résumait simplement à la monte de pneumatiques au profil agraire.

Aujourd’hui, la technologie a évolué, en même temps que les attentes des utilisateurs, et la donne a changé. Le volume des ventes est en croissance.

La présence de plusieurs constructeurs sur ce marché spécifique est en soit une bonne chose car elle crée une forme d’émulation commerciale et peut être source de développement de nouvelles solutions technologiques plus performantes.

1

D’emblée, Gregor prévient : attention, le choix d’une agrochargeuse ne s’improvise pas ! Il doit être le fruit d’une réflexion approfondie. Les détracteurs de ces machines leur trouvent souvent comme défauts un prix d’achat élevé, une faible hauteur de levage, un poids excessif ou encore un gabarit conséquent.

En ce qui concerne le prix, s’il est plus élevé que celui d’un tracteur ou d’un télescopique, il peut être vite amorti si le volume de travail annuel est présent. Et en ce qui concerne les autres défauts, choisir la machine optimale permet de les atténuer, voire de les gommer. Pour ce faire, plusieurs questions doivent être posées pour éviter les déconvenues. Il ne faut par ailleurs pas hésiter à comparer les différents matériels sous tous les angles : conception, motorisation, transmission, cinématique de levage, maniabilité, visibilité, performances, confort, sécurité…

Pour quelle utilisation ?

La première question fondamentale à se poser est de déterminer avec le plus d’exactitude possible l’utilisation prévue de la chargeuse. Sera-t-elle utilisée uniquement pour des tâches agricoles ? Ou participera-t-elle aussi à des chantiers de construction ou de génie civil ? Si oui, quelle sera la proportion de travaux agricoles et de travaux de génie civil ?

Ces interrogations sont cruciales et leurs réponses influencent fortement le choix de la machine. En effet, les exigences de travail entre ces deux mondes sont très différentes, raison pour laquelle une chargeuse sur pneus industrielle ne donnera pas entière satisfaction en agriculture et vice-versa.

De manière générale, les applications agricoles requièrent davantage de puissance et de couple que les travaux industriels. Le couple est par exemple important pour démarrer au pied d’un silo et pousser un gros volume de matière tout en franchissant une pente raide. L’acheteur doit donc être vigilant par rapport à la motorisation du véhicule mais aussi par rapport à sa conception.

Certains modèles sur le marché ont été spécifiquement conçus pour l’agriculture, alors que d’autres sont des versions industrielles qui ont été rendues compatibles avec une utilisation agricole par des adaptations plus ou moins poussées. Il est important de s’assurer que le choix posé restera satisfaisant par rapport à l’utilisation envisagée.

Transmission hydrostatique ou mécanique ?

Au niveau de la transmission également, des différences existent et sont assez marquées. Trois grands types de transmissions existent sur le marché actuel : des transmissions hydrostatiques, des transmissions mécaniques, ou des transmissions combinant une partie hydrostatique et une partie mécanique pour offrir le comportement d’une variation continue de la vitesse. Que penser de ces transmissions ?

La transmission hydrostatique est réputée fiable, se révèle efficace au travail et délivre de bonnes performances. Toutefois, elle éprouve généralement des difficultés lors des trajets routiers ou des franchissements de pentes importantes et longues, lors desquels elle peut avoir tendance à perdre de la vitesse mais aussi à s’échauffer.

Les constructeurs proposant ces transmissions veillent à limiter ces défauts par l’exploitation optimale de ses plages de fonctionnement mais aussi par l’utilisation de systèmes de boost, et à la doter d’une capacité de refroidissement adéquate.

La seconde solution, celle de la boîte mécanique, offre l’avantage d’un lien mécanique entre le moteur et les roues. Ses performances restent constantes quelles que soient les conditions rencontrées et elle est moins sujette à l’échauffement. La plupart des boîtes mécaniques sont de type PowerShift ; elles autorisent donc le passage des vitesses sous charge.

Les boîtes mécaniques peuvent être très différentes, notamment en ce qui concerne l’étagement des vitesses ou le nombre de rapports. Alors qu’une chargeuse industrielle dispose généralement de 4 rapports, une agrochargeuse peut recevoir une boîte à 5, voire 6 vitesses. Le fait de disposer de plus de rapports permet de sélectionner celui qui est le plus opportun pour le travail du moment, les conditions étant très différentes selon que la chargeuse évolue sur un silo, charge des céréales sur un carreau bétonné ou manutentionne du fumier dans un champ boueux.

Des rapports courts peuvent aussi avoir un intérêt dans le sens où ils rendent possible une réduction de consommation grâce à l’exploitation de régimes moteur moindres pour des performances identiques.

Enfin, la troisième possibilité de transmission procure plus de souplesse et de confort d’utilisation, tout en garantissant une capacité de poussée continue.

La visibilité sur l’outil et les environs de la machine est primordiale.
La visibilité sur l’outil et les environs de la machine est primordiale.

Les agrochargeuses sont pour la plupart dotées d’un convertisseur de couple. Cet organe de transmission par fluide a la faculté, lors de sa phase d’accélération, d’augmenter le couple disponible. Toutefois, à régime de rotation élevé et stable, il engendre des pertes par glissement de ses composants l’un sur l’autre.

Ces déperditions causent une surconsommation de carburant associée au maintien d’un régime moteur élevé et font perdre de la vitesse au véhicule. C’est la raison pour laquelle des solutions de verrouillage sont proposées. Certaines marques disposent d’un verrouillage actif sur certains rapports de la transmission, tandis que, pour d’autres, le verrouillage du convertisseur de couple peut être activé sur toutes les vitesses.

Au niveau du blocage du différentiel également, les propositions des constructeurs diffèrent : des chargeuses sont dotées d’un différentiel à glissement limité alors que d’autres bénéficient d’un blocage complet, souvent autobloquant.

Un différentiel à glissement limité peut générer des contraintes mécaniques dans les virages sur des surfaces dures. Le différentiel autobloquant à 100 % assurera un maximum de traction en ligne droite et se débloquera automatiquement dans les courbes.

De nouveau, le choix posé dépendra de l’utilisation de la machine (garder un différentiel bloqué pour tasser du maïs ne pose généralement pas problème, même lorsque la machine évolue en position braquée, car la matière se dérobe sous les roues).

Analyser en détail les performances

Après avoir abordé la question de l’usage prévu et des solutions techniques inhérentes, le second élément de réflexion consiste à définir le tonnage du véhicule. La réponse n’est pas toujours évidente car si le poids est sans conteste un allié pour tasser un silo ou avoir de l’adhérence, il peut aussi constituer un désavantage dans le cadre de la préservation des sols quand la chargeuse évolue dans les parcelles.

Le succès des agrochargeuses pour la confection des silos tient résolument dans leur productivité et les rapports de puissance et de poids bien plus importants que ceux des autres engins pouvant être employés à cette fin. Mais un autre paramètre est tout aussi prépondérant : la répartition des masses. En effet, à titre d’exemple, la répartition des masses sur un tracteur conventionnel à vide est d’environ 60 % sur l’essieu arrière. Ce pourcentage s’accroît encore bien plus lorsqu’une lame de poussée est attelée sur le relevage arrière du tracteur, déséquilibrant ainsi cette répartition des masses sur les deux essieux. Au contraire, les masses sont correctement distribuées sur les quatre roues d’une agrochargeuse.

Les performances sont bien entendu à analyser sous toutes les coutures également : capacités de levage, portée vers l’avant, hauteur de déchargement… Il est à noter que les 6 constructeurs figurant dans la seconde partie de ce dossier, à découvrir en août, proposent tous en option des bras plus longs que les bras standards. Ils peuvent se révéler intéressants pour les applications nécessitant une hauteur de déchargement plus importante.

En ce qui concerne les performances, Gregor souligne qu’il ne faut pas se contenter de lire les chiffres présentés dans les prospectus commerciaux. Il est beaucoup plus pertinent de s’intéresser aux diagrammes représentant les profils de performances sur toute la course des bras.

Ces profils varient notamment en fonction de la cinématique de levage des bras de la machine : certaines d’entre elles favorisent une force d’arrachement importante au niveau du sol mais leurs performances décroissent très rapidement lorsque les bras se lèvent. D’autres se caractérisent par une force d’arrachement moins impressionnante mais aussi par des performances beaucoup plus stables sur toute la hauteur de levage. Il est donc important de garder à l’esprit cet aspect des choses à l’heure de fixer les choix.

Le système hydraulique joue bien entendu un rôle important en ce qui concerne les performances. Une attention particulière doit être portée aux débits et pression de fonctionnement. La plupart des systèmes hydrauliques rencontrés sont de type Load Sensing ; ils ne délivrent de la puissance hydraulique qu’en cas de besoin. Cela permet de réduire la consommation par modulation du régime moteur.

Équipements et pneus : que choisir ?

Le gabarit de l’agrochargeuse est lui aussi un point important à prendre en compte. Il faut se référer aux endroits les plus exigus dans lesquels la machine sera appelée à fonctionner (cours, bâtiments…) mais aussi aux obligations en matière de gabarit routier.

Les outils qui prendront place sur le tablier de l’agrochargeuse doivent également être choisis avec soin, en veillant à ce que le véhicule soit pourvu de 3e et/ou 4e  fonctions hydrauliques si nécessaire. Ces outils peuvent être fournis par le constructeur de la chargeuse ou par des équipementiers indépendants.

Dans ce dernier cas, il faut être conscient que la responsabilité du constructeur de l’agrochargeuse ne peut être engagée en cas de souci avec l’accessoire et que la qualité de ce dernier peut être variable en fonction du fournisseur.

L’acquéreur d’une agrochargeuse est régulièrement confronté à un large choix de pneus de marques, tailles et profils différents. Comme pour un tracteur, il est nécessaire de penser aux différentes utilisations de la machine et à la proportion de celles-ci pour effectuer le juste choix. Comme le rappelle Gregor, de mauvais pneus gâcheront le travail de la meilleure machine…

Avant la décision finale

Une fois toutes ces questions abordées, quelques derniers paramètres tels que le confort de l’utilisateur, la sécurité ou la facilité de maintenance finiront par faire définitivement pencher la balance en faveur d’une chargeuse en particulier. Ces trois paramètres sont depuis quelques années de véritables leitmotivs pour les constructeurs.

L’ouverture assistée du capot par simple pression sur un bouton rend cette opération  beaucoup moins pénible, comme nous le prouve Gregor.
L’ouverture assistée du capot par simple pression sur un bouton rend cette opération beaucoup moins pénible, comme nous le prouve Gregor.

À titre d’exemples, les avertisseurs et caméras sont légion sur ces machines, les capots sont le plus souvent à ouverture assistée et les accès aux points d’entretien courants sont facilités. Quant aux cabines, elles font l’objet d’améliorations continues : abaissement du niveau sonore, commandes ergonomiques, sièges à suspension active, écran de commande de grand format, visibilité panoramique, programmation et automatisation de fonctions…

Comme le signalait Gregor d’entrée de jeu, il est clair, à la lumière de cet article également, que le choix d’une agrochargeuse n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît de prime abord. Il est utile de prendre le temps de la réflexion pour être certain, indépendamment des marques, de choisir la bonne machine pour le bon usage.

N.H.

A lire aussi en Equipements

Voir plus d'articles