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Bail et exploitation par une société agricole: oui mais...

Mes parents ont donné environ 9 hectares en bail à un agriculteur. L’agriculteur n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Comme il est âgé de plus de 70 ans, nous attendons la fin de son occupation. Néanmoins, nous avons récemment compris que notre preneur avait formé une société avec un jeune agriculteur du même village...

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Une des obligations du preneur est l’exploitation personnelle.

Selon l’article 30 de la loi sur le bail à ferme, un preneur ne peut pas céder un bail ou sous-louer sans l’autorisation du bailleur. Il est donc en principe défendu d’exploiter une parcelle via une société, même si le preneur est actionnaire ou gérant.

Exception : société agricole

Ce n’est que dans le cas où le preneur et son jeune collège ont constitué une société agricole conformément à la loi du 12 juillet 1979, que l’exploitation de la société agricole est assimilée à une exploitation personnelle. Cela signifie que le gérant de la société agricole peut poursuivre l’exploitation des terres affermées. Ceci est confirmé par l’article 838 du code des Sociétés et la jurisprudence.

L’article 838 du Code des Sociétés stipule : « pour l’application de la loi sur le bail à ferme, l’exploitation à titre d’associé gérant d’une société agricole est assimilée à l’exploitation personnelle. Cette règle s’applique tant au preneur qu’au bailleur dont les droits et obligations subsistent intégralement. (…) »

Dans la jurisprudence, on apprend que la formation d’une société agricole doit être vraie et ne peut pas être une simulation. Le Tribunal de Premier Instance de Malines a ainsi décidé qu’un fermier pouvait exploiter les biens en tant qu’associé gérant d’une société agricole. Néanmoins, si la réalité ne correspond pas au statut d’associé gérant et, l’exploitation réelle des biens est l’œuvre d’une autre personne, une résiliation du bail devient possible. Dans ce cas, il s’agit alors d’une cession du bail sans autorisation du bailleur.

Le fait que le preneur du bail à ferme exerce ses activités agricoles par le truchement d’une société d’exploitation n’est pas de nature à le priver de la qualité de fermier et n’attribue pas, sans l’accord écrit préalable des bailleurs, la qualité de preneur du bail à ferme, de sous-preneur ou de preneur cessionnaire à la société d’exploitation. Exploiter les biens loués dans une société agricole est donc légal, mais c’est l’agriculteur lui-même qui reste le preneur. Ni la société agricole, ni l’associé du preneur dans la société ne peuvent devenir preneurs sans une autorisation préalable écrite.

SPRL ou SA

Si le preneur et son jeune collège ont constitué une société autre que la société agricole, on peut dire que l’exploitation de terres affermées par la société est interdite.

La loi sur le bail à ferme ne permet pas la cession du bail à une société (excepté dans le cadre de la société agricole constituée sur base de l’article 789 du Codes des sociétés). Dès lors, le bailleur est en droit de demander la résiliation du bail à ferme lorsqu’il y a cession du bail à une société. (G. Benoît, R. Gotzen, G. Rommel, Le bail à ferme, Bruxelles, La Charte, 287)

En effet, l’exploitation par une autre société qu’une société agricole sera considérée comme une sous-location ou cession défendue.

Si votre preneur et le jeune agriculteur ont formé une SPRL ou une SA, ils ont donc cédé le bail sans l’autorisation du bailleur. En plus, dans ce cas, le preneur n’exploite plus personnellement.

Il est en tout cas nécessaire de réagir contre l’exploitation par une société autre que la société agricole. Dans le cas contraire, vous risquerez que cette société prétende avoir reçu tacitement un nouveau bail à ferme.

Demande en résiliation

Si le preneur n’exploite plus personnellement, le bailleur a la possibilité de demander la résiliation du bail au Juge de Paix. Vous en trouvez la base juridique en l’article 29 de la loi sur le bail à ferme.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, le propriétaire doit prouver un dommage pour que le juge prononce la résiliation de du bail.

Le fait qu’on ne puisse pas jouir de son bien par l’occupation injuste du bien par le preneur est accepté par la jurisprudence comme dommageable pour le bailleur.

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