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Le Trait dans les vignes,un débouché à développer?

Les vignes de la Champagne, un cadre idyllique pour s’initier au travail du Trait dans les vignes. Cap sur Avize, dans le domaine Waris-Larmandier, où le Comité du cheval de travail (CECT) est allé à la rencontre de la famille Larmandier, vignerons, et de Jérôme De Juriew, prestataire viticole pour le travail du sol.

Temps de lecture : 6 min

Située à Avize, non loin d’Epernay, la Maison champenoise Waris Larmandier, qui allie Art et Champagne, existe depuis près de 30 ans. Avec près de 4ha75 de vignes à disposition, elle s’est tournée depuis près de 8 ans vers la biodynamie. Une petite révolution dans la manière de travailler qui s’est traduite, notamment, par l’arrivée du cheval dans les vignes.

Jean-Philippe Larmandier, revenu en 2009 sur le vignoble, est le principal artisan de ce retour aux sources. Son objectif ? Proposer un champagne naturel ET de haute qualité.

Jean-Philippe Larmandier, vigneron, se verrait bien adapter la taille de la vigne pour faciliter le travail du cheval dans les vignes et ainsi en améliorer le rendement.
Jean-Philippe Larmandier, vigneron, se verrait bien adapter la taille de la vigne pour faciliter le travail du cheval dans les vignes et ainsi en améliorer le rendement. - P-Y L.

Sortir de la chimie pour revenir au naturel

« À travers mes cours d’œnologie, j’ai pu appréhender « l’approche chimique » des vignes. Je me suis rendu compte que nos connaissances sur le sujet sont très limitées, et qu’on navigue en eaux troubles… Raison pour laquelle je suis vite revenu aux bases, vers plus de naturel ! », confie Jean-Philippe

Quand il revient sur le domaine, il ressort directement les vieilles charrues. « Plus personne n’en avait ! J’ai commencé à labourer quelques vignes à l’aide d’un enjambeur et l’année suivante j’ai relevé le défi de passer en Zéro herbicide. »

C’est cette année-là qu’il rencontre Jérôme De Juriew, un prestataire de services qui travaillait avec ses Trait Ardennais pour un autre vigneron. « Quand j’ai vu la nature imposante du cheval de trait, j’ai tout de suite été passionné. Tout ce côté traditionnel qui se réveille, j’aime ça ! »

En 2011, plus aucun désherbant n’est utilisé ! « Tout le monde me prenait pour un fou. C’est aussi à cette époque que Jérôme nous a rejoints pour désherber les vignes à l’aide de ses Trait Ardennais. »

Pour Le vigneron, l’association animal-nature crée une impulsion positive dans les vignes. « J’ai participé à des stages chez de grands puristes de la biodynamie en Champagne, comme Benoît Lahaye. J’ai ensuite relevé le défi de suivre leurs traces l’année suivante. »

Les premières années sont compliquées, faute de matériel : « Je me suis équipé au fur et à mesure. Pour gagner en polyvalence et en précision, je me suis lancé, sur le côté, dans les prestations viticoles. Je ne travaille qu’en biodynamie. »

Si l’idée plaît, une part de scepticisme persiste au sein de ses proches. « L’aspect économique reste compliqué car le retour sur investissement peut-être long. En sachant qu’en Champagne, on stocke parfois des bouteilles 8 ans en cave. On immobilise donc de la main-d’œuvre plusieurs années… Mais avec le recul, j’estime avoir fait les bons choix. »

Pour l’instant, les chevaux ne sont équipés que pour travailler le sol. Qui sait demain comment il pourront aider davantage le vigneron.
Pour l’instant, les chevaux ne sont équipés que pour travailler le sol. Qui sait demain comment il pourront aider davantage le vigneron. - P-Y L.

Tout n’est pas possible à Cheval

L’histoire de ce domaine n’est pas un long fleuve tranquille. Il perdra des terres, pour en acquérir ailleurs. « Notre vignoble est morcelé. il faut donc être réaliste, tout n’est pas possible à cheval. Chez nous l’équidé travaille 90 à 95 % de nos terres. Dans les grands crus, nous avons des parcelles de moins de 5 ares. Et ce n’est pas s évident de faire travailler le cheval sur de trop petites parcelles. A contrario, pour un vigneron qui a un domaine compact, le cheval peut-être une évidence. »

Car une parcelle se travaille soit entièrement au cheval soit pas du tout. L’une des difficultés réside dans les variations des conditions météorologiques. « Si l’on passe d’un printemps humide à un temps sec, et que l’on travaille au tracteur, l’on va inévitablement trop tasser les sols. Raison pour laquelle le cheval aura toujours sa place, mais ce n’est pas évident de travailler un sol qui a été travaillé précédemment par du gros machinisme. »

Fermer la boucle agronomique

Le vigneron a beaucoup de satisfaction personnelle à travailler sans produit chimique et de pouvoir fermer un peu plus la boucle agronomique. « J’y gagne surtout en indépendance. Si la charge de travail est plus importante, on le fait aussi pour l’environnement et la qualité de notre produit. »

Le cheval est davantage un outil complémentaire pour le vigneron. Toutefois durant les phases compliquées, il peut être essentiel pour le travail de la vigne.

Mais ce n’est pas tout de travailler différemment il faut pouvoir véhiculer une image positive, au risque de ne pas être pris au sérieux. « L’important c’est se mettre une charge de travail plus importante dans l’intérêt de l’environnement mais aussi de montrer que cela fonctionne, pour que les gens adhèrent à notre façon de travailler. »

Et cela fonctionne puisque bon nombre de vignerons, qui travaillent en bio, intègrent progressivement l’animal dans leurs domaines.

Dans les vignes, le Trait doit pouvoir s’arrêter au moindre obstacle pour éviter de blesser le pied des plants.
Dans les vignes, le Trait doit pouvoir s’arrêter au moindre obstacle pour éviter de blesser le pied des plants. - P-Y L.

Davantage d’activités à développer…

« En travaillant avec le cheval, on crée de l’emploi indéniablement mais il y a aussi un côté éthique important. On sauvegarde un patrimoine des traditions… Notre façon de travailler a toujours intrigué, provoqué et ça attire, c’est aussi cela qui est intéressant. Et les touristes veulent voir le cheval dans les vignes.

« Si les activités touristiques en calèches se développent, il y a tellement d’autres types animations encore possibles en Champagne… »

Toutefois, les synergies entre vignerons restent modérées. Certains voient davantage le cheval comme un outil commercial : « Ils ne l’utilisent que pour la venue d’un journaliste ! »

Mais aussi des outils…

Jérôme De Juriew (à gauche) assiste Antoine (à droite). La difficulté? la pression constante à appliquer sur le porte-outils.
Jérôme De Juriew (à gauche) assiste Antoine (à droite). La difficulté? la pression constante à appliquer sur le porte-outils. - P-Y L.

Et d’y voir aussi de nombreux autres développements autour du travail du cheval, comme de nouveaux outils complémentaires pour accroître la productivité du cheval. « Faut-il encore que des ingénieurs s’intéressent à la profession, se rendent sur le terrain pour observer le cheval et le comparer à la mécanisation actuelle. »

Le Champenois est d’ailleurs persuadé qu’avec des outils mieux pensés, le cheval pourrait être plus compétitif que certaines machines tant certains travaux ne sont pas intéressants d’un point de vue économique et/ou agronomique.

« J’aimerais bien mettre d’autres projets en place mais il faut attendre le retour économique de notre travail. Parce que tout ce dont on parle a un coût et nécessite une organisation particulière ! »

« Plus tard, j’imagine avoir des moutons dans la vigne. Quand on remet les animaux dans leur habitat naturel, une fumure se fait naturellement. A l’automne, dès que les feuilles tombent que les bois sont aoûtés les animaux pourraient tondre naturellement les parcelles et faciliter ainsi le travail des outils de sol.

Mais Jean-Philippe veut aller plus loin. « Pourquoi ne pas adapter la taille de la vigne aux outils… pour éviter aux chevaux de la blesser et avoir également un meilleur rendement… »

P-Y L.

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