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Ferme Nos Pilifs: Quand l’agriculture urbaine rencontre l’économie sociale

Agriculture urbaine, ferme pédagogique, économie sociale et circulaire… La Fermes Nos Pilifs est avant tout un pari fou qui s’est mué en un véritable écosystème d’activités. Située à Neder-Over-Heembeek, elle emploie actuellement 180 employés, dont 140 personnes handicapées, pour la plupart mentales. Rencontre avec Benoît Ceysens, initiateur et directeur du projet.

Temps de lecture : 7 min

La Ferme Nos Pilifs, c’est d’abord une entreprise de travail adapté, explique Benoît. « En 1984, nous avons voulu offrir des emplois à des jeunes handicapés mentaux. Afin de créer du lien, de l’inclusion avec la population, nous nous sommes tournés vers la nature et vers le particulier. On a naturellement commencé un petit élevage de poulets et la production de quelques légumes… ».

En réfléchissant à des métiers accessibles et valorisants pour nos travailleurs, les thèmes de l’alimentation durable, de production locale et de vente directe au particulier ont tout de suite émergé. Ceux-ci sont formidables en termes d’inclusion et ont du sens. Le circuit est non seulement court mais aussi très concret pour les travailleurs.

Benoît Ceysens, initiateur du projet, estime important d’internaliser un maximum de métiers pour apposer l’étiquette «Made in Pilifs». Ils produisent même leur propre compost!
Benoît Ceysens, initiateur du projet, estime important d’internaliser un maximum de métiers pour apposer l’étiquette «Made in Pilifs». Ils produisent même leur propre compost! - P-Y L.

Un développement constant

Vendre quelques poulets et légumes par semaine n’était bien sûr économiquement pas viable. « Dans les années 80, le bio, on n’en parlait pas vraiment. Nous nous sommes alors tournés vers les travaux de jardinage. Et vu les demandes que nous avions, l’asbl s’est très vite spécialisée en entreprise de jardin. Le véritable gros développement vient en 89 lors du changement d’implantation. Nous reprenons un bail emphytéotique avec la ville de Bruxelles pour un terrain de 5 ha. On y a fait construire notre infrastructure. La convention avec la ville de Bruxelles était de créer 35 emplois et investir 8.000.000 de Francs belges… Rétrospectivement, on a fait beaucoup plus ! »

Viennent alors un estaminet et une zone de vente de plantes, de la place pour jardiner et un parc avec des animaux. Tout s’est ensuite développé. Les équipes de jardiniers se sont multipliées, la jardinerie s’est installée. Ce n’est que vers 2005 que la boulangerie et l’épicerie ont été construites.

En 2016, la surface de l’épicerie est triplée, ce qui a permis de stabiliser le chiffre d’affaires, d’assurer la viabilité de la section et donner une belle visibilité aux boulangers.

La ferme élève toujours des volailles que nous faisons abattre dans un abattoir agréé. Elles reviennent sur l’exploitation pour être rôties le mercredi, le samedi et le dimanche. « Tout le monde sait que le poulet rôti du mercredi partagé avec les grands-parents est le meilleur moment de la semaine ! », sourit-il. Car la structure a un public très familial qui vient sur la ferme. Chez nous le circuit est très court !

À Bruxelles, l’on retrouve beaucoup de fermes d’animations mais peu sont dans la production. « On parle plutôt d’initiatives exemplaires. J’ai du mal à croire que le million de Bruxellois va se nourrir de salades bruxelloises. SI des gens le croient, c’est complètement utopique. ! »

Trois pôles : de l’éducation

à la production

Les différentes activités proposées par la structure peuvent être réparties en trois pôles.

Le plus petit pôle mais non le moins intéressant n’est autre que l’Éducation relative à l’environnement. Tous les ans près de 4.000 enfants viennent visiter la ferme éducative. Celle-ci comprend une vache, deux chevaux de trait, deux cochons, des moutons, des animaux de basse-cour… « Tous les animaux indigènes que nous retrouvions dans les fermes en Belgique. À notre échelle, nous essayons de reconnecter les enfants bruxellois à la nature et au respect de l’environnement. »

Cet axe permet aux enfants de revenir sur le site ensuite en famille. Cela participe à la création du réseau autour de la ferme.

Le bois de récupération est revalorisé par la menuiserie pour réaliser des nichoirs,  bacs à plantes...
Le bois de récupération est revalorisé par la menuiserie pour réaliser des nichoirs, bacs à plantes... - P-Y L.

Le second ? « Le pôle vert est un gros secteur d’activité pour nous ! Notre entreprise compte 8 équipes de jardiniers qui travaillent dans les jardins bruxellois, avec une dimension écodynamique. Cela fait très longtemps qu’on ne travaille plus avec des produits de synthèse pour privilégier une démarche qui fait place à la biodiversité. »

On travaille en outre des toitures végétalisées. Des travaux qui demandent de la main-d’œuvre, qui ont du sens et qui sont le plus écologiquement positif possible. « Nous devons occuper nos 140 travailleurs », note Benoît.

Et de poursuivre : « Nous avons également une éco-jardinerie, où un département apiculture s’est développé. Par ailleurs, nos équipes multiplient elles-mêmes les plantes indigènes et condimentaires. Nous vendons du « Made in Pilifs », réalisé de manière écologique et naturelle.

Du côté de nos activités liées à l’alimentation, nous avons deux potagers, un en permaculture et l’autre en agroforesterie. S’ils sont de taille modeste, ils ont deux sens : pédagogiques et productifs. Nos jardins d’inspiration accueillent petits et grands qui sont en quête d’évasion, d’idées, de renseignements… Quant à la production, elle est destinée à l’épicerie bio et à l’estaminet. »

Les légumes produits sont soit vendus à l’épicerie, soit valorisés à l’estaminet.
Les légumes produits sont soit vendus à l’épicerie, soit valorisés à l’estaminet. - P-Y L.

Notons qu’à ces deux structures, s’ajoutent une boulangerie et une biscuiterie. Si la production de pain demande relativement peu de main-d’œuvre, celle de biscuits et leur conditionnement en demandent beaucoup. Le pain est vendu au comptoir de l’épicerie, tout comme les biscuits. Toutefois ces derniers sont également vendus à travers les réseaux d’Oxfam, Efarmz et Färm. « On a refusé de travailler avec la grande distribution, car nous ne voulions pas être pris en tenailles, tant au niveau de la production que des prix. On veut garder une limite entre productivité manuelle, artisanale, et ne pas passer aux machines qui seraient destructrices d’emploi, même si générateurs de bénéfice. Notre objectif reste les emplois ! Je n’ai heureusement pas d’actionnaires à rémunérer », dit-il en riant.

L’épicerie permet non seulement d’écouler la production de la ferme mais également d’autres produits bios qui viennent étoffer la gamme.
L’épicerie permet non seulement d’écouler la production de la ferme mais également d’autres produits bios qui viennent étoffer la gamme. - P-Y L.

Si leur production suit son cours, elle devrait à l’avenir monter en puissance. « On a déjà pensé développer d’autres magasins mais l’idée c’est que le consommateur fasse la démarche de nous « rencontrer »… de venir à la ferme, visiter nos jardins, rencontrer le personnel, les animaux… Car c’est une démarche plus globale que d’acheter un biscuit. »

L’atelier biscuit est un gros investissement, il se développe lui aussi petit à petit. « Nous avons une force de main-d’œuvre et des installations qui peuvent venir en aide à de petites start-up. On est en général plutôt du côté de la fabrication que de l’innovation. Nous avons pour partenaires des asbl comme Champignons de Bruxelles, Permafungi, Supersec… pour qui nous séchons et conditionnons des produits secs. Nous nous positionnons plutôt en partenaires plutôt qu’en producteurs, sauf pour la gamme de biscuits Made in Pilifs que nous avons développés. »

Un atelier de confection et de conditionnement de biscuits permet d’employer  une main-d’œuvre importante.
Un atelier de confection et de conditionnement de biscuits permet d’employer une main-d’œuvre importante. - P-Y L.

L’emploi relativement limité

Si la structure aimerait s’agrandir, elle est relativement coincée dans le volume d’emploi. En effet, à Bruxelles, le quota maximum de personnes handicapées que l’on peut faire travailler, est de 1.450 places. Il est donc difficile d’évoluer, à moins qu’une autre structure perde des emplois.

« Toutefois, l’un de nos pôles va connaître un gros développement. Nous allons complètement rénover la jardinerie pour devenir un modèle d’éco-jardinerie avec un accueil client beaucoup plus important. Nous y mettrons l’accent sur le jardin écologique et le potager. Les variétés multipliées par nos soins se vendent de mieux en mieux. En cela, nous sommes aidés par les Jardins de Pomone qui sont spécialisés dans la multiplication de variétés de légumes oubliés », explique le directeur.

Un besoin de subsides revendiqué

D’un point de vue social, la ferme fournit aux travailleurs handicapés un travail et un salaire mais aussi un service d’accompagnement, mis en place au sein des Pilifs, qui prend le relais au niveau vie sociale hors travail. Il aide les travailleurs à devenir autonome en termes de gestion d’eux-mêmes et de logement.

Notons que le handicap physique est très peu présent au sein de la ferme, vu les métiers qui ont été choisis. « Tous doivent être inscrits au service Phare pour travailler chez nous », indique Benoît.

« Cela nous permet de demander des subsides pour compenser la perte de productivité de nos travailleurs. Celui-ci est individualisé et permet au travailleur de gagner un revenu décent.

Car en termes économiques, nos potagers ne sont, par exemple, pas rentables. Toutefois, si on considère la rentabilité pédagogique, cela a du sens de continuer… D’autant que nombreux sont les Bruxellois à venir s’y promener ou à participer à nos événements qui s’y déroulent.

« Je revendique le recours aux subsides car cela nous permet d’aller chercher des personnes handicapées. Nous pourrions bien évidemment nous passer d’une partie des subsides. Nous ne travaillerions alors plus avec les mêmes employés. Et le travail serait réorganisé. »

À Libramont

Présente à la Foire de Libramont, la Ferme Nos Pilifs sera accompagnée de Little food, le plus gros élevage de grillons d’Europe. « Nous utilisons la farine d’insectes pour en faire des biscuits, selon notre propre recette… Qu’un éleveur puisse s’associer à l’économie sociale pour proposer un produit innovant est un bel exemple à montrer lors de la foire », conclut Benoît Ceysens.

P-Y L.

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