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Il y a deux Monsanto!

Aujourd’hui, on fait des « city-trips » en Europe comme la génération précédente allait « à la mer du Nord » une fois par an. Ainsi, j’ai visité Lisbonne récemment et j’ai pu me rendre compte qu’un des plus grands parcs urbains boisés du monde, une merveille environnementale de 1.000 hectares représentant 10 % de la surface de la ville, s’appelle… Monsanto.

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Aussitôt, j’interpelle Monsieur Wikipédia sur le smartphone pour savoir s’il existe un lien entre cette perle écologique et l’autre Monsanto, la multinationale abhorrée.

En fait, John Francis Queeny fonda la société chimique à Saint Louis dans le Missouri en 1901 et lui donna le nom de sa femme, Olga Mendez Monsanto, d’origine espagnole.

Le diable n’est jamais loin du bon Dieu car à Lisbonne, au Portugal, la colline aujourd’hui boisée est une contraction de « Monte Santo », la montagne sainte. Le beau grand parc écologique soufre quand même d’un petit péché de jeunesse. Il fut mis en place par le régime fasciste de Salazar qui l’installa un peu avant la guerre 40, après en avoir chassé les paysans et les maraîchers qui le cultivaient.

Qu’importe, ceci n’est rien à côté des deux grands péchés de vieillesse de la multinationale américaine : orgueil et cupidité. En ayant compris l’intérêt agronomique d’une molécule existant comme détartrant (un dérivé de savon) depuis 1950, la glycine phosphonate (glyphosate), le géant américain a gagné le jackpot en l’homologuant comme herbicide total en 1970.

Par la suite, grâce aux nouvelles techniques liées au génie génétique, il a brûlé les étapes en associant la sélection des plantes à la résistance à son herbicide. Il a voulu avaler d’un coup le monde entier et maximaliser les profits. Du Trump avant l’heure. Du coup, il est devenu l’ennemi public nº1 en unissant contre lui tous les écologistes de la planète.

Le glyphosate n’aurait pas fait l’objet d’une telle fatwa « écolorabique » s’il n’avait pas été associé aux OGM et vice versa. Les jeunes retraités d’aujourd’hui se souviennent que Louis Detroux, grand maître de la phytopharmacie à Gembloux et non suspect de complaisance, en a avalé des cuillerées devant ses étudiants, tant il se réjouissait de voir arriver enfin un produit aussi peu nocif. Il a vécu plus de nonante ans.

Personne n’a jamais contesté l’utilisation des OGM dans la fabrication des médicaments parce que l’objectif va dans le sens de la santé. Ce n’est pas la technique qui fait problème, c’est la manière de l’utiliser. Maintenant que le nom et le statut juridique de la société américaine vont disparaître des écrans radars (Merci Bayer !), peut-on reprendre le fil de l’histoire de manière moins passionnelle ?

Avant que Monsanto ne vienne avec ses gros sabots déstabiliser l’opinion publique européenne, la Belgique était pionnière dans la recherche génétique. Il existe aujourd’hui des techniques de nouvelle génération (la Cisgenèse au CRA-W) pour apporter de manière ciblée uniquement la propriété recherchée sans franchir la barre des espèces. Cela concerne notamment le renforcement de la résistance au mildiou pour les variétés de pommes de terre. Du coup, on éviterait les pulvérisations à répétition lors des années humides.

Formidable… mais va-t-on l’accepter au niveau sociétal ? Un certain Galilée a démontré que la vérité d’hier peut être le mensonge de demain et que la science pèse moins que la pensée unique du moment…

En fait, il faut différencier l’écologie (la science des interactions entre les êtres vivants dans leur environnement) et l’écologisme (l’idéologie qui décide ce qui est bien ou mal dans cette matière).

Améliorer les variétés en favorisant les gènes de qualité, c’est ce qui se fait depuis Mendel. Le faire en microscopie dans un milieu contrôlé est plus sûr pour l’écologie que le faire de manière hasardeuse, « avec de gros doigts », en perdant souvent d’un côté ce qu’on peut gagner de l’autre.

Mais au niveau de l’écologisme, c’est un peu bousculer le dogme anti-OGM. C’est surtout priver de leur fonds de commerce ceux qui ont besoin de diaboliser, de culpabiliser et de faire peur pour exister.

Dans ce qui peut parfois prendre la forme d’une religion, on voit beaucoup de gens de bonne volonté se faire manipuler par des gourous. Ceux-ci véhiculent des croyances en les teintant de couleur scientifique quand cela les arrange.

Ils sont entourés par des marchands du temple qui guettent la bonne affaire. On les entend hurler à l’empoisonnement collectif quand on ne s’intéresse pas à leurs produits de santé.

Et plus que dans toute autre religion, on fait pour l’alimentation un catéchisme de préceptes et d’interdits. Ce n’est pas seulement la viande du vendredi ou le porc toute l’année. C’est plus de viande du tout, ou des produits comme ceci ou sans cela et bien entendu sans OGM.

Comme souvent, le pouvoir c’est-à-dire le politique, colle aux religions dans la plus grande hypocrisie. Elle est ici spectaculaire puisqu’on interdit les OGM ou l’usage du glyphosate dans l’agriculture en Europe mais on peut en importer et en manger sans limitation venant du monde entier. Si c’est toxique, c’est irresponsable. Si c’est psychologique, c’est lamentable.

Monsanto est mort. Vive la « montagne sainte » mais plaise au ciel que la science prévaut sur l’idéologie. En fait, que l’écologie prenne le pas sur l’écologisme.

JMP

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