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Trente-sept variétés confirmées de froment sous la loupe, à l’issue de la moisson 2018

Cette année, les froments n’ont pas été les plus affectés par les perturbations de la météo. Hormis les inévitables déceptions, les rendements et la qualité sont plutôt corrects.

Temps de lecture : 8 min

La saison 2017-2018 a été, comme nous commençons à prendre l’habitude, climatiquement perturbée. Le dérèglement climatique semble poursuivre son cours de façon inquiétante.

Revenons-en au mois d’octobre 2017. La grande majorité des terres a donc pu être implantée dans de bonnes conditions. La levée a été rapide et très vite, en novembre, les températures ont chuté, ce qui a fourni au moins deux avantages aux semis en place. D’une part, ce froid précoce a mis fin aux vols des pucerons et d’autre part, il a également permis aux plantes de s’endurcir pour faire face aux rigueurs de l’hiver.

Les précipitations hivernales ont été abondantes. Les mois de décembre et de février ont chacun permis de collecter plus de 100 litres par m². Cet or bleu s’est avéré déterminant pour la suite de la saison.

De l’hiver… à l’été !

À la fin février, l’état des cultures était optimal : le nombre de talles et la vigueur du feuillage étaient très bons. Le tallage étant directement à l’origine du nombre d’épis au m², le premier des 3 facteurs de rendement, était donc acquis.

À partir du mois de mars, la météo a perdu toute logique et bousculé l’ordre des saisons. Après une « vague de chaleur », mi-février, l’hiver est revenu en force et les températures sont redescendues sous les -5ºC. Or à la fin mars, les variétés perdent leur capacité à résister au froid à mesure qu’elles reprennent leur croissance. Les plus précoces à sortir de leur torpeur hivernale sont donc également les plus affectées par les froids tardifs, comme l’ont confirmé leurs rendements à la récolte.

Au mois d’avril, les températures se sont envolées pour taquiner les 30ºC à plusieurs reprises, les quelques jours de printemps laissant déjà la place à l’été ! Or, pour les céréales d’hiver, c’est en début de printemps que se décide le nombre de fleurs que comportera chaque épi. Le nombre de grains par épi est le 2e  des trois principaux facteurs de rendement. Cette année, pour la majorité des céréales, c’est le facteur le plus limitant observé cette année.

Les mois de mai, juin et juillet qui ont suivi ont connu des températures dignes de la région méditerranéenne, les réserves en eau des sols se sont progressivement taries. Fort heureusement, les céréales sont parmi les cultures les plus résistantes aux sécheresses de la deuxième moitié du printemps. Si comme cette année, la sécheresse ne débute pas avant le mois de mai, les cultures sont alors profondément implantées, le nombre d’épis et le nombre de grains sont déjà définis.

Il ne reste alors que le 3e facteur de rendement à satisfaire : le poids des grains. Pour cela, la douceur est un avantage tant que la température ne dépasse pas un certain seuil. Cette condition fut respectée car bien que le nombre de jours affichant des valeurs supérieures à 25ºC signe un record, nous n’avons pas connu en mai et en juin de « coup de chaud » avec des températures de plus de 35ºC ce qui aurait mis fin au remplissage des grains.

Par ailleurs, plus que la température, le paramètre essentiel du remplissage du grain est l’ensoleillement ; nos froments en ont suffisamment manqué en 2016 pour que nous en soyons tous convaincus. Finalement, le poids de mille grains, le poids spécifique et à travers eux, la qualité de nos froments sont dignes d’une bonne année.

Petit ravageur, mais grosses pertes !

Contre toute attente, les conditions climatiques de la saison auraient dû permettre l’obtention de très bons rendements dans les sols capables de retenir l’eau. Si dans bien des cas, les rendements s’avèrent a posteriori décevants, la cause est à rechercher du côté des ravageurs et plus précisément de la cécidomyie orange. Depuis plusieurs années, le Cra-w pointe cet insecte comme le risque majeur de la culture de froment. Cette année en a été la preuve, des pertes de plus de 3 tonnes par ha ont été mesurées dans plusieurs champs d’essais.

La cécidomyie orange a connu une année faste, aux dépens de la culture. Les travaux menés par le Cra-w ont éclairé le mécanisme d’apparition et la nuisibilité potentielle de ce minuscule ravageur.
La cécidomyie orange a connu une année faste, aux dépens de la culture. Les travaux menés par le Cra-w ont éclairé le mécanisme d’apparition et la nuisibilité potentielle de ce minuscule ravageur. - Sandrine Chavalle, Cra-w.

Les cécidomyies adultes ont émergé du sol aux alentours du 23 mai alors que l’épiaison des froments débutait. Si la province de Hainaut a été majoritairement épargnée, toutes les autres provinces ont été grandement affectées par ce ravageur. Il était présent en nombre, et les soirées chaudes et calmes (sans vent) ont permis de très nombreuses pontes. Des taux de 20-25 œufs puis larves par épi n’étaient pas rares ! Chaque larve par épi représente une perte moyenne de 1 % du rendement final.

Rouille brune et fusarioses

Côté maladie, là aussi, la météo a été déterminante. La luminosité du printemps a freiné le développement de la rouille jaune. La septoriose nécessitant des pluies pour progresser sur les étages foliaires supérieurs n’a pas été favorisée par la sécheresse.

Nécessitant des températures élevées pour se développer, la rouille brune est de plus en plus présente dans nos régions. Ce printemps, elle est arrivée sur nos champs avec un mois d’avance, soit dès la mi-mai, devenant ainsi la maladie la plus préjudiciable au rendement en l’absence de traitement. Fort heureusement, cette maladie reste facilement contrôlable par les programmes fongicides et cela même en situation de traitement unique.

L’absence de précipitations durant la floraison n’a pas permis à la fusariose d’atteindre les épis. Cependant, des orages ont engendré très localement de fortes infestations mais ces situations sont restées exceptionnelles.

La fusariose des feuilles était encore très présente cette année. Progressivement, cette maladie semble prendre la place de la septoriose. Son développement malgré les conditions climatiques variées de ces derniers printemps a démontré qu’elle n’était affectée ni par les hautes températures ni par le manque d’humidité. Par temps froid, chaud, sec ou humide, elle est présente et l’efficacité des fongicides à la maintenir est loin d’être parfaite.

Très présente, cette saison, la fusariose des feuilles semble petit à petit prendre la place de la septoriose.
Très présente, cette saison, la fusariose des feuilles semble petit à petit prendre la place de la septoriose. - M. de N.

C’est réellement via un choix variétal adapté que l’on optimisera ses chances de traverser les aléas climatiques et culturaux de saisons de plus en plus imprévisibles.

Trente-sept variétés confirmées, en conduite classique, en 2018…

Les résultats des essais variétaux qui sont présentés dans la figure 1 et le tableau 2 proviennent de l’expérimentation menée par différentes institutions wallonnes partenaires : le Cepicop, Gembloux Agro-BioTech, le Centre wallon de recherches agronomiques, le Cpl-Végémar et le Carah.

Il s’agit de résultats d’un assortiment de 37 variétés confirmées présentes depuis au moins 2 ans dans le réseau expérimental.

La figure 1 présente les résultats de celles-ci lors de la récolte 2018. Les variétés y sont classées selon des rendements moyens décroissants. La variété Ragnar a exprimé le meilleur rendement parmi toutes les variétés évaluées. Ragnar, Johnson, Safari, Benchmark, KWS Smart et Sahara ont montré des rendements parmi les plus élevés et des rendements minimums au moins supérieurs à la moyenne de témoins.

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Pour donner une idée de la variabilité des rendements, les rendements minimum et maximum (exprimés par rapport à la moyenne des témoins) observés pour chaque variété, après regroupement des essais, sont également renseignés. Le trait horizontal qui en résulte permet de se faire une idée de la stabilité de la variété ; plus ce trait est court, plus les rendements de cette variété sont réguliers. Ces résultats doivent être interprétés en tenant compte du nombre d’essais dans lesquels la variété a été testée ; une valeur moyenne résultant d’un plus grand nombre d’essais est plus fiable.

Les variétés KWS Smart, Sahara, Mentor, Graham et Edgar ont montré une grande stabilité, et ce dans un grand nombre de situations.

Dans chaque site d’essai et pour chaque variété, le rendement moyen a été calculé sur la base des rendements exprimés par rapport à la moyenne des 3 témoins présents dans tous les essais. Ce sont donc des valeurs relatives qui expriment le rendement de la variété par rapport aux 3 variétés communes à tous les essais.

… et sur les trois dernières années

Le tableau 2 présente les résultats pluriannuels de 2016 à 2018 pour les 37 variétés sélectionnées. Les rendements sont exprimés en % par rapport à la moyenne des 3 témoins communs (T). Il reprend également la moyenne des essais pour le poids à l’hl (Phl) exprimée en kg/hl. Ce critère dépend de la variété mais aussi des conditions de remplissage du grain, de maturité et de récolte. Il convient de prendre garde à bien rester dans les normes de réception de ce critère car les réfactions diminuent rapidement le revenu de la culture. Choisir une variété à très faible poids à l’hl entraîne un risque de réfaction si l’année est défavorable pour ce paramètre.

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Comment faire le bon choix ?

Si la figure 1 et les tableaux 1 et 2 sont une source d’information pour le choix variétal, il n’en reste pas moins vrai que celui-ci doit d’abord être orienté vers des variétés qui ont déjà confirmé leur potentiel dans l’exploitation, autrement dit des variétés bien connues de l’agriculteur et appropriées à ses pratiques culturales. Plus de la moitié de l’emblavement en froment devrait être réservée à ces variétés.

Le reste de la surface pourra être occupé par des variétés qui, dans les essais, pendant au moins deux saisons culturales, se sont distinguées par leur niveau de rendement, leur valeur technologique, la résistance à la verse et la tolérance aux maladies.

Les partenaires de l’expérimentation et de la recherche céréalière en Wallonie conseillent de prendre le temps de bien évaluer ce qui constituera pour chacune et chacun le bon choix variétal pour cet automne.
Les partenaires de l’expérimentation et de la recherche céréalière en Wallonie conseillent de prendre le temps de bien évaluer ce qui constituera pour chacune et chacun le bon choix variétal pour cet automne. - M. de N.

Dans le cas de parcelles bien «  typées  », le choix variétal ne devrait retenir que des variétés qui valorisent cette particularité ou devrait écarter les variétés qui risquent d’y être pénalisées. Par exemple, après un précédent riche, la préférence devra être donnée uniquement à des variétés résistantes à la verse ; de même, en non labour après un précédent maïs grain ou ensilage, les variétés résistantes aux maladies des épis devraient être préférées et obligatoirement retenues s’il s’agit de variétés à destination boulangère ou énergétique.

Enfin, les nouvelles variétés peuvent entrer dans la gamme des variétés choisies mais sur des surfaces limitées et d’autant plus réduites que le nombre d’observations réalisées en essais en Belgique est faible.

Propos recueillis par M. de N, d’après le Livre Blanc, septembre 2018

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