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Le bœuf maturé, une manière de mieux consommer la viande en moindre quantité

La viande de bœuf maturée, un effet de mode? Le secteur ne le voit pas de cet œil. Mieux consommer mais en moins grande quantité, c'est l'avenir et le maître mot des artisans. Bouchers, fournisseurs et restaurateurs reconnaissent le succès grandissant de ce produit et l'attrait des clients pour cette technique «à l'ancienne», même s'il s'agit encore d'un marché de niche.

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Aubrac, Salers, Charolaise, Holstein, Limousine, Montbéliarde, Abondance, Blonde d'Aquitaine, Black Angus, Simmental ou encore la Rouge de Flandre sont autant d'appellations de prestige, qui ont indéniablement un prix. «Parce que la maturation, c'est un investissement financier mais également en énergie et en temps» , souligne le pionnier en la matière Luc Broutard, de la «Table du boucher» à Mons. Vendue entre 10 et 12 euros les 100 grammes dans le restaurant montois, elle est proposée à 50 euros le kilo environ dans la boucherie Dierendonck, mais peut atteindre les 75 euros pour une viande d'exception comme la Rubia Gallega. Le prix se justifie par la qualité de la viande et de la race, mais également le temps de travail et la perte de poids de la carcasse au cours du processus. «On doit se battre pour avoir un bon produit. Ça coûte plus cher mais à l'avenir, les gens mangeront moins de viande mais de meilleure qualité», assure Hendrik Dierendonck, qui a récemment ouvert sa boucherie en plein centre de Bruxelles, après celles de Saint-Idesbald et Nieuport.

Si le prix en rebute plus d'un, Saïd Harrak, administrateur délégué de «La Boucherie» à Anderlecht, qui affiche un chiffre d'affaires de 11 millions d'euros par an, estime que «la tendance actuelle est à la diminution de la consommation. La ménagère change ses habitudes et on consomme autrement: moins mais mieux». L'entreprise qui commercialise 15 races de bœuf différentes auprès de l'horeca principalement, existe depuis 32 ans. Fils de boucher, Saïd aime dénicher des nouveaux produits et des races moins connues sur le marché belge, comme la Morucha d'Espagne ou la Chianina d'Italie.

Variante de la technique du dry-aging, originaire des Amériques et d'Angleterre, la maturation consiste à «affiner» la viande, comme le définit le boucher flamand Hendrik Dierendonck: conserver les carcasses dans des chambres froides, dites de maturation, durant plusieurs semaines, sans ajout de sel ou d'additif -d'où l'attention accrue à l'apparition de pourriture-, afin d'attendrir la chair et d'accentuer son goût, en jouant sur différents paramètres tels que la température, l'humidité et la ventilation. «Mais il faut tout de même garder une mâche», prévient Luc Broutard. «On contrôle davantage ces paramètres depuis que nous avons déménagé à Furnes. Avant on travaillait plus au feeling, en sentant et au regard», explique Hendrik Dierendonck qui tente en permanence de perfectionner son produit dans ses trois chambres de maturation. Par ce procédé, la viande devient plus tendre parce qu'elle perd de l'eau et que le collagène entre les fibres se brise.

«On n'a rien inventé. Mon père déjà laissait la viande dans la chambre froide durant trois ou quatre semaines. Puis c'est une pratique qu'on a laissé tomber car il y avait une demande de rendement plus pressante», explique Saïd Harrak.

Le secteur convient en outre que la sélection doit se faire sur l'animal vivant avec une connaissance exacte de son alimentation ainsi que de son mode d'élevage. Dans ce cas, toutes les races de bœuf peuvent subir une maturation. «Je regarde l'état de la viande, son taux de PH et le gras. On ne peut pas maturer une viande si elle a été élevée grossièrement», souligne d'ailleurs Saïd Harrak. «On a besoin d'une viande qui a été engraissée et qui n'a pas été stressée. Dans le cas contraire, le PH est plus élevé et la viande gorgée d'eau. C'est l'alimentation et le terroir qui donnent le goût et l'odeur à la viande. La race présente des caractéristiques différentes mais ça ne représente que 5 à 10% du goût», ajoute Hendrik Dierendonck. Le persillage, qui se forme surtout au stade de l'élevage et en fonction de la race, est aussi un élément important des pièces de qualité.

Chaque professionnel se défend d'ailleurs d'avoir sélectionné ses éleveurs en se rendant en France, aux Pays-Bas, en Espagne, en Autriche... directement dans les fermes ou les abattoirs avec lesquels s'établit «une relation de confiance», souligne le boucher du littoral qui commercialise 23 races de bœuf. «Le tout est de trouver les bonnes bêtes. Quand je vends une Aubrac, je veux qu'elle ait été élevée à Aubrac, nourrie à Aubrac, abattue à Aubrac», note à ce propos Luc Broutard.

Ce dernier a ouvert son restaurant en 2004 mais travaille la viande maturée depuis 24 ans. «J'ai été le premier à introduire la viande Holstein en Belgique, il y a douze ans. Ça ne coutait rien à l'époque mais c'est celle qui ressortait en premier lors des dégustations», raconte-t-il soulignant qu'Hendrik Dierendonck faisait partie du panel de goûteurs.

Saïd Harrak, lui, a introduit la viande maturée il y a six ans à «La Boucherie». «Il n'y avait pas de demande mais lors de mes nombreux voyages, j'en voyais de plus en plus dans les salons. Je me suis renseigné, j'ai lu, j'ai posé des questions. Au départ, je pensais que c'était un effet de mode. Nous avions une petite chambre de maturation mais très rapidement, on a dû doubler la capacité, et un an plus tard quadrupler la taille. Aujourd'hui, 70% des déhanchés de côtes à l'os de bœuf sont maturés chez nous. Nous avons en permanence cinq à six tonnes de bœuf en maturation», explique le boucher qui n'hésite pas à pousser la technique, lorsque la viande le permet, jusqu'à seize semaines, en fonction de la demande du client.

Si a l'époque, rentabilité rimait avec Blanc-Bleu-Belge, celle-ci n'est pas, selon les professionnels, une viande à maturer. «Travailler des bœufs de rendement, de deux ou trois ans, qui ont énormément de muscles et retiennent l'eau, cela procure sans aucun doute plus d'argent aux bouchers et aux éleveurs mais ce sont des bodybuilders qui ne sont plus naturels et impossibles à engraisser», estime encore Hendrik Dierendonck. Sa Rouge de Flandre, produit phare de l'enseigne dont la race avait pratiquement disparu, est ainsi soignée, bien traitée, nourrie sainement et paisse dans les champs en permanence, dans une réserve naturelle à Furnes. «C'est le Wagyu belge. Moins persillé mais c'est une viande belge magnifique», encense Gaëtan, boucher de l'enseigne depuis octobre dernier. L'élevage furnois atteint 60 bêtes mais le Flamand travaille également avec six ou sept autres éleveurs dans la région.

L'idée actuellement n'est donc pas tant de travailler sur le rendement mais bien sur la qualité, en prenant le temps, concluent les trois professionnels.

(Belga)

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