De très lourdes incertitudes pèsent sur le marché français des agroéquipements

Laurent de Buyer.
Laurent de Buyer. - J.V.

Depuis plusieurs années, le marché français des agroéquipements est en baisse. Après avoir atteint un pic à 6,5 milliards d’euros en 2013, il a progressivement diminué et devrait se chiffrer, selon les estimations, à 5 milliards en 2016. « Nous sommes en baisse de 8 % par rapport à 2015 », constate Laurent de Buyer.

« Cela s’explique facilement. Suite à la moisson catastrophique de l’été dernier, de nombreuses exploitations sont confrontées à des problèmes de trésorerie. » En effet, la chute des rendements n’a pas été compensée par une hausse des prix sur les marchés internationaux. Dans les régions de polyculture-élevage et d’élevage, la faiblesse du prix du lait doit également être prise en compte. À cela s’ajoute, selon M de Buyer, un problème de gestion observé au sein d’une partie des fermes françaises. « Ces cinq à sept dernières années, certains éleveurs ont beaucoup investi, par choix ou par obligation, mais leur exploitation n’a pas suffisamment grandi que pour tirer pleinement parti de ces investissements. Aujourd’hui, ils font face à des problèmes de rentabilité accentués par la suppression des quotas laitiers ».

Flux d’occasions

En parallèle, les entreprises actives dans le secteur des agroéquipements voient également leur marge se réduire. « Les pertes sont d’autant plus importantes que l’entreprise est petite », alerte Laurent de Buyer. Ce dernier déplore également que le gouvernement n’ait accordé aucune aide aux agroéquipementiers alors qu’un soutien partiel leur avait été octroyé suite à la crise de 2009.

Néanmoins, la loi Macron, qui vise à doper la croissance de l’économie française, a probablement permis de limiter la casse. En vigueur jusqu’au 14 avril 2017, elle autorise le suramortissement des investissements. Elle a ainsi favorisé les ventes de machines agricoles, bien que cela n’ait pas suffi à stabiliser le marché, accusant, pour rappel, une perte de 8 % en 2016. Son effet total sur les ventes ne sera, lui, connu que d’ici un an.

« Le corollaire de cette loi, c’est que le nombre d’occasions immobilisées en concessions a fortement augmenté », nuance-t-il. De ce fait, les concessionnaires consacrent actuellement plus de temps à la vente de ce matériel, souvent très compétitif en termes de prix, qu’à la vente d’engins et outils neufs.

Vers une embellie ?

Les perspectives pour 2017 semblent plutôt positives. Le premier semestre devrait être difficile, à l’image de ce qu’a connu le secteur ces derniers mois. Cependant, les ventes repartiraient à la hausse en seconde partie d’année, suffisamment que pour compenser les résultats des six premiers mois de l’année. Ainsi, d’après Axema, le marché français des agroéquipements devrait se stabiliser, voire croître, en 2017.

Cette augmentation pourrait atteindre 3 ou 4 %, moyennant le respect de deux conditions. En premier lieu, la moisson devra être bonne et suivie d’une hausse du cours des céréales. « Si nous connaissons à nouveau une mauvaise récolte dans nos régions, il faudra espérer qu’il en soit de même à l’échelle mondiale afin que les cours remontent fortement et compensent ce désastre », ajoute Laurent de Buyer. Ensuite, le prix du lait devra également remonter. « Nous constations que les cours des produits laitiers sont en hausse en Nouvelle-Zélande, cela devrait donc bientôt être le cas en Europe aussi. »

Entrepreneurs et viticulteurs en bonne forme

De leur côté, les entrepreneurs de travaux agricoles semblent bien se porter. Ces cinq dernières années, leur travail n’a cessé d’augmenter. Le nombre d’employé dans ce secteur de l’agriculture suit la même courbe. « Cette tendance est assez logique. De plus en plus d’exploitants ne savent ou ne souhaitent pas investir dans du nouveau matériel. Ils sont donc plus nombreux à sous-traiter une partie de leur travail aux entrepreneurs. »

Après une douzaine d’années de difficultés, le marché du vin s’est stabilisé. Les viticulteurs français ont augmenté la qualité de leurs produits et ont trouvé de nouveaux débouchés commerciaux, notamment à l’export. « Les producteurs disposent donc de liquidités, ce qui ne peut être que positif pour les agroéquipementiers. » En outre, la gestion de l’enherbement et le travail du sol gagnent du terrain dans les vignobles afin de réduire le recours aux herbicides. « Ce qui redonne également du souffle au machinisme. »

Énigme politique

Cependant, pour les agriculteurs français, le ciel sera encore lourd d’incertitudes dans les mois à venir. « Quelle sera la politique du futur gouvernement ? », se demande Laurent de Buyer. Les choix pris par le nouvel exécutif français auront une influence certaine sur le secteur, notamment au niveau de la politique agricole commune.

À cela s’ajoute le décès soudain de Xavier Beulin, le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea). « Son (ou sa) successeur devra à la fois assumer cette nouvelle responsabilité, mais aussi assurer les négociations avec le nouveau gouvernement. Une tâche qui ne sera pas sans difficultés… »

J.V.

En quelques chiffres

5 milliards : le chiffre d’affaires 2016 du marché français des agroéquipements.

3 milliards : la valeur des agroéquipements exportés en 2016 par la France, ce qui en fait le 5e  exportateur mondial, derrière l’Allemagne, les États-Unis, la Chine et l’Italie.

65 % : le pourcentage de la production française d’agroéquipements destiné à l’export.

2,2 % : la part du chiffre d’affaires consacrée à la recherche et au développement dans l’industrie française des agroéquipements.

Jusqu’à 3.000 : le nombre de brevets déposés chaque année par les agroéquipementiers français.

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