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Collapsus «post-barnum»

« La fin du monde est proche, repentez-vous ! ». Dans leur délire prosélyte insistant, les Témoins de Jéhovah agitent cette menace comme un épouvantail. Leur discours mystique, ou plutôt moustique, est assez drôle et nous fait sourire. L’annonce de la fin du monde est un peu le fonds de commerce des religions et des sectes, comme par exemple les « collapsologistes », apôtres du collapsus (effondrement) du genre humain. Digne d’un jeu de mots-croisés ou du scrabble, ce terme fait très sérieux, voire intellectuel. Il nous renvoie, nous autres éleveurs de bovins, à une pathologie aussi grave que spectaculaire, le « collapsus post-partum », quand une vache pousse sa matrice dehors, lors de son vêlage.

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Voilà qui évoque pour nous une image très forte, avec cette énorme masse de chair boursouflée qui pend au derrière de la vache chancelante au regard vitreux ! Pour la remettre convenablement, le vétérinaire doit avoir un certain tour de main, où force physique et dextérité se conjuguent pour repousser ce magma sanguinolent à l’intérieur sans rien abîmer. Dans les cas les plus compliqués, il faut même attacher les pattes arrières et les lever écartées à l’aide d’un chargeur frontal, afin de placer la vache dans une position plus « réceptive ». Le pauvre animal, le vétérinaire et l’éleveur passent réellement un sale quart d’heure ! Un collapsus post-partum, ce n’est pas rien ; c’est un véritable cauchemar dont l’issue est parfois fatale, quand la vache continue de presser désespérément et finit par se tuer elle-même…

La collapsologie étudie donc ce syndrome d’effondrement de notre humanité, laquelle se détruit elle-même à force de pousser bêtement à vide pour accoucher sans fin de profits, et ne fait qu’expulser toutes sortes d’avatars. Ceux-ci ont pour noms : réchauffement climatique, catastrophes naturelles (sécheresses, inondations, tornades), empoisonnement de notre environnement (sol, air, eaux), disparition massive d’espèces vivantes, destruction planifiée d’écosystèmes biologiques (forêt d’Amazonie par exemple), épuisement des ressources naturelles, conflits guerriers, injustices sociales, malnutrition (on mange trop ici, et trop peu ailleurs), gaspillage, agriculture industrielle, etc, etc. Oh la la, excusez du peu ! Bref, notre monde d’aujourd’hui est fichu, foutu, condamné, et les efforts pour maintenir sa matrice en place seront vains de toute façon, selon ces gais lurons. Ils ont calculé la date de cet effondrement : 2030, qui verra la fin du monde tel que nous le connaissons, de notre société axée selon la sainte trinité du capitalisme : exploitation, production, consommation. Après nous les mouches et vogue la galère ! Nous allons vivre l’écroulement de notre civilisation à grand spectacle, de ce barnum capitaliste qui nous fascine et nous stimule à mort. Nous filons tout droit vers un désastreux « collapsus post-barnum » !

Ces Témoins de Jéhovah d’un nouveau genre exagèrent, probablement. Sans doute cette échéance fatale de 2030 sera-t-elle postposée au fil des ans : 2040, 2050… L’effondrement de la race humaine n’est pas pour demain, je l’espère de tout cœur pour nos enfants, leurs enfants et petits-enfants. Je suppose que notre capacité à anticiper l’avenir va nous permettre de trouver des solutions à tous ces problèmes, à l’image des vétérinaires qui parviennent à réaliser le tour de force de réintégrer un monstrueux utérus dans son logement d’origine. Nos jeunes de la génération Y (25-40 ans) sont très intelligents et pleins de bon sens, on devrait pouvoir leur faire confiance. La fin de leur monde, les gens d’ici l’ont déjà connue à deux reprises lors des guerres mondiales du 20e siècle. L’effondrement fut total, et pourtant, un nouveau monde s’est reconstruit sur les ruines.

Prêcher est trop facile. S’enfoncer dans ces convictions fatalistes ne peut que précipiter le collapsus annoncé. Un fermier regarde-t-il sa vache mourir avec sa matrice sortie ? Un agriculteur se laisse-t-il décourager par le mauvais temps, et abandonne-t-il sa récolte ? Un cultivateur laissera-t-il son champ en friche parce que les prix de vente de son grain ont été désastreux ? Il cherchera toujours des solutions, et les mettra en œuvre. Notre monde va-t-il s’effondrer ? Risque-t-il un « collapsus post-barnum » ?

On voudrait dire : « Non, absolument pas ! », mais il est vrai hélas que notre planète, à bien des égards, ressemble fort à une vache en détresse, matrice expulsée, aidée par des maladroits, que trop de gens regardent sans comprendre et sans rien faire…

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