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Veut-on encore des paysans?

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Les syndicats agricoles majoritaires français ont lancé ce mardi 8 octobre une centaine d’actions ciblant les axes routiers et les grandes agglomérations dans tout l’Hexagone. L’objectif de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) et des Jeunes agriculteurs (JA) est double : adresser un premier avertissement au gouvernement du pays et interpeller les citoyens sur la détresse du monde agricole, avec le mot d’ordre «  France, veux-tu encore de tes paysans ?  » Les axes majeurs qui motivent cette mobilisation nationale sont la stigmatisation et le dénigrement des agriculteurs, la critique incessante de l’agriculture traditionnelle, les accords commerciaux avec le Canada et les pays du Mercosur et les distorsions de concurrence qu’ils engendrent.

Péages autoroutiers gratuits, concentrations de tracteurs, blocages de routes, opérations escargot… chaque département impliqué a choisi son propre mode d’action, contribuant à la réussite du premier acte de cette action des paysans de France. Ce 8 octobre marque en réalité le début d’une campagne qui durera jusqu’à la mi-novembre, balayant un thème différent chaque semaine. Cette « révolte » nationale témoigne chez nos voisins agriculteurs et éleveurs d’un sentiment d’incompréhension, de profonde injustice, de grande lassitude, et souvent de colère, face au dénigrement quasi quotidien de l’Agriculture – évoquée sans nuance, tel un concept déshumanisé –, et de ses pratiques. Bien plus encore que chez nous, les médias français, les réseaux sociaux, des « stars » du show-biz, du grand et du petit écran et depuis peu aussi quelques maires de commune « au nom de la désobéissance citoyenne et de la protection de leurs concitoyens » rivalisent de phrases aussi « choc » que fausses pour expliquer au public que l’Agriculture fait fausse route et nous empoisonne. L’es éleveurs et les agriculteurs sont aujourd’hui les boucs émissaires parfaits de tous les maux de la société… C’est tellement facile, tellement simpliste et tellement injuste !

À force d’encaisser des coups sur l’élevage, sur la viande, sur l’agriculture qualifiée – oh horreur – de conventionnelle, mais qui garantit aujourd’hui 90 % de notre alimentation, les derniers travailleurs et travailleuses de la terre et leurs toujours plus rares successeurs ne vont-ils pas finir par renoncer à leur si noble, si précieux et si vital métier. Beaucoup sont las de ce dénigrement incessant d’une frange notable de la société qui estime mieux connaître qu’eux l’art de cultiver la terre. Ils n’en peuvent plus de ces incantations péremptoires proférées par des « veilleurs » qui n’ont jamais mis les pieds dans une ferme ni cultivé quelques mètres carrés de potager ni fait pousser quelques plants de tomate. Comme l’écrit Sylvie Brunel, professeur à la Sorbonne, géographe et grande voyageuse de l’humanitaire : nous sommes en train de décourager ceux qui nous nourrissent et qui produisent tant, au point que nous nous demandons chaque jour, non pas quoi manger… mais quoi ne pas manger ! Il est temps de rendre leur fierté à nos agriculteurs, car sans ces seigneurs de la terre, un pays meurt !

M. de N.

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