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Cloches de PAC

Le saviez-vous ? Trop occupés à fouetter d’autres dragons, du côté de la Turquie et de la Corée du Nord, les médias ont été fort discrets sur un sujet qui nous concernait au premier chef : ce lundi de Pâques 17 avril était également désigné comme « Journée Internationale des Luttes Paysannes ». Cette date est célébrée chaque année, depuis le 17 avril 1996 et l’assassinat de 19 paysans brésiliens du Mouvement des Sans-Terre, lors d’une marche pacifique organisée pour réclamer un accès à la terre.

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Le saviez-vous ? Trop occupés à fouetter d’autres dragons, du côté de la Turquie et de la Corée du Nord, les médias ont été fort discrets sur un sujet qui nous concernait au premier chef : ce lundi de Pâques 17 avril était également désigné comme « Journée Internationale des Luttes Paysannes ». Cette date est célébrée chaque année, depuis le 17 avril 1996 et l’assassinat de 19 paysans brésiliens du Mouvement des Sans-Terre, lors d’une marche pacifique organisée pour réclamer un accès à la terre.

Dans ces régions-là, en Amazonie ou dans le Matto Grosso, cela ne rigole pas ! De même au Mexique, au Bangladesh, en Thaïlande, en Angola, au Congo… : si un gros « agriculteur » jette son dévolu sur une région, il libère les terres à la mitrailleuse lourde, ou par d’autres moyens violents, sans le moindre scrupule, pour y planter du soya, du café, du coton, de la canne à sucre ou des palmiers à huile ! Mais Dieu merci, chez nous en Europe, nous sommes bien plus civilisés ! La petite paysannerie disparaît également, il est vrai, mais les moyens employés sont moins sanguinaires, plus raffinés, institutionnalisés et planifiés sur le long terme. L’entreprise a démarré voici 55 ans, en mars 1962, quand la CEE instaura la Politique Agricole Commune, la « PAC » pour les intimes.

Pour bien comprendre la PAC, il faut se remettre dans le contexte de l’époque, dans un après-guerre nauséeux hanté par le souvenir proche des massacres et des destructions, quand les populations européennes, encore hébétées, besognaient vaille que vaille à la reconstruction de leurs nations. Comment bâtir une Europe pacifique et prospère ? Le modèle idéal, c’était les USA, avec leur grand marché de 200 millions d’habitants, leur insolente réussite industrielle et économique. Les Européens en bavaient de jalousie et d’envie ! Il « suffisait » donc d’imiter le grand frère américain, et le tour était joué !

Dès lors, après deux guerres qu’elle avait pratiquées (et perdues) comme un sport individuel, l’orgueilleuse Allemagne a enfin opté pour un sport d’équipe, moins belliqueux, et accepté d’unir sa destinée économique à la France, au Benelux et à l’Italie. Le grand marché de la CEE est né en 1957, puis la PAC suivit en 1962, afin d’assurer l’alimentation de la population, en quantité et en qualité. Il fallait moderniser et organiser l’agriculture, protéger nos marchés, assurer un revenu décent aux paysans, vœu pieux s’il en est…

Fort bien ! Vous connaissez la suite de l’histoire : belle réussite pour l’Union Européenne mais bilan humain désastreux pour le monde paysan. Aujourd’hui, la PAC et l’agriculture fonctionnent un peu comme un vieux couple, où l’un a mangé l’espace décisionnel de l’autre. Le Destin les a unis par ce qui ressemblait à de l’amour, au tout début ; puis il a béni leur mariage par d’innombrables enfants administratifs ; ensuite, ils sont restés ensemble par obligation, intérêt économique et politique, stratégique et bureaucratique. Comme dans la plupart des couples, la forte personnalité de l’un (la PAC) a étouffé l’autre (la paysannerie), trop obéissante par nature, ancrée dans le passé, naïve à pleurer, et mal encadrée par des « syndicats » politisés. Le processus de phagocytose matrimoniale s’est déroulé de manière classique : insidieuse, avec des velléités, des disputes, des soubresauts spectaculaires (portes claquées, vaisselle cassée, «  Cette fois, je retourne chez ma mère  ! »), comme en mars 1971 à Bruxelles. Mais de crises en réformes, de marathons agricoles en révisions, le couple PAC – agriculture européenne a tenu le coup.

Et aujourd’hui, en avril 2017, les Eurocrates responsables de la PAC entendent bien remettre celle-ci au goût du jour dès 2020, à nouveau tout chambouler et donner le tournis aux derniers mohicans-paysans européens. Les cloches de PAC annoncent pour nous un renouveau, un printemps des aides, des financements mieux ciblés sur les défis climatiques et le développement rural, des indemnités agricoles partagées de manière plus équitable. Sonneront-elles pour nous la volée, le glas ou le tocsin ? Demain nous le dira…

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Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
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