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Le botulisme, ce tueur silencieux de vaches laitières

Depuis la tragédie survenue dans une ferme laitière de Wuustwezel (province d’Anvers) en 2018 (184 animaux morts), il est devenu clair que le botulisme est le tueur silencieux par excellence pour le bétail laitier. Bien que la maladie soit rare, ses conséquences peuvent être catastrophiques.

Temps de lecture : 8 min

Le botulisme est causé par la bactérie Clostridium botulinum. On la retrouve dans l’environnement, mais les animaux sains (comme les lièvres, les lapins, la volaille…) peuvent également en être porteurs. L’ingestion de la bactérie elle-même ne cause aucun dommage. Toutefois, ce sont les neurotoxines que cette bactérie produit qui causent de grands dégâts chez les mammifères. Les quantités minimes sont déjà suffisantes pour provoquer une réaction toxique.

Certaines toxines sont dangereuses

Au total, il existe sept types de ces toxines botuliques (A, B, C, D, E, F et G). La sensibilité à celles-ci diffère selon les espèces animales. En ce qui concerne le bétail, ce sont principalement les types B, C et D qui sont dangereux. Les types C et D sont liés aux carcasses d’oiseaux aquatiques et de volailles respectivement et sont plus courants chez les bovins. Les deux espèces d’oiseaux sont des porteurs naturels de Clostridium botulinum. Lorsque les oiseaux meurent et que la carcasse se décompose, un environnement idéal est créé pour que les bactéries puissent se développer, moment propice à la production des toxines. Les carcasses peuvent donc être contaminées pendant des semaines et constituer un danger pour l’environnement.

En comparaison avec les types C et D, le type B est présent dans une moindre mesure chez les bovins. Ce type est associé à la mauvaise conservation des fourrages grossiers et provoque principalement des troubles digestifs chez les bovins. Selon le type et le degré d’infection, la mortalité en cas d’intoxication peut être très élevée. Il y a une réelle chance que 80 à 100 % du troupeau meure après l’ingestion de toxines botuliques.

L’ensilage, un milieu de culture idéal

Clostridium botulinum est une bactérie anaérobie. Cela signifie qu’il se développe bien dans des conditions de faible teneur en oxygène. En outre, cette bactérie a besoin d’un environnement riche en protéines et de températures suffisamment élevées pour produire des toxines. En plus d’un bon environnement de croissance, un certain temps d’incubation est nécessaire pour leur prolifération.

Il n’est donc pas surprenant que l’ensilage soit le principal élément critique en élevage bovin. L’ensilage d’une seule carcasse peut déjà suffire à empoisonner plusieurs vaches. En raison de l’augmentation des températures, le botulisme se manifeste plus tôt dans les mois d’été chez les bovins. La formation de toxines commence à 10ºC et atteint une production maximale entre 35 et 37ºC.

Symptômes de l’empoisonnement au botulisme

Un stade précoce du botulisme est parfois confondu avec une maladie du lait ou de la tête. Les animaux montrent peu d’énergie, ont du mal à se redresser ou à se coucher avec la tête sur le flanc. Ils ne ruminent plus et il n’y a ni nourriture ni liquide ingéré. Après ingestion, les neurotoxines dont il a été question précédemment se propagent dans le sang à travers tout le corps. Elles se lient ensuite aux terminaisons nerveuses. Les signaux des nerfs vers les muscles sont ainsi empêchés, induisant ainsi une paralysie des muscles. Les effets sont d’abord visibles sur la queue (flasque). Ensuite, les animaux ont une démarche chancelante, arrière-train affaiblit. La digestion se fait en silence et c’est la paralysie éventuelle du système respiratoire qui provoque souvent une issue fatale.

L’ensilage de fourrages est le milieu de culture par excellence pour le botulisme.
L’ensilage de fourrages est le milieu de culture par excellence pour le botulisme. - P-Y L.

Un symptôme typique du botulisme : l’évolution de la paralysie. Les symptômes se manifestent de la queue à la tête. La gravité des symptômes dépend du nombre de toxines ingérées. De faibles doses de toxines donnent un schéma clinique qui traîne, où de fortes doses peuvent entraîner une mortalité aiguë. Dans ce dernier cas, il y a peu ou pas de symptômes antérieurs, ce qui signifie que l’agriculteur est confronté à une mort soudaine.

Les symptômes sont visibles dès 18 heures après l’intoxication et peuvent se manifester jusqu’à 17 jours après l’admission. En outre, les symptômes peuvent également varier considérablement en fonction de la toxine en cause. L’intoxication due à la toxine de type B forme un schéma clinique moins sévère. Il perturbe principalement le système digestif. Les bovins souffrent de diarrhée, de constipation, d’aérophagie et d’une activité réduite de rumination.

Mieux vaut prévenir que guérir

Bien que le botulisme soit indirectement causé par une bactérie, il ne peut pas être traité par les biais d’antibiotiques. Il s’agit d’un empoisonnement dans lequel le mal a déjà été fait. Par conséquent, il n’existe actuellement aucun traitement ou antidote disponible. Il existe un vaccin préventif, qui n’est toutefois pas enregistré en Europe. Par conséquent, le traitement consiste principalement à limiter l’absorption ultérieure des toxines et à administrer des soins palliatifs. En raison de la rapidité du traitement, les éleveurs ne peuvent souvent qu’espérer le meilleur et soulager de leurs souffrances les animaux les plus touchés.

L’augmentation de la mécanisation agricole augmente également le risque de botulisme. Une barre de coupe plus large augmente le risque de fauchage des victimes. De plus, les faneuses et les râteaux plus larges rendent plus difficile le repérage des carcasses pendant la récolte. L’utilisation d’un mélangeur d’aliments augmente également le risque du taux de mortalité à l’étable. Le risque que des toxines se retrouvent dans les rations de tout le troupeau est de ce fait beaucoup plus grand en raison du mélange. Le contrôle total du botulisme n’est donc malheureusement pas possible. Heureusement, il existe quelques trucs et astuces qui peuvent être appliqués pour prévenir de la maladie.

Faire attention au pâturage et à la récolte des fourrages

Le botulisme se retrouve naturellement dans l’environnement et peut entraîner une mortalité massive chez les oiseaux aquatiques. Un individu infecté peut entraîner la mort de nombreux autres. Les asticots des carcasses peuvent contenir une énorme quantité de toxines botulique mais y sont eux-mêmes insensibles. Ce sont en quelque sorte des bombes au botulinum qui dérivent à la surface de l’eau lorsqu’un cadavre est couché sur le rivage. Là, ils sont une proie facile pour les autres oiseaux aquatiques, ce qui les tue également. Ces carcasses constituent à leur tour une menace pour l’environnement, et la boucle est donc bouclée. Lors d’une telle épidémie, il y a donc une forte pression de contamination vers l’environnement. Par conséquent, le bétail voisin est également plus menacé. Il est donc peu judicieux de laisser le bétail paître dans les environs. En tant qu’agriculteur, vous devez être particulièrement vigilant lorsque des oiseaux morts sont trouvés dans une prairie. Il est toujours conseillé de signaler une mortalité d’oiseaux brutale. L’accès du bétail aux eaux naturellement stagnantes (étang ou grande flaque) n’est pas non plus recommandé pour la raison susmentionnée.

Il va sans dire que la volaille à la ferme présente des risques supplémentaires. Les exploitations mixtes sont donc confrontées à un défi plus important. Les machines et les équipements destinés à la volaille et au bétail doivent donc être strictement séparés. Si un usage commun ne peut être exclu, l’éleveur a tout intérêt à accorder une attention particulière au nettoyage et à la désinfection de son matériel (notamment les pneus). Le fumier de volaille doit de préférence être éliminé immédiatement et ne pas être épandu sur des parcelles destinées à la récolte de fourrages pour le bétail.

Faites attention au gibier et aux carcasses lorsque vous fauchez et récoltez vos fourrages.
Faites attention au gibier et aux carcasses lorsque vous fauchez et récoltez vos fourrages. - Ben Scheelen

La vérification régulière de la présence de gibier ou des portées doit également être une routine. Lors du fauchage et de la récolte, il faut également être particulièrement vigilant quant à la présence de gibier. Le gros gibier peut être chassé par les chasseurs. Cependant, c’est souvent le petit gibier (oiseaux, lièvres, lapins) qui passe inaperçu sous la barre de coupe. Pendant le fauchage, ils se déplacent souvent systématiquement vers le centre de la parcelle, où se trouvent la plupart des « victimes ». On peut éviter cela en fauchant les parcelles de l’intérieur, ce qui donne à ces animaux une meilleure chance de sortir à temps. Placer des épouvantails de gibier sur les barres de fauche peut également faire la différence. En outre, une vigilance générale s’applique lorsqu’on secoue, ratisse et ramasse l’herbe. Toute carcasse peut être repérée et enlevée avant l’ensilage.

La source d’infection n’est pas toujours détectable

En cas de suspicion de botulisme, la source de l’infection doit être recherchée le plus rapidement possible. De cette façon, l’absorption de toxines peut être évitée. Le vétérinaire de l’exploitation est tenu de se présenter à l’Afsca. Des collaborateurs de ladite agence se rendent sur place pour rechercher la source de l’infection. Comme l’ensilage est souvent le coupable, il est judicieux de remplacer l’alimentation du moment en attendant les résultats de l’investigation.

Souvent, cependant, la source de l’infection n’est pas identifiée. Cela peut être dû, par exemple, au fait qu’un seul lot d’ensilage soit infecté et que la partie infectée a déjà été augmentée. Outre l’ensilage, les prairies ou les eaux de surface peuvent également être la cause du botulisme. Lors de l’échantillonnage des parcelles de pâturage, il y a également un risque que la partie infectée soit tombée juste en dehors de l’échantillon. Si aucune cause précise n’est révélée, il est donc préférable de remplacer le fourrage grossier actuel, même si les analyses d’ensilage montrent un résultat négatif.

Avoir une assurance, c’est possible ?

Jusqu’à récemment, une épidémie de botulisme n’était pas assurable et n’était pas non plus couverte par le fonds sanitaire. Depuis l’incident extrême de Wuustwezel, la crainte du botulisme (et de ses éventuelles conséquences financières) est fermement ancrée. Les organisations agricoles ont donc plaidé pour une solution permettant d’atténuer ces tragédies à l’avenir. C’est pourquoi un programme de solidarité a été mis en place l’année dernière par l’organisation de branche MilkBE. Une petite contribution de tous les agriculteurs permet à cette organisation d’intervenir dans les cas de mortalité extrême (plus de 30 % de l’ensemble du troupeau). Un plafond de 115.000 € a également été fixé.

Les agriculteurs qui veulent se couvrir entièrement contre le risque peuvent désormais aussi se tourner vers les assureurs privés qui ont élargi leur police existante. En tant qu’éleveur, vous pouvez être assuré moyennant un coût supplémentaire par place d’animal autorisée. Dans ce cas, la valeur des animaux touchés et les litres de lait perdus peuvent être indemnisés.

D’après Karolien Dukes

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