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Cultures maraîchères: un éclairage pour dimensionner les réserves en eau

Après quatre années de déficit hydrique marqué en été, faisons le point sur les réserves dont nous devons disposer pour assurer la jonction des apports durant la sécheresse.

Temps de lecture : 7 min

Le thème des apports d’eau aux cultures maraîchères en plein air ou sous abri a déjà été traité à de nombreuses reprises dans votre Sillon Belge. Mais, voyons ce qu’il en est aujourd’hui, en se rappelant que ces réserves avaient été estimées dans ces pages en juin 2015… et que les conditions des dernières années confirment ces données.

Nous reprenons les besoins pour une ferme maraîchère, au quotidien d’abord, sur la saison ensuite. Les besoins totaux permettent de se figurer la taille des citernes et réserves nécessaires en eau de pluie, solution à la fois économique et durable.

Un étang permet une certaine vie aquatique. Un équilibre est à trouver entre celle-ci et l'utilisation d'une partie de l'eau pour l'irrigation.
Un étang permet une certaine vie aquatique. Un équilibre est à trouver entre celle-ci et l'utilisation d'une partie de l'eau pour l'irrigation. - F.

Estimation des besoins au quotidien : le bilan hydrique

Le bilan hydrique est la balance entre les besoins exprimés par l’évapotranspiration (ETP) et la réserve utile en eau du sol (RU) d’autre part.

L’eau s’évapore en surface du sol ou est l'objet de transpiration par les plantes présentes. La chaleur et surtout le vent favorisent ces départs d’eau, c’est l’évapotranspiration. Dans nos conditions, l’ETP varie de 0 à 7 mm par jour suivant la météo du jour et la saison.

Le volume d’eau que le sol peut absorber dépend de la nature du sol (RU). Une partie de l’eau est trop fortement liée aux constituants du sol et n’est pas disponible par les plantes, c’est l’eau non disponible.

La réserve facilement utilisable (RFU) est la fraction dont nous tenons compte dans l’estimation du bilan hydrique. Dans les sols limoneux de chez nous, la RFU correspond à environ 6 dixièmes de la RU. Les sols plus sableux retiennent moins d’eau (RU) mais une plus grande proportion de celle-ci est disponible (RFU). C’est l’inverse en sols plus argileux. Les matières organiques du sol ont une capacité de rétention en eau très élevée, mais la retiennent fortement, ce qui se traduit par une proportion RFU/RU moins favorable.

L’eau circule dans le sol. La gravité l’entraîne vers le bas, ce sera surtout le cas lorsque le sol est saturé en eau.

Celle-ci se dirige des zones les plus humides vers les zones les plus sèches, avec une possibilité d’aller dans toutes les directions selon les situations. La texture du sol (granulométrie) et le tassement (compaction) influencent les possibilités de mouvements d’eau dans le sol.

En pratique, la RFU des sols peut se déterminer avec précision au laboratoire. Celle des sols wallons à dominante limoneuse est de l’ordre de 1 mm par cm de profondeur de sol. Cela signifie en pratique que pour une culture développant un enracinement d’une trentaine de cm de profondeur (chicorées frisées ou scaroles par exemple), la RFU du sol est d’une trentaine de mm, soit les besoins de la culture pour une dizaine de jours si l’évapotranspiration est de 3 mm/jour (donnée dépendant de la météo locale durant la période concernée).

Pour assurer la jonction entre deux périodes de pluies

L’eau proviendra d’une source (rare), de la récupération d’eau de pluie, d’un cours d’eau, d’un étang, d’une nappe souterraine (forage, puits). Des autorisations sont à demander dans plusieurs de ces cas, les services communaux peuvent aider dans l’orientation des démarches administratives. Le meilleur des cas est celui où nous pouvons récupérer l’eau de pluie, en particulier pour les besoins des cultures sous abri.

Un canal aménagé sur son propre terrain permet une collecte d'eau issue des fossés de drainage.
Un canal aménagé sur son propre terrain permet une collecte d'eau issue des fossés de drainage. - F.

Nous devons prévoir des besoins de l’ordre de 500 m³ par an pour des serres tunnel couvrant 1.000 m² et de l’ordre de 1.400 m³ par an pour 1 ha de cultures de plein champ (à raison de 5 tours d’irrigation apportant 25 à 30 mm). Ces besoins sont concentrés sur la période de croissance active des cultures. La consommation annuelle en eau peut être réduite par des techniques comme le paillage, les brise-vent et la répartition en goutte-à-goutte.

Ces besoins en irrigation s’ajoutent à ceux destinés au lavage des légumes. Les qualités attendues pour ces deux principaux usages sont différentes. « Comme ordre de grandeur, les précipitations annuelles à Uccle sont de l’ordre de 800 mm d’eau. Sur 1 m², la quantité d’eau de pluie est donc de 0,800 m³, soit 800 litres. »

Une bonne installation d’irrigation répartit l’eau de manière homogène sur la surface traitée. Nous utilisons comme unité quantitative le mm: nous mesurons une hauteur d’eau.

Nous pouvons retenir facilement qu’une pluie de 1 mm apporte 1 litre d’eau par m² ce qui correspond à 10 m³ par ha. Pour que la répartition soit homogène, il faut que la pression fournie par les pompes soit régulière, que le débit d’arrivée d’eau soit suffisant, que le système de filtration ait permis d’enlever les impuretés susceptibles de boucher les installations.

Chez nous, les précipitations moyennes sur 30 ans sont de l’ordre de 60 à 65 mm d’eau par mois, été comme hiver. Mais ces moyennes cachent des très grandes variations d’une année à l’autre. Par ailleurs, les besoins en eau des cultures dépendent aussi de la température. Or, nous connaissons des sommets de températures maximums l’été, depuis quelques années.

Pour bien irriguer, l’installation doit être équilibrée, c’est-à-dire que la pression et le débit des pompes doivent être en lien avec les débits en amont (la source d’eau) et les débits en aval (les asperseurs ou les tuyauteries de goutte-à-goutte).

Pour que l’eau percole convenablement et pour que les racines puissent l’explorer en profondeur, la structure du sol est déterminante.

La fréquence des tours de passage est adaptée aux précipitations naturelles. Pour estimer le tour d’eau (le nombre de jours entre deux passages), nous tenons compte des pluies avérées, c’est-à-dire celles constatées réellement à l’aide du pluviomètre lors des jours passés. Il est par contre difficile de tenir compte des prévisions météo, celles-ci n’ayant pas une précision à l’échelle de la parcelle.

Avec un peu d’expérience, l’examen visuel de l’état des plantes et de l’état des trente premiers cm de sol permet aussi au maraîcher d’apprécier les moments de mise en route de l’irrigation.

Comme ordre de grandeur, les précipitations annuelles à Uccle sont de l’ordre de 800 mm d’eau, soit 800 litres par m2.

La réserve d’eau dans le sol que les plantes parviennent à utiliser est la base de leur alimentation hydrique. En complément, les réserves d’eau devraient être suffisantes pour assurer l’approvisionnement de deux mois d’irrigations de nos cultures.

Nous pouvons nous baser sur une moyenne de 3 mm d’eau par jour en été, sachant que certaines cultures en demandent temporairement plus que d’autres. Ce sont donc 180 mm d’eau sur la surface concernée ou 180 litres par m² que nous pourrions estimer comme réserve. Si nous avons la chance de pouvoir disposer d’un apport de source, de forage ou d’une autorisation de captage, le volume de la réserve serait diminué d’autant.

Les mares ont un rôle important pour la biodiversité et la santé des cultures. Le niveau d'eau tend à baisser naturellement en été. Ce ne sont pas des réserves pour l'irrigation.
Les mares ont un rôle important pour la biodiversité et la santé des cultures. Le niveau d'eau tend à baisser naturellement en été. Ce ne sont pas des réserves pour l'irrigation. - F.

La récupération et le stockage de l’eau de pluie

L’eau récupérée des toits des bâtiments et des serres convient en général, du moins en absence d’amiante-ciment. Un regard séparateur placé juste après les chenaux permet d’évacuer les matières en suspension amenée par les premiers mm de pluie. L’eau est ensuite filtrée par une grille et un filtre à gravier avant d’arriver dans les réserves.

Nous pouvons stocker l’eau en citerne, en cuve, en bac de surface, en réservoir ouvert sur géo membrane, en silo avec géo membrane. La situation de la réserve a son importance : il faut éviter que la chaleur et la lumière ne favorisent le développement d’algues.

Pour l’irrigation des cultures en serre au début du printemps, une réserve secondaire est installée dans la serre elle-même afin de permettre le réchauffement de l’eau durant la journée et d’irriguer les cultures avec de l’eau tiédie. C’est important pour favoriser le bon développement des racines des cultures d’été et prévenir les maladies du sol aux racines et au collet des plantes.

Les citernes en conteneurs peuvent être trouvées en matériel d'occasion à un prix accessible. L'avantage est qu'elles peuvent être placées en bord de parcelle comme réserve secondaire.
Les citernes en conteneurs peuvent être trouvées en matériel d'occasion à un prix accessible. L'avantage est qu'elles peuvent être placées en bord de parcelle comme réserve secondaire. - F.

Des précautions

Notons que l’eau de pluie peut servir à de nombreux usages dans la ferme . Mais pour le dernier rinçage des légumes, l’eau utilisée doit être potable. Il en est de même du nettoyage des surfaces en contact avec ces légumes.

F.

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