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Transformer et vendre à la ferme, un choix audacieux pour accueillir la relève

À l’occasion du congrès 2017 de la Fédération nationale ovine française – organisé en Belgique – la famille Artoisenet à fait découvrir son élevage de brebis à une vingtaine d’éleveurs français. Entre les « locaux » et leurs visiteurs, les échanges ont été nombreux. Reproduction, alimentation, traite… du troupeau étaient au cœur des discussions. Il faut dire que la Lacaune, race élevée par les Artoisenet, est bien connue de nos voisins d’outre-Quiévrain puisqu’originaire de leur contrée.

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Actifs dans l’élevage ovin depuis plus de 30 ans, rien ne prédestinait Pierre et Isabelle Artoisenet à embrasser cette carrière professionnelle. C’est pourtant le choix qu’ils ont fait en 1985, eux qui n’étaient pas issus du milieu agricole.

« À nos débuts, nous nous consacrions à l’élevage d’agneaux de boucherie. Mais très rapidement, en 1988, nous nous sommes réorientés vers la production de lait », se souvient Pierre. En effet, occupant une surface d’environ 30 h, l’exploitation du couple n’était pas suffisamment grande que pour vivre de cette spéculation.

Du lait toute l’année

Durant de longues années, Pierre et son épouse élèvent des Laitiers Belges. Mais il y a 10 ans, le troupeau est frappé par la fièvre catarrhale ovine. Ils se tournent alors vers la Lacaune, une race originaire de France et élevée principalement dans la région de Roquefort.

Aujourd’hui, le couple est à la tête d’un élevage bio de plus de 280 brebis. Le cheptel présente la particularité d’être séparé, par désaisonnement lumineux, en deux troupeaux : l’un de saison, l’autre de contre-saison. De cette manière, Pierre produit du lait toute l’année avec une production moyenne de 2 à 2,5 l par jour et par femelle en lactation.

Les brebis sont traites deux fois par jour dans une salle de traite 2x24 à décrochage automatique installée voici 7 ans. « J’ai remplacé l’ancienne installation par celle-ci, plus moderne, pour me faciliter le travail », explique Pierre, satisfait de son investissement.

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La salle de traite 2x24, un confort de travail
», estime Pierre.
« La salle de traite 2x24, un confort de travail », estime Pierre. - J.V.

La satisfaction de l’éleveur est d’autant plus grande que la salle servira également à ses repreneurs qui ne sont autres que son plus jeune fils, Julien, et sa belle-fille, Adèle.

Une clientèle solide

La production laitière annuelle de la ferme s’élève actuellement à 55-60.000 l, écoulés via différents débouchés qui n’ont pas toujours été faciles à trouver.

Ainsi, si Pierre et Isabelle ont rapidement su vendre leur production à la laiterie de Chimay, cette collaboration commerciale n’a été que de courte durée, de 1988 à 1992. S’en sont suivies plusieurs années difficiles, résultant principalement de la méconnaissance du public pour le fromage de brebis. Depuis, le couple s’est forgé une clientèle solide, notamment auprès d’artisans fromagers, et le fromage de brebis a su trouver ses lettres de noblesses auprès des consommateurs.

C’est d’ailleurs à la demande d’un de ses clients, la Fromagerie du Gros Chêne, que la famille Artoisenet a converti sa ferme à l’agriculture biologique, voici quatre ans. Un avantage financier certain auquel s’ajoute sa capacité à fournir du lait durant toute l’année. « Le prix du lait a considérablement augmenté quand nous sommes passés en bio », précise l’éleveur. En outre, certains fromagers offrent une prime supplémentaire pour le lait livré en hiver.

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Convertir la ferme au bio m’effrayait quelque peu. Mais aujourd’hui, je dois bien avouer que nous en sommes pleinement satisfaits
», témoigne Pierre.
« Convertir la ferme au bio m’effrayait quelque peu. Mais aujourd’hui, je dois bien avouer que nous en sommes pleinement satisfaits », témoigne Pierre. - J.V.

Une petite partie de la production est également vendue à des particuliers et, en hiver, à des éleveurs-transformateurs ne pratiquant pas le désaisonnement de leur cheptel. Enfin, moins de 10 % du lait sont transformés à la ferme (lire ci-dessous).

Quant aux agneaux, ceux-ci sont engraissés à la ferme jusqu’à un poids d’environ 20 kg puis vendus à Coprosain.

L’équeutage des agneaux est réalisé par un vétérinaire après obtention d’une dérogation nécessaire en agriculture biologique.
L’équeutage des agneaux est réalisé par un vétérinaire après obtention d’une dérogation nécessaire en agriculture biologique. - J.V.

La jeune génération transforme

Fin 2016, une nouvelle activité a vu le jour sur la ferme suite à l’arrivée de Julien et Adèle. « Afin qu’ils puissent s’installer, nous nous devions de trouver une source de revenus supplémentaire. C’est ainsi que sont nés l’atelier de transformation et le magasin », éclaircit Pierre.

Pour ce faire, la famille a acquis un container qu’elle a entièrement aménagé, intérieurement et extérieurement, pour qu’il soit isolé et adapté à ses besoins et aux normes sanitaires. Il a ensuite été recouvert de bois, de sorte qu’il se fonde dans le paysage de l’exploitation. À l’intérieur, la première partie du container est dédiée au magasin avec son comptoir et ses frigos. La seconde partie est quant à elle consacrée à la transformation à proprement parler.

La famille Artoisenet (Julien, Pierre, Isabelle et Adèle, à l’arrière) a partagé ses pratiques avec une vingtaine d’éleveurs français.  À l’arrière-plan, le container aménagé en magasin et fromagerie à la ferme.
La famille Artoisenet (Julien, Pierre, Isabelle et Adèle, à l’arrière) a partagé ses pratiques avec une vingtaine d’éleveurs français. À l’arrière-plan, le container aménagé en magasin et fromagerie à la ferme. - J.V.

Depuis maintenant six mois environ, Julien et Adèle transforme chaque semaine 150 l de lait en divers fromages frais ou affinés, yaourts, maquées et fromages « type feta » vendus à la ferme. « Nous sommes encore dans une phase de test mais nous pourrions, dans un futur plus ou moins proche, monter à 200 voire 250 l de lait transformés par semaine. » La possibilité de faire, un jour, des tommes est également étudiée.

En toute autonomie, ou presque

Du côté de l’alimentation, la famille vise un maximum d’autonomie. Sur la petite trentaine d’hectares que compte l’exploitation, deux tiers sont consacrés aux prairies permanentes et temporaires. Sur ces dernières, différents mélanges sont implantés : luzerne – dactyle, trèfle violet – fléole et ray-grass anglais – dactyle – fétuque élevée – luzerne – trèfle violet – trèfle blanc – lotier. Ces prairies sont soit pâturées, soit fauchées. Le produit de la fauche est consommé par les brebis sous forme de foin ou d’enrubanné.

Aux prairies viennent s’ajouter deux cultures énergétiques : un mélange orge – pois protéagineux destiné aux brebis et agneaux et une association triticale – pois fourrager réservée aux brebis. Prairies et cultures ne sont fertilisées qu’avec les effluents d’élevage et, selon les besoins, de la chaux magnésienne.

Chaque année, Pierre conserve 80
agnelles, dont une cinquantaine en désaisonnement, pour le renouvellement du troupeau.
Chaque année, Pierre conserve 80 agnelles, dont une cinquantaine en désaisonnement, pour le renouvellement du troupeau. - J.V.

Cependant, atteindre l’autonomie totale en élevant 280-300 brebis sur 30 ha s’avère compliqué. Une part des aliments doit donc être achetée à l’extérieur de la ferme. « Pour que l’on soit autonome, je souhaiterais limiter le troupeau à 260-270 animaux. Mais tout en augmentant leur productivité en vue de maintenir constante notre production annuelle », commente Pierre. Afin de rencontrer cet objectif, l’éleveur mise sur la génétique et sélectionne ses béliers dans ce sens pour le renouvellement du troupeau. Après reproduction (en saison et contre-saison), 80 agnelles environ sont conservées chaque année, dont une cinquantaine en désaisonnement au vu de la bonne héritabilité de ce caractère faisant la force de l’élevage Artoisenet.

J.V.

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