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Agribio, ces artisans au four et au moulin

Meunerie, boulangerie, atelier pâtes… les portes d’Agribio, à Havelange, s’ouvriront au grand public les 24 et 25 juin dans le cadre des Journées Fermes Ouvertes. L’occasion pour la coopérative de présenter non seulement ses activités mais également de proposer des animations citoyennes et festives à travers un marché d’artisans locaux. Un événement convivial fidèle à leur philosophie. Christophe Portier, administrateur, et Bruno Greindl, agriculteur et fondateur de la structure, reviennent sur celle-ci.

Temps de lecture : 7 min

C ’est sous l’impulsion de Bruno Greindl et d’Hermann Pirmez, deux agriculteurs venus respectivement d’Havelange et de Néthen, que la coopérative est née. L’objectif de l’époque ? Écouler le grain produit par ses coopérateurs à un prix maîtrisé et promouvoir une filière courte dans laquelle on transforme au maximum les céréales pour leur donner de la valeur ajoutée. « Car d’un point de vue agricole, il faut se diversifier et transformer. Lorsque l’on fait de bons rendements en céréales, que l’on soit en bio ou non, ça ne rapporte pas grand-chose », explique Bruno.

Il se souvient : « Quand on a voulu mettre en route la coopérative, on a présenté notre projet lors d’une réunion. De trente personnes initialement intriguées par notre démarche, on ne se retrouve finalement que 4 agriculteurs prêts à s’engager financièrement dans l’aventure. Et les risques étaient carabinés ! »

Christophe Portier, administrateur d’Agribio : « 90 % des céréales cultivées en Belgique ne sont pas considérées comme panifiables, elles sont utilisées en fourrager. Pourtant, depuis tous temps, on a toujours fait du pain en Belgique et avant on ne travaillait pas avec des céréales étrangères… D’où la volonté d’Agribio d’y parvenir avec les siennes.

De la meunerie à la boulangerie

Au début, les choses peinent à se mettre en place. « Nous nous limitions à nettoyer le grain et à l’envoyer dans un moulin en Hollande pour vendre la farine, soit sous le nom du moulin, soit sous le nom de la coopérative », explique l’agriculteur.

Mais avec le temps, la part de céréales envoyées aux Pays-Bas devenant trop importante, les 4 coopérateurs décident d’investir dans un moulin français de type astrié qu’ils installent à Havelange dans l’exploitation de Bruno.

L’année suivante, en 2007, viennent 4 autres moulins. Mais la coopérative éprouve toujours des difficultés à dégager de la marge… « On a fait des pertes plusieurs années durant. On n’avait jamais fait de plan financier… En fait, on a toujours fait ce qu’on nous déconseillait de faire pour autant que nous pouvions proposer un produit de qualité et que ça nous amusait un peu », sourit Bruno. « Pour avancer dans un projet, il faut qu’il nous amuse ! »

En Boulangerie aucun additif n’est ajouté. Les farines sont différentes et le pain n’est pas toujours le même. C’est donc à l’artisan de s’adapter pour proposer un produit de qualité.
En Boulangerie aucun additif n’est ajouté. Les farines sont différentes et le pain n’est pas toujours le même. C’est donc à l’artisan de s’adapter pour proposer un produit de qualité. - P-Y L.

Une histoire de rencontres

C’est à ce moment que Christophe Portier rentre dans la structure pour administrer la coopérative. Et depuis, la maîtrise de la filière est en constante amélioration.

« En 2010, c’est lors d’une fête du fromage que je rencontre un boulanger français qui se propose de valoriser notre farine. Rapidement, notre atelier boulangerie voit le jour à la ferme d’Havelange… Et pour la première fois, le chiffre d’affaires permettait de dégager un bénéfice ! On avait réussi à suffisamment transformer la céréale que pour en faire vivre quelques personnes ! »

Ensuite, tout a été très vite. De 2011 à 2017, Agribio connaît une petite révolution. Se développe alors un réseau de magasins partenaires en Wallonie. L’intérêt des ateliers réside essentiellement dans le fait de garder des lieux de production conviviaux et à taille humaine.

Sur Bruxelles, Agribio veut aller le plus loin possible dans la chaîne. « L’important pour nous, c’était d’envoyer le fermier en ville, mais comme ce n’est pas possible, nous nous sommes associés avec le magasin Färm pour ouvrir en février 2016, un atelier à Bruxelles pour être plus proche de nos clients », commente Christophe.

« Pour la Flandre, nous venons de sauter la frontière grâce çà une collaboration avec Beomarkt. Si on y vend du pain, l’objectif à terme est d’y créer une boulangerie. »

Agribio a la volonté de travailler avec le plus de clients possible, sans trop entrer dans les grosses chaînes commerciales. « On travaille avec 130 magasins, ce qui représente 90 clients, ce qui est très important au vu de l’indépendance que cela nous procure », explique-t-il encore.

Les petits conditionnement de farine sont encore ensachés à la main.
Les petits conditionnement de farine sont encore ensachés à la main. - P-Y L.

Et les pâtes ?

Si l’atelier boulangerie ne cesse d’évoluer, Christophe cherche d’autres débouchés. Et, lors d’un voyage en France pour vendre un trieur à un agriculteur, celui-ci leur propose de récupérer une machine à pâtes qu’il avait en sa possession. Un troc s’opère alors et, comme le hasard fait décidément bien les choses, c’est peu de temps après que les coopérateurs rencontrent un bioingénieur désireux de se lancer dans l’aventure des pâtes.

« Il fallait trouver une recette pour valoriser nos farines. En effet, les pâtes sont généralement à base de blé dur, d’œufs et d’eau, or, ici on a que du blé tendre… Après une année de tests et de préparations, nous avons commencé la production de pâtes sèches au mois d’août 2016 pour sortir deux sortes de pâtes courtes, les casarreci 100 % épeautre et les coquillettes 100 % froment. Des pâtes aux sarrasins sont en tests. La proportion reste limitée puisqu’on peut maximum produire 80 kg de pâtes par jour et on en produit maximum 4 jours par semaine. Ce qui est encore très peu.

La coopérative propose deux sortes de pâtes sèches: 100 % épeautre ou 100 % froment. Une troisième variété est en préparation.
La coopérative propose deux sortes de pâtes sèches: 100 % épeautre ou 100 % froment. Une troisième variété est en préparation. - P-YL.

Aller plus loin dans la qualité

Aujourd’hui, Agribio traite entre 600 et 800 tonnes par an, toutes variétés confondues, dont 60 % de froment et 30 % d’épeautre. Le reste c’est du seigle et un peu de sarrasin.

Au niveau des céréales, la coopérative prend ce qu’elle peut. « On n’a pas de volonté de croissance pour la croissance mais comme il y a une demande… nous devons seulement faire attention à notre seul goulot d’étranglement : les moulins qui produisent de la qualité en faible quantité. »

De 40 % de vente de produits transformés, la coopérative est aujourd’hui passée à près de 95 %. « On vend encore quelques céréales brutes à la brasserie Cantillon mais ce n’est pas notre fonds de commerce. C’est d’ailleurs notre seul client depuis deux ans… » explique Christophe.

« En 2017, la boulangerie représente 70 % du chiffre d’affaires (CA), la farine 20, et les produits annexes (pâtes, muesli…) 10. Mais maintenant que la boulangerie s’est bien développée, je n’ai pas envie qu’elle représente 90 % du CA. J’aimerais l’étaler sur d’autres activités », explique l’administrateur.

Pour Bruno, Agribio ne fait rien de nouveau. « On se calque sur ce que les paysans faisaient dans le temps. On reprend simplement notre autonomie en main. »

« Maintenant qu’on a développé d’excellents produits comme le pain et les pâtes, on essaye d’aller le plus loin possible dans la qualité, en choisissant des ingrédients de qualité, comme le chocolat utilisé pour nos viennoiseries. »

Christophe : « Nous n’avions pas envie d’être juste le boulanger bio qui propose un pain au levain. Raison pour laquelle la coopérative travaille des hamburgers, des baguettes… on avait envie de transformer tout ce qu’on fait sur la ferme ! »

Un même réseau pour tous les produits

Christophe aimerait continuer à diversifier l’offre de la structure : « D’autres produits sont réalisables avec des céréales. Et si on apporte de la variété, on gagne en visibilité. »

À l’heure actuelle, une filière viande est à l’étude. « Dans le circuit des céréales, on a beaucoup de déchets (son, balle d’épeautre…) que l’on va valoriser dans l’alimentation bovine pour être en économie circulaire. » Et plutôt que de les vendre à des enseignes comme Delhaize, la coopérative s’adresse depuis un an et demi aux abattoirs de ciney. « Tout est vendu en gros aux magasins partenaires. C’est une toute petite activité qui ne demande qu’à démarrer, la pompe n’est pas encore amorcée. »

Pour Christophe Portier, Agribio s’inscrit dans une économie circulaire.  Si les co-produits ne sont pas utilisés, ils sont valorisés dans l’alimentation bovine.
Pour Christophe Portier, Agribio s’inscrit dans une économie circulaire. Si les co-produits ne sont pas utilisés, ils sont valorisés dans l’alimentation bovine. - P-Y L.

Quant à Bruno, il n’est pas en panne d’idée : Dans nos vergers, la prairie est mal valorisée. On aimerait qu’un berger puisse y faire du pâturage itinérant. On pourrait ensuite produire de la viande et de la laine.

Christophe voit également un bon créneau pour un « lait » de céréales, valorisé soit en boisson, soit dans les brioches vegans… Des produits pour lesquels la demande afflue depuis deux ans. Les potentialités sont là !

P-Y L.

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