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Du choix du site

à la plantation,

établir un verger extensif avec succès

Créer un verger extensif ne se fait pas du jour au lendemain. Choix du site, objectifs de production, distances de plantation… sont autant de critères à prendre en compte avant de passer à la plantation à proprement parlé. Afin de mettre tous les atouts de son côté, nous passerons ici en revue les éléments essentiels pour que la création d’un pré-verger soit un succès.

Temps de lecture : 9 min

Jusque dans un passé récent, les vergers pâturés ont eu dans notre pays une très grande importance. Après la guerre 1940-45, on en comptait plus de 70.000 ha dont 18.000 ha en province de Liège, 5.000 ha en Hainaut et 4.000 ha en province de Namur. Ils étaient plantés pour moitié en pommiers, pour un quart en poiriers, tandis que pruniers et cerisiers intervenaient ensemble pour le dernier quart ; l’espèce dominante différait selon les régions.

Ces vergers étaient souvent considérés comme une spéculation accessoire en comparaison avec l’herbe destinée aux animaux d’élevage. Au début des années 1950, E. Van Cauwenberghe, professeur à l’école d’horticulture de Vilvorde, constate que « Le plus souvent, ces vergers considérés comme un à-côté sont mal établis ; leur entretien laisse à désirer, et leur rapport est inférieur à ce qu’il pourrait être… ». Il constate aussi que la valeur commerciale de cette production fruitière est faible.

À la fin de la décennie 1960, trois campagnes d’arrachage avec une prime insignifiante (300 puis 400 francs belges par arbre !) ont fait disparaître un grand nombre de ces vergers sans que cela ait eu d’effet sur le marché fruitier. Seuls sont restés des arbres appartenant à des variétés qui avaient encore une valeur commerciale. Et on a pu constater que la suppression des arbres améliorait parfois la production d’herbe de 20 à 30 %.

Le renouveau

À partir de 1975, au Centre de recherches agronomiques de Gembloux, Charles Populer a entamé un important travail de collecte, de conservation, d’évaluation et de sélection des anciennes variétés fruitières de notre pays, trouvées dans les collections, les jardins et les campagnes. Ces dernières, dites variétés « paysannes » ou « de terroir », constituaient les vergers haute-tige pâturés. Ce programme est toujours en cours ; à ce jour, plusieurs variétés fruitières anciennes issues de ces vergers sont diffusées sous le label « R.G.F. ».

Actuellement, l’implantation de vergers haute-tige dans nos campagnes est à l’ordre du jour dans différentes régions par des initiatives privées ou collectives d’associations, ainsi que dans le cadre de parcs naturels régionaux par exemple. Comme les choix opérés engagent pour de nombreuses années, il convient de mettre tous les atouts de son côté afin d’arriver à des résultats satisfaisants. Nous passerons ici en revue les éléments à prendre en compte pour que la création d’un pré-verger soit un succès.

Choisir un site

Dans les régions vallonnées on préférera les pentes exposées au Sud, au Sud-est ou au Sud-ouest ; les pentes exposées à l’Est seront réservées à des variétés à floraison tardive, et les pentes exposées à l’Ouest à des variétés peu sensibles aux maladies cryptogamiques (tavelure, moniliose…). Les pentes exposées au Nord sont à éviter, de même que des fonds où s’accumule de l’air froid et humide. L’importance du choix de l’exposition augmente avec l’altitude du site.

La qualité du sol est primordiale ; elle s’évaluera par un examen du profil jusqu’à un mètre de profondeur : épaisseur de la couche arable, nature du sous-sol, texture et structure, humidité et drainage naturel.

On fera faire également une analyse chimique : pH, taux d’humus, principaux ions. Cet examen permettra de connaître l’aptitude du site à recevoir des arbres fruitiers et quelles espèces préférer, ainsi que de définir les amendements et engrais à apporter.

De manière générale, les pommiers sont tolérants quant à la texture, et ils préfèrent un pH proche de la neutralité ; les poiriers préfèrent quant à eux un sol limoneux lourd dont le pH peut être légèrement alcalin. Pour les cerisiers et les noyers, on choisira un sol profond, très bien drainé, sans humidité stagnante, qui peut être calcaire. Les châtaigniers exigent un sol dont le pH est légèrement acide. Les pruniers sont l’espèce la plus tolérante tant en ce qui concerne la texture que le pH ; ils supportent aussi un sol peu profond, pour autant qu’il ne soit pas trop sec.

La longévité des arbres des différentes espèces fruitières dépend autant des caractéristiques du sol que des soins accordés. Les poiriers semblent pouvoir vivre nettement plus d’un siècle, tandis que les cerisiers en conditions optimales de sol et les pommiers atteignent ce cap ; les pruniers vieillissent nettement plus rapidement en raison des maladies cryptogamiques.

Définir un système et des distances de plantation

Le plus souvent, on constate que la plantation a été disposée en carré, afin de faciliter l’entretien du sol. Or, pour une densité de plantation équivalente, une plantation en quinconce, en triangles isocèles ou équilatéraux, assurent une meilleure utilisation de l’espace et un meilleur éclairement des couronnes. On choisira donc en connaissance de cause.

Les distances entre arbres dépendent de la finalité de la culture.

Tant que le pâturage reste l’objectif principal, il faudra adopter des distances plus grandes afin d’assurer un meilleur éclairement du sol et de sa couverture herbacée, et une moindre concurrence entre les arbres et l’herbe en ce qui concerne l’eau et les éléments minéraux. Dans ce cas, pour un verger haute-tige, la distance entre arbres sera de 15 m pour les pruniers, 18 à 20 m pour les poiriers et les cerisiers, et même 20 à 25 m pour les pommiers, les châtaigniers et les noyers. Pour un verger demi-tige, on adoptera une densité plus forte (+ 40 %) en réduisant les distances entre arbres de 20 %.

Si la production fruitière est l’objectif principal, les plantations se feront à plus courte distance, de façon qu’après une vingtaine d’années l’espace soit occupé de manière optimale. Dès lors, la distance entre arbres sera de 8 m pour les pruniers, 10 à 12 m pour les poiriers et les cerisiers, 10 à 14 m pour les pommiers et une quinzaine de mètres pour les châtaigniers et les noyers. Les premières années, le verger sera pâturé ou l’herbe sera fauchée et récoltée ; après une vingtaine d’années, l’herbe fauchée est laissée sur place comme mulch. Il faut penser aussi que les traitements phytosanitaires effectués sur les arbres compliquent l’utilisation de l’herbe comme aliment du bétail.

Bien préparer la plantation

Il convient de mettre tout en œuvre afin d’assurer une bonne reprise des arbres, puis une croissance satisfaisante. Ainsi, l’édification de la couronne sera plus rapide, et l’entrée en production plus précoce.

Il est connu et vérifié que des arbres plantés à racines nues avant l’hiver ont une reprise meilleure qu’en fin d’hiver et un meilleur développement la première année. En effet, dans un sol encore chaud et modérément humide, l’émission de radicelles commence plus tôt. La plantation en fin d’hiver n’est recommandée que si le terrain est lourd et/ou très humide.

Après avoir défini le plan de plantation et marqué exactement l’emplacement de chaque arbre, les fosses de plantation sont creusées, si possible longtemps à l’avance, aux dimensions 75 x 75 cm sur 50 à 75 cm de profondeur selon la nature du profil. On enlève séparément les plaques d’herbe, la terre de la couche arable puis celle du sous-sol. Ainsi, la terre pourra s’aérer et se fragmenter.

Puis on installe le ou les tuteurs (un seul ou trois en triangle) (voir encadré). Si les parois de la fosse sont lissées, ce qui est fréquent si on recourt à un engin mécanisé, il faudra les rendre rugueuses au moyen d’un croc.

Les parois et le fond sont ensuite garnis de treillis galvanisé à mailles de 13 à 15 mm qui fera obstacle pour les grands campagnols. Certains conseillent aussi de placer un treillis en surface après la plantation. En plus de quarante ans de pratique, nous n’avons jamais constaté d’attaque des racines par des grands campagnols entrés par la surface.

La terre extraite est additionnée si nécessaire de sable de rivière (en cas de texture trop argileuse) et/ou de chaux (en cas de pH trop bas), et dans tous les cas de compost (éviter le fumier frais). On y ajoute par fosse 300 à 600 g d’engrais composé N+P+K pour jardins (engrais pauvre en chlore et qui apporte aussi du soufre et de la magnésie). Une partie de la terre améliorée est versée dans la fosse en formant un cône.

Vérifier et planter les fruitiers

Lors de la livraison des arbres, on vérifiera le système radiculaire, qui doit être frais et sans fortes blessures, la rectitude et le diamètre du tronc, sans trop de cicatrices et sans plaies chancreuses, avec une écorce lisse, sans rides (=signes de dessèchement), et finalement un aspect sain et solide du ou des points de greffe.

La couronne aura de préférence deux ans : un bel axe et 4 à 5 futures charpentières de vigueur équivalente, bien ramifiées.

Si la plantation ne peut intervenir rapidement, les arbres seront mis en jauge en recouvrant les racines de terre humide.

Afin de placer l’arbre à une profondeur correcte, on utilisera comme repère une latte placée en travers de la fosse. Les racines sont habillées, c’est-à-dire que les parties blessées ou arrachées, ainsi que les racines trop longues sont coupées. Ensuite, on les plonge dans un « pralin » : mélange d’eau et de terre additionné de bouse de vache ou d’hormone d’enracinement.

L’arbre est installé dans le trou en étalant les racines sur le cône de terre. Pour les arbres greffés au pied, il faut placer le point de greffe au moins 10-15 cm au-dessus de la surface du sol, puis on comble la fosse avec de la terre émiettée en l’introduisant bien entre les racines, on affermit la surface, et avec la terre en excès, on forme un bourrelet qui facilitera ultérieurement les arrosages.

Si on ne dispose que de fumier frais non composté, il est déconseillé de le mélanger à la terre ; lors du comblement de la fosse, on placera alternativement des couches de terre et des couches de fumier.

Pailler, fixer et tailler

Un paillis (fumier pailleux, compost, broyat de branches) mis sur toute la surface de la fosse aidera à maintenir le sol frais. Ensuite le tronc est fixé fermement au(x) tuteur(s) afin d’éviter la transmission de vibrations de la couronne vers les racines, ce qui brise les nouvelles radicelles.

Les tiges doivent être blanchies afin de protéger leur écorce contre les coups de soleil. On utilise un mélange de chaux et soit d’argile, soit de colle à tapisser. Les troncs seront protégés soit par des corselets métalliques, des bambous ou du treillis placé autour de trois tuteurs.

Si elle n’a pas déjà été faite, après la plantation les arbres recevront une première taille qui vise à équilibrer la vigueur des charpentières et à garder un axe central ; on supprime les pousses inutiles ou concurrentes.

À suivre

Ir. André Sansdrap

Wépion

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