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Le prix des matières premières agricoles relativement stables à l’horizon 2025

Si la volatilité des prix des matières agricoles mine la trésorerie de nombreuses exploitations agricoles, les différents marchés semblent se stabiliser… L’occasion pour Bernard Kepenne, Chief economist de la CBC, de dresser les perspectives d’évolution des prix des principales matières agricoles à l’horizon 2025.

Temps de lecture : 6 min

Sur base de projections réalisées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), M. Kepenne nous livre ses analyses.

Le blé et le maïs

« Le blé, l’indicateur de référence pour les marchés, voit sa tendance en prix nominal en légère hausse à l’horizon 2025. En prix réel, cela se traduit par une stabilité totale du prix du blé et du maïs ! » Les projections montrent clairement une augmentation plus sensible de la production des pays émergents que celle des pays développés. Une tendance qui s’accentue et qui va encore s’accentuer dans les prochaines années.

Il l’explique par la hausse de production dans des pays comme l’Inde, la Chine et l’Argentine et la très grande difficulté de prévision sur l’évolution du blé au vu de la volatilité observée ces dernières années à cause des conditions climatiques.

« Autre élément : l’impact du change qui peut fondamentalement bouleverser les prévisions ! Ce dernier peut s’avérer plus important sur les exportations que l’impact du cours du blé… lui-même ! L’élément fondamental est donc la capacité d’une économie à être compétitive ! », explique l’économiste. Les projections sur la fluctuation du blé sont donc difficiles si l’on doit intégrer des facteurs qui vont de plus en plus peser sur les matières premières de manière générale.

En ce qui concerne le maïs, les projections restent relativement stables. La tendance est à la hausse de la production plutôt dans les pays industrialisés et notamment aux États-Unis, en Chine et au Brésil. Un lien assez net et assez important existe entre l’évolution du maïs et celle de la consommation animale puisque, selon la FAO, 60 % de la production sera utilisée dans cette finalité en 2025.

Quid du sucre ?

Le sucre est également une matière première qui a subi une correction de son prix de près de 40 % depuis le début 2017. C’est la perspective de la fin des quotas européens qui va entraîner une augmentation de la production de sucre en Europe de près de 20 %.

En regard aux projections faites aujourd’hui, les projections n’intègrent pourtant pas la baisse des prix à laquelle on a assisté. La cause ? D’une part, la fin des quotas pèse sur les prix européens ; d’autre part, l’économie brésilienne sort lentement de la récession. Or, la production de sucre issue de la canne représente 86 % de la production mondiale. Une reprise en Amérique du Sud se répercutera donc inévitablement sur les prix.

Troisième élément : la diminution globale de la consommation du sucre. « Pour la première fois, l’an dernier, les boissons gazeuses ont été moins consommées que les eaux aux États-Unis. Si cela semble anecdotique, la tendance montre une véritable préoccupation vis-à-vis de la consommation de sucre dans les pays industrialisés, qui risque de peser sur celle-ci.

Sur base de ces trois facteurs, Bernard Kepenne estime aujourd’hui que la correction des prix sera plus importante avec, à terme, une stabilisation de ceux-ci.

Par ailleurs, deux autres éléments vont se faire resentir sur l’évolution du prix du sucre : les accords commerciaux et les changements de politique européenne.

Marché de la viande

Et d’en venir sur le marché de la viande : « L’indice publié mensuellement par la FAO montre une tendance de reprise légèrement à la hausse des prix mais celle-ci se manifeste surtout en fonction de la qualité et du type de race. Cette reprise ne concerne donc pas toutes les races, et en particulier le Blanc-bleu belge, qui a un désavantage par rapport au marché de la viande aujourd’hui. En effet, les habitudes de consommation tendent vers la recherche d’autres types de viande ».

Par ailleurs, à l’horizon 2025, l’augmentation de la production de viande se fera ressentir surtout en Chine, aux États-Unis, au Brésil et en Inde puisque tout le poids de la production va se déplacer vers les pays émergents. Deux raisons : les Européens consomment moins de viande alors qu’une évolution des habitudes alimentaires est en marche dans les pays émergents.

« Une hausse globale de la production au niveau mondial va donc peser sur les prix. Raison pour laquelle, il ne faut pas s’attendre à une hausse au niveau des prix dans les années futures. »

La viande porcine sera exactement dans la même situation. Avec une très faible augmentation des prix. Même son de cloche pour les autres types de viande. « La seule façon de se distinguer sera sur la qualité du produit, c’est-à-dire la capacité de pouvoir attirer les nouveaux consommateurs sur un produit qui aura des valeurs ajoutées réelles », analyse M. Kepenne.

Qu’en est-il du lait ?

Si le secteur laitier est plus apaisé aujourd’hui, les indicateurs FAO du mois de juin montrent une hausse assez conséquente du prix au niveau mondial à l’horizon 2025. Les raisons ? La consommation et la demande importante pour le beurre et la poudre de lait avec une hausse de prix conséquente. Un phénomène qui trouve encore son origine dans les pays émergents. La modification des habitudes alimentaires devrait encore accentuer la tendance. Et c’est un petit soutien pour la filière laitière en Belgique et en Europe quand on voit les projections d’évolution des prix. Une légère tendance d’oscillation des prix se ferait ressentir en prix nominaux. Une fois l’inflation prise en compte, la hausse sera moins significative. C’est tout de même un petit signal positif par rapport aux années précédentes, où cette demande sur le beurre et sur la poudre de lait joue un rôle de soutien sur les prix au niveau mondial.

Des pays qui émergent

Pour l’orateur, la tendance est donc claire : « Il faut donc s’attendre à voir les pays émergents prendre du poids. Il va donc falloir faire face à une augmentation – mais également à une demande – conséquente de la production au niveau mondial… Et c’est là où l’on peut être relativement plus optimiste sur l’évolution des prix.

Toutefois, les risques de volatilité et de fluctuation des prix restent importants, d’autant que le facteur climatique et l’impact change vont à l’avenir de plus en plus peser sur ceux-ci.

« Globalement, nous sommes davantage dans un scénario de voir pour les années futures une stabilité avec une légère tendance haussière pour certaines matières premières. Nous ne sommes donc plus dans le scénario catastrophe que l’on a pu craindre et que l’on a déjà connu dans les années 2010 et avant », conclut l’économiste avant de préconiser à ceux qui en ont l’opportunité de rentrer dans le modèle des circuits courts pour lutter contre cette volatilité ».

P-Y L.

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