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Pluie d’ici pour l’eau de là

Elle est partie en mai et n’est toujours pas revenue. L’an dernier, elle nous a quittés en juin, et s’est repointée timidement en janvier. Elle n’est restée chez nous que quatre mois, au final… « Elle », c’est l’eau de notre ruisseau, un vrai personnage, une sentinelle qui nous indique la hauteur des nappes phréatiques. Et malgré les pluies abondantes de ces derniers jours, rien ne coule ni ne pleure dans son triste lit, encombré d’herbes et de fleurs.

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Elle est partie en mai et n’est toujours pas revenue. L’an dernier, elle nous a quittés en juin, et s’est repointée timidement en janvier. Elle n’est restée chez nous que quatre mois, au final… « Elle », c’est l’eau de notre ruisseau, un vrai personnage, une sentinelle qui nous indique la hauteur des nappes phréatiques. Et malgré les pluies abondantes de ces derniers jours, rien ne coule ni ne pleure dans son triste lit, encombré d’herbes et de fleurs.

En année normale, notre ruisseau donne toute l’année, avec un débit très faible entre le 15 août et la Toussaint. C’est dire le caractère exceptionnel du déficit d’eau actuel ! Quand on consulte le site de l’IRM, voilà ce qui est écrit à propos de la pluviométrie : « Août a été en moyenne relativement arrosé, avec une normale mensuelle d’eau recueillie qui s’élève à 69,6 mm pour Uccle ». Par contre, le cumul juin-juillet-août a été largement déficitaire, et que dire des treize derniers mois ! Seul avril s’est montré un tant soit peu généreux. Bref, résultat des courses, la Belgique semble avoir perdu ses eaux… La France aussi, de toute évidence : quand on consulte leur bulletin hydrogéologique, les triangles de couleur jaune pointés vers le bas indiquent sans équivoque la baisse continue du niveau des nappes phréatiques, chez nos voisins de l’Hexagone. Les niveaux sont qualifiés de « modérément bas », mais ne cessent de diminuer.

Soyons optimistes, la situation n’a rien d’alarmant, mais nous interpelle par son caractère répétitif, endémique depuis les années 2000. D’une manière générale, la répartition des pluies a changé. Il ne neige pratiquement plus en hiver, et par ailleurs, les précipitations sont davantage ponctuelles et très abondantes, avec des journées à 30 litres/mètre carré, suivies de semaines entières sans quasi rien. L’eau ruisselle et n’a pas le temps de s’infiltrer pour recharger les réserves souterraines, car au cours des siècles, nous avons asséché de nombreux marécages, sources d’approvisionnement des nappes phréatiques. Certes, les superficies forestières se sont accrues, surtout en Ardenne. Mais dans la région des hauts-plateaux, les eaux souterraines sont excessivement ferrugineuses, et nécessitent un traitement adéquat pour être rendues potables. De l’eau, oui, mais de la bonne, non…

De plus, les besoins en ce précieux liquide ne cessent de croître. Bien entendu, haro sur le baudet, l’agriculture est pointée du doigt, et particulièrement les élevages. Les lobbies anti-viande citent souvent le chiffre délirant de 1.540 litres d’eau exigés pour obtenir 100 grammes de steak. Or, de cette quantité effarante, il convient de retirer 1440 litres d’eau « verte », reçue par les terres agricoles et les prairies, et transformée en vapeur par la transpiration des plantes et l’évaporation du sol. Si on comptabilise généreusement l’eau « bleue » (55 litres), prélevée afin d’abreuver les animaux et irriguer les cultures fourragères, et l’eau « grise » (45 litres) nécessaire pour diluer les effluents, la facture en eau n’atteint plus que 100 litres/100 grammes de steak.

Par comparaison, un verre de bière « avale » 75 litres d’eau. Un adulte consomme environ 140 litres pour ses besoins quotidiens : son ménage, sa toilette, le WC, etc. WWF cite le chiffre à nouveau incroyable de 7.400 litres/jour/Belge, en comptabilisant toutes les consommations : industrielles, ménagères, alimentaires, transports, soit l’équivalent de 90 baignoires ! Il faudrait créer un Ministère de l’Eau, fédéral ou régional, pour remettre l’église au milieu du village et gérer au mieux toute cette problématique : gestion et exploitation des nappes souterraines, réseau de distribution, commercialisation, lutte contre le gaspillage, épuration des eaux usées, gestion des inondations et des sécheresses…

Actuellement, il existe Aquawal en Wallonie. Les compétences sont dispersées un peu partout. L’eau d’ici mérite toutes les attentions, au-delà de la banalité de son utilisation. Quand elle vient à manquer, on mesure toute son importance, toute sa qualité d’or bleu, vital pour notre survie…

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