À la ferme de l’Épinette, l’herbe donne le ton en toute saison
Au sein de la ferme de l’Épinette, le fourrage frais constitue l’un des piliers de l’alimentation des Normandes. Pour y parvenir, Arnaud et Jean-Marie Velghe ont mis en place un pâturage tournant dynamique. D’avril à novembre, les vaches profitent ainsi d’une herbe de qualité directement sur pied, tandis qu’en début et fin de saison, les éleveurs complètent par de l’affouragement en vert. Des pratiques qui leur permettent de produire un lait de qualité, dont une partie est transformée et vendue directement au magasin de l’exploitation.

C’est lors d’un « Tour de pâtures »
Une réflexion s’est aussi posée sur l’alimentation de leur bétail. « Nos vaches étaient dans le système maïs-soja. Lorsque je faisais venir le nutritionniste, il me disait toujours de rajouter un peu de foin. C’est pourquoi je me suis dit que j’allais me tourner vers une nourriture axée sur le foin et l’herbe », se souvient Arnaud Velghe.
En 2014, ils se lancent dans le pâturage tournant dynamique. D’abord, en parallèle avec le robot de traite. À cette époque, les vaches profitent de 12 ha, divisés en 21 parcelles. Elles restent sur l’une d’elles deux jours, avant d’y revenir 42 jours plus tard. « C’est le temps nécessaire à l’herbe pour arriver à son stade optimal, tant en qualité qu’en quantité ».
Toutefois, par la suite, les agriculteurs font marche arrière et décident de revenir à la salle de traite. Par ailleurs, ils élargissent le nombre de prairies et passent à 29 ha pâturables. On y trouve les prés en face de la ferme, où les vaches se rendent pendant la journée, tandis que la nuit, direction les prairies derrière l’exploitation.
L’affouragement en vert en début et fin de saison
Dans cette ferme, tout est dès lors pensé pour tirer le meilleur de l’herbe. L’objectif est d’y faire pâturer les vaches le plus longtemps possible. D’avril à novembre, elles sont dehors. Lorsque ce n’est pas possible, là encore l’idée est de valoriser un maximum le fourrage. En début et fin de saison, quotidiennement Arnaud va donc faucher dans les prairies afin de donner à son troupeau de l’affouragement en vert. L’herbe fauchée est directement ramenée à l’étable pour le plus grand plaisir des Normandes. « À l’hectare, c’est le système le plus efficace pour récolter un maximum d’énergie et de protéines de la parcelle. Il n’y a pas de gaspillage suite, par exemple, à un processus de fermentation quand on fait un silo », souligne Pieter Van Rumst, d’Obs’Herbe. Arnaud confirme : « Quand on vient de semer une prairie, il y a souvent un peu de tout lors de la première coupe. Lorsqu’on fauche et qu’on distribue en vert, la vache mange l’ensemble. C’est une matière fraîche et très appétente pour elle ».
Le bétail peut également profiter du foin, en mauvaise saison, dont une partie est séchée en grange. Pour les concentrés, les agriculteurs visent là aussi l’autonomie, grâce à un complément autoproduit. Une démarche cohérente, dans une ferme aux airs d’exploitation bio… ce qui n’est pourtant pas le cas. « Par exemple, on pourrait utiliser du chimique, mais on ne le fait pas. On ne met rien sur l’herbe », précise l’éleveur qui utilise le fumier et le lisier pour les cultures.
De la laiterie au magasin à la ferme
Et ces ingrédients portent leurs fruits. En effet, Arnaud Velghe l’assure : ses animaux sont en très bonne santé, et ici, les mammites se comptent sur les doigts de la main. De plus, ces techniques leur permettent de produire du lait de qualité. Le tout pour le plus grand plaisir des consommateurs qui peuvent aller chercher des produits directement à la ferme.
« Mon nutritionniste me disait que c’était dommage de ne pas valoriser mon lait. Après avoir suivi les formations nécessaires, en 2017, nous avons construit l’atelier de transformation. Un an plus tard, nous avons pu commercialiser du beurre, des fromages, yaourts, glaces, desserts, dans notre magasin ». De la viande aussi, puisque presque toutes les vaches réformées y sont proposées en colis.
Une vente directe qui représente 80 % de leur revenu, avec 40 à 50 % du lait vendu sous cette forme. Le reste part, lui, à la laiterie Milcobel. « Garder la laiterie me permet d’avoir une roue de secours les jours durant lesquels nous ne transformons pas comme lors des week-ends ».
Travailler sur la qualité des chemins empruntés par les animaux
Malgré cela, la ferme de l’Épinette souhaite encore progresser. Notamment en améliorant les chemins empruntés par les vaches. En terre, ces derniers peuvent rapidement se détériorer lorsque la météo se gâte. En les réaménageant, les bovins pourraient potentiellement pâturer une soixantaine de jours supplémentaires.
Néanmoins, refaire ces voies n’est pas une mince affaire. Les chemins, ça s’étudie, comme l’a justement rappelé Pieter Van Rumst. Il faut tenir compte des passages des animaux, sans oublier ceux d’éventuels engins agricoles. Ces éléments détermineront notamment la largeur des chemins et la nature du sol à prévoir. « La vitesse de travail peut être accélérée avec de bons chemins. Celle d’une vache peut même doubler s’ils sont de bonne qualité. Puis, cela leur permet une meilleure mobilité et limite l’impact sur leurs pattes », ajoute l’expert.
Il poursuit : « C’est plus vite rentabilisé qu’on ne le pense. Pour une infrastructure de pâturage, environ 50 % des investissements sont consacrés aux chemins. La deuxième charge concerne l’abreuvement, puis, bien entendu, les clôtures. »
Béton, dalles… plusieurs solutions existent. L’un des participants à ce Tour de pâtures mise même sur de la terre chaulée depuis 15 ans, pour sa plus grande satisfaction.
Notons également qu’en Irlande, des études ont été menées afin d’estimer les distances parcourues par les vaches dans un système de deux traites quotidiennes. Résultat ? Certaines, apparemment très sportives, ont marché jusqu’à 11.000 km en un an. Ces recherches ont aussi montré que jusqu’à 6 km parcourus par jour n’avaient aucun impact sur la production laitière. Bien sûr, certains facteurs doivent être pris en compte, comme le dénivelé… et, bien sûr, la qualité des chemins empruntés.