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Les betteraviers, propriétaires d’une nouvelle sucrerie super performante à Seneffe? L’heure est venue pour les producteurs de s’engager!

Une coopérative aux mains des agriculteurs, une distance moyenne de 42 km pour l’approvisionner, 1.500.000 t de betteraves traitées, 2.000 planteurs, 213 millions d’euros d’emprunt sur un investissement de 300 millions d’euros, la création de 90 emplois directs et plus de 300 indirects, quelque 20.000 ha de culture supplémentaires, l’incorporation de la marge de la transformation dans le prix d’achat des betteraves… sous le regard très positif du gouvernement wallon ! Voilà comment se profile ce projet initié par l’ABW. Pour les fonds propres, l’appel à participation financière est lancé aux agriculteurs, condition sine qua non à la construction de cette sucrerie « par des agriculteurs et pour des agriculteurs » !

Temps de lecture : 9 min

Depuis quelques mois, les campagnes bruissent de rumeurs et autres supputations quant à la construction d’une nouvelle sucrerie en Wallonie… par et pour les betteraviers en Wallonie. Un an après le début de leur étude, l’heure est venue pour les porteurs du projet, dirigeants de l’Association wallonne des betteraviers, Jean-Jo Rigo, David Jonckheere et Michel Pecquereau, de faire toute la clarté sur cette « révolution » dans le secteur sucrier belge. « Cette initiative ne vient pas en opposition aux groupes industriels en place, mais entend permettre aux planteurs de prendre part à la plus-value de la transformation de leurs betteraves ! » Une révolution, on vous le dit !

Pour les agriculteurs

Jean-Jo Rigo : « Pour cette nouvelle usine, l’ABW recherche 20.000 ha de betteraves supplémentaires en Wallonie. Nous sommes des champions de cette culture en Europe, nous avons la garantie de pouvoir fournir une production homogène au fil du temps même dans le contexte du réchauffement climatique. Nous souhaitons pérenniser et revaloriser la culture betteravière et espérons aussi que ce projet très ambitieux donnera un coup de pouce à la rentabilité chez nos voisins et pourquoi pas aussi celle des autres cultures. C’est peut-être un peu idéaliste mais est-ce un mal ? »

Ce lundi à Nivelles, le moment était venu de la première présentation officielle de ce projet de construction et d’exploitation d’une nouvelle sucrerie à Seneffe. Les quelque 500 agriculteurs qui s’étaient déplacés pour l’occasion n’ont pas été déçus !

Pérenniser la culture !

« Pour préserver un avenir à nos betteraviers, il faut pouvoir leur assurer une rémunération attractive, impliquant des usines pérennes, performantes… et partageant la valeur ajoutée de la transformation.»

Jean-Jo Rigo: «L’Abw s’est investie complètement dans ce projet extraordinaire. Aux producteurs désormais de s’exprimer!»
Jean-Jo Rigo: «L’Abw s’est investie complètement dans ce projet extraordinaire. Aux producteurs désormais de s’exprimer!» - M. de N.

Voilà pourquoi l’ABW a décidé d’étudier la possibilité de mieux rencontrer ces conditions en construisant et en exploitant directement une nouvelle usine. « L’objet est donc de proposer aux planteurs d’être propriétaires de l’outil de transformation de leurs propres betteraves. » Pour réaliser une étude d’une telle ampleur, l’association a fait appel à un bureau de consultance en stratégie et finance, Innovity, basé à Louvain-la-Neuve. Plusieurs personnes s’y déploient à temps plein, sous la direction de Jean-François Gosse.

Tensions inédites

L’abandon des quotas, effectif depuis le 1er octobre, accentue le processus de libéralisation et ouvre un nouveau champ concurrentiel dans le secteur sucrier. « On le constate déjà aujourd’hui : anticipant cette absence de contrainte, les volumes contractés entre planteurs et industriels sont en hausse de 15 % (qui pourraient découler en une hausse de production de 20 % en raison d’une météo favorable), les « frontières » entre Etats-membres sont ouvertes, le prix du sucre baissier se montre encore plus volatil, la concurrence commerciale se durcit entre industriels… et, phénomène nouveau, les rapports entre planteurs et sucriers se tendent de manière significative », observe M. Gosse.

Aux mains des agriculteurs, hyper performant et un meilleur prix

L’association des betteraviers wallons a posé au consultant Innovity trois conditions impératives au lancement de ce projet.

1. L’actionnaire majoritaire de la nouvelle usine doit être une coopérative agricole ;

2. La nouvelle sucrerie doit être la plus performante possible sur les plans économique – de manière à résister aux deux grands risques que sont la baisse du prix du sucre et/ou la hausse du prix de l’énergie – mais aussi environnemental.

3. Le nouvel outil n’a pas vocation à maximiser son profit pour ses actionnaires, mais doit conserver une partie limitée de ses bénéfices par prudence et pour permettre des investissements complémentaires… et doit intégrer dans le prix d’achat de la betterave tout le solde de sa marge de transformation des racines en sucre.

Le feu est vert pour ces trois conditions.

Et Jean-François Gosse d’éclairer les réponses positives apportées à ces trois conditions !

1. Coopérative  : la forme coopérative de transformation à l’échelle industrielle n’est pas courante en Belgique mais est le modèle historiquement dominant dans les pays qui nous entourent : Tereos, nº1 en France et nº3 en Europe voit ses activités en France directement détenues par 12.000 planteurs ; chez Cristal Union, nº2 en France et nº5 en Europe, 10.000 betteraviers sont impliqués dans la structure du groupe ; seul acteur hollandais, Suiker-Unie est un groupe industriel super performant, filial de Royal Cosun, coopérative de 10.000 agriculteurs. Cette présence forte fait que les coopératives traditionnelles pures représentent un peu plus du quart de la production européenne. On peut ajouter que les coopératives mixtes allemandes Südzucker et Nordzucker sont cotés en bourse mais détenues à majorité par des agriculteurs et représentent aussi près de 40 % de la production européenne.

2. L’usine la plus performante sur les plans économique et environnemental  : cela pose 3 questions : quelle est la capacité nominale de l’usine, c’est-à-dire la quantité de betteraves traitées par jour permettant de gérer au mieux les coûts ; quelle sera la localisation ? quelles sont les technologies à mettre en œuvre ?

La conception de l’usine a été confiée De Smet Engineers & Contractors, ensemblier industriel de projets clés en main. Une sucrerie sur deux dans le monde a été dessinée et construite sous sa responsabilité !

a) Pour établir la capacité nom inale de l’usine, le point central c’est la diffusion : 14.000 tonnes de betteraves par jour sont l’idéal pour minimiser les coûts de production du sucre. Cela signifie un volume de 1.500.000 t de betteraves pour 100 jours de campagne (cette durée n’est pas figée dans le marbre) sur la base d’une tare terre de 6 %.

L’usine en projet produira du sucre, des coproduits et zéro déchet, à savoir très concrètement : 223.000 t de sucre, 25.000 t de mélasse, 46.000 t de pulpes séchées, 75.000 t de pulpes surpressées, 30.000 t de radicelles, 47.000 tonnes d’écumes et 89.000 t de terres et pierres. Le projet a en effet l’ambition de sécher 70 % des pulpes grâce à un procédé particulièrement économique.

Pour donner un ordre de grandeur, la dimension de la nouvelle usine serait similaire à celle de la sucrerie de Fontenoy.

Jean-François Gosse (Innovity): «L’usine projetée à Seneffe est un bijou de technologie éprouvée et bénéficie d’une implantation  absolument idéale.»
Jean-François Gosse (Innovity): «L’usine projetée à Seneffe est un bijou de technologie éprouvée et bénéficie d’une implantation absolument idéale.» - M. de N.

À Seneffe, au cœur du Hainaut !

La localisation doit répondre idéalement à trois contraintes : limiter les coûts du transport, disposer de modalités agréables autour du site et enfin disposer d’un d’approvisionnement énergétique efficace.

« Le transport est une donnée majeure sur le plan économique et environnemental : c’est le 2e coût le plus important (8,9 millions d’euros) de l’usine projetée après l’achat des betteraves. Distance d’approvisionnement moyenne : une quarantaine de km pour l’usine projetée, contre 50 km pour la RT et 65 km pour Iscal », poursuit M. Gosse.

Sur la base de ces trois critères, l’usine s’étendrait sur 14 ha de terrain industriel dans le zoning de Seneffe-Manage qui dispose de trois atouts majeurs au-delà de l’absence d’habitations proches ;

– à 2 km d’un quai de déchargement public, sur le canal Bruxelles-Charleroi qui peut potentiellement optimiser le transport des pierres à chaux et du coke ;

– à 10 km de la plateforme Garocentre trimodal (un grand canal, 2 voies ferrées et une voie routière), optimale pour les expéditions par containers : des péniches partent 3x par semaine vers Anvers, ville centrale dans l’exportation du sucre ; un accès au rail, également utilisé pour le transport du sucre ;

– à proximité immédiate de la E42 et à proximité ;

– à 3 km de la canalisation mère de Fluxis (utile pour le process industriel retenu qui nécessite du gaz à haute pression).

Les meilleures parmi les technologies éprouvées

Retenues avec toute l’expertise de la société De Smet Engineers & Contractors, ensemblier industriel de projets clé-en-main dans les domaines agro-industriels du sucre notamment, l’usine fera la différence à travers quatre caractéristiques majeures : une centrale de cogénération de type turbine-gaz-capeur (TGV), pression : 60 bars, produisant des calories et de l’électicité ; un sécheur de pulpes à vapeur pour 70 % des pulpes ; des capacités de stockage énormes = 80 % de la production de sucre, soit 130.000 t ; et enfin, une mini-campagne pour 25 % du sucre (jus dense).

« D’où une consommation d’énergie significativement plus faible que celle des meilleures sucreries, et en plus, l’usine de Seneffe séchera les pulpes. Concrètement, elle ne consommera que 674 kwh par tonne de sucre produit ! »

La société De Smet estime le coût de la construction de l’usine à 286 millions d’euros, auquel il faut ajouter les coûts d’acquisition des terrains, l’équipe en charge du projet et de son suivi, les investissements périphériques, etc.

Pour établir le prix d’achat de la betterave, « on a travaillé à l’envers par rapport à un business plan classique » ; c’est la variable de sortie.

Avec la possible entrée au jeu d’un 3
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 acteur industriel, sous la forme d’une coopérative agricole, une véritable révolution se présente dans le paysage betteravier belge. La balle est dans le camp des producteurs. Comme on dit en rugby, il leur revient maintenant de transformer l’essai !
Avec la possible entrée au jeu d’un 3 e acteur industriel, sous la forme d’une coopérative agricole, une véritable révolution se présente dans le paysage betteravier belge. La balle est dans le camp des producteurs. Comme on dit en rugby, il leur revient maintenant de transformer l’essai ! - M. de N.

Et voici la proposition de participation !

En cette fin décembre, l’Abw invite les producteurs à s’exprimer, à ce stade, sans le moindre engagement, sur leur intérêt pour ce projet et le cas échéant sur leur intention d’y participer financièrement. De cet intérêt et de l’engagement qui seront signifiés par les agriculteurs dépend l’issue du projet : arrêt ou poursuite et construction de la nouvelle sucrerie ! L’enjeu est de taille ! C’est au courant du mois de mars 2018, que sera déjà prise cette décision majeure

Dans l’avant-projet de la structure de contrôle et de financement, le pacte d’actionnaires se présente comme suit :

1.  L’actionnaire principal, la Coopérative agricole SCTC (société coopérative de transformation et commercialisation) qui : fondateurs (parts A) ; Livranciers (parts B) ; tout agriculteur et association agricole (part C). Minimum 45 millions d’euros et minimum 55 % du capital  ;

2. Les Autres actionnaires  : prioritairement publics (Société régionale d’investissement de Wallonie, Invest, Banque européenne d’investissement) ; très minoritairement privés, oui si stratégiques. Minimum 30 millions d’euros, maximum 45 % du capital .

Concrètement, la Coopérative agricole SCTC et les Autres actionnaires apporteraient respectivement quelque 60 % et 40 % du capital minimum de 75 millions d’euros à la Société anonyme « Wall Sugar » Sucrerie de Seneffe .

Par ailleurs, un pool bancaire apporterait le complément sous la forme d’un crédit d’investissement de maximum 225 millions d’euros + le crédit d’exploitation.

Également dans cet avant-projet, les catégories de parts de la coopérative agricole SCTC proposées aujourd’hui s’articulent comme suit :

1.   Part A = fondateurs = droit d’entrée : 1 part unique de 2.000 euros proposée à tous les agriculteurs, remboursable par la Région wallonne pour les betteraviers wallons (selon modalités, dans le cadre du soutien mis en place à la création de coopératives de transformation et de commercialisation de produits agricoles). Attribue un droit de vote et un dividende A, mais pas de contrat de livraison. L’objectif visé : récolter 5 millions d’euros via 2.500 agriculteurs.

2.   Part B = livranciers à Seneffe  : leur acquisition nécessite d’avoir souscrit 1 part A. Pour tous les agriculteurs. X (minimum 3) parts de 3.000 euros. Attribue un droit de vote, un contrat de livraison de betteraves (100 tonnes par part), mais pas de dividende. L’objectif visé : recueillir 45 millions d’euros, pour 1,5 million de tonnes de betteraves.

3.  Part C = autres actionnaires  : leur acquisition requiert d’avoir souscrit 1 part A. X parts de 1.000 euros. Pour tous les agriculteurs et associations exclusivement composées d’agriculteurs. Cumulables avec des parts B. Attribue un droit de vote, un dividende C, mais pas de contrat de livraison. L’objectif visé : 5 millions d’euros.

Pour plus d’informations sur le projet et la proposition de participation au financement : abwserres@innovity.net.

Propos recueillis par M. de N.

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