La réduction des volumes betteraviers questionne les députés wallons
La décision de la Raffinerie tirlemontoise de diminuer de 25 % les volumes contractuels pour 2026 a suscité deux interpellations au parlement wallon. Entre volatilité du marché mondial, décisions européennes contestées et absence de mécanismes de stabilisation, la culture de la betterave se retrouve à un moment critique.
Mi-novembre, la Raffinerie tirlemontoise a annoncé qu’elle réduirait d’un quart les quantités prévues dans les contrats 2026. L’annonce tombe alors que les assolements sont déjà arrêtés et que les terres ont été préparées, ce qui limite fortement la capacité d’adaptation des planteurs. Beaucoup s’inquiètent d’un effet domino dans leurs plans de culture. Cette décision s’inscrit dans une tendance déjà perceptible : en 2025, les surfaces betteravières avaient reculé de 14 % par rapport à l’année précédente. L’entreprise évoque un rendement exceptionnel lors de la dernière campagne, l’augmentation des importations autorisées par l’UE et un marché mondial durablement déprimé, où les prix du sucre se situent bien en dessous des niveaux européens.
Un marché européen sous pression
Les producteurs wallons se montrent toutefois sceptiques face à cette justification. L’Association des betteraviers wallons rappelle que le marché européen repose sur un équilibre fragile : dès que l’UE bascule en situation exportatrice, elle doit écouler ses volumes excédentaires au prix mondial, nettement inférieur, ce qui pèse mécaniquement sur le sucre européen. Les importations à droits nuls décidées par la commission, tout comme les taxes américaines imposées au sucre européen, accentuent cette pression. Pour les planteurs, cette dynamique illustre une fragilité croissante d’une culture pourtant structurante dans l’agriculture wallonne depuis le XIXᵉ siècle.
Des interpellations politiques révélatrices d’un malaise profond
Dans ce contexte, les députées libérales Véronique Durenne et Caroline Cassart-Mailleux ont interrogé, le 25 novembre, la ministre Anne-Catherine Dalcq, sur les conséquences de la décision de Tirlemont et les marges d’action disponibles. Toutes deux ont voulu comprendre comment la Wallonie compte réagir dans un secteur déjà éprouvé par plusieurs années d’incertitudes. La simultanéité des deux interpellations témoigne de la gravité de la situation : au-delà des enjeux économiques immédiats, c’est la pérennité d’une filière entière qui se trouve questionnée.
Dans sa réponse, la ministre dit « déplorer une situation difficile, qui s’ajoute à d’autres crises agricoles », rappelant que les exploitations doivent revoir leurs plans de culture à un moment peu propice, les autres productions de printemps ou d’hiver n’offrant guère de perspectives plus favorables. Elle insiste surtout sur les limites du cadre européen. Le sucre ne bénéficie d’aucun mécanisme d’intervention : ni stockage public, ni stockage privé, ni seuil de soutien des prix. Les articles 219 et 222 de l’OCM, qui permettent d’agir en cas de crise majeure, n’ont été activés qu’une seule fois depuis leur création, lors de la crise laitière de 2016. La filière betteravière reste donc largement exposée aux fluctuations du marché mondial.
Des pistes régionales encore à préciser
Interrogée sur une éventuelle démarche au niveau européen, Mme Dalcq s’est montrée prudente. Elle dit privilégier un travail de fond visant à renforcer la résilience du secteur, en encourageant des filières plus intégrées, des débouchés mieux valorisés et des transformations locales capables de capter davantage de valeur ajoutée.
Ces pistes esquissent une réorientation possible, mais ne répondent pas immédiatement aux inquiétudes des producteurs, qui s’attendent à une campagne 2026 marquée par des arbitrages difficiles dans un marché toujours plus instable. La betterave, longtemps pilier du modèle agricole wallon, se retrouve ainsi à un moment charnière, suspendue entre décisions industrielles et contraintes européennes.
Marie-France Vienne