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Pâturage et fenaison rythment l’été, pour disposer d’une alimentation de qualité

Au cœur de la Lorraine belge, Thierry et Patricia Fagneray élèvent des vaches Holstein et Blanc-Bleu Belge sur une surface de 95 ha environ, dont 75 ha de prairies pâturées et fauchées. Possédant leur propre matériel de fenaison et pratiquant le pâturage tournant, ils veillent à ce que leur bétail profite toujours d’une herbe appétente. Un travail quotidien durant la saison estivale, mais qui leur permet de traire un lait de qualité et bon marché.

Temps de lecture : 8 min

Vingt ans déjà… », sourit Thierry Fagneray, éleveur laitier et viandeux, en se remémorant son arrivée à la tête de l’exploitation familiale établie depuis 1902 à Attert, à quelques kilomètres d’Arlon. C’est en effet en 1998 qu’accompagné de son épouse, Patricia, il succède à ses parents et prend les rênes d’un troupeau Blanc-Bleu mixte.

Depuis, la ferme a évolué au gré de quelques investissements, tout en conservant sa philosophie et sa taille humaine. Le cheptel mixte a quant à lui progressivement cédé sa place à deux troupeaux, un laitier Holstein et un viandeux Blanc-Bleu Belge (60 vêlages/an).

Holstein et BBB à la traite

Une séparation qui n’empêche cependant pas le couple de traire toutes les femelles qui peuvent l’être, BBB y compris. Ainsi, la production annuelle atteint 450.000 l de lait, livrés à la Laiterie des Ardennes, auxquels s’ajoutent environ 50.000 l destinés au nourrissage des veaux. En effet, ceux-ci sont sevrés à la naissance et nourris au lait entier, d’abord au biberon, ensuite au seau. « De cette manière, le retour en chaleur des femelles est plus rapide », observe Thierry, qui possède un intervalle de vêlage inférieur à la moyenne wallonne. Le contrôle des veaux est également meilleur.

Pour les Holstein, le couple a opté pour une stabulation libre sur paille avec logettes et couloir d’alimentation au cornadis.
Pour les Holstein, le couple a opté pour une stabulation libre sur paille avec logettes et couloir d’alimentation au cornadis. - J.V.

Toutefois, si les 75 laitières Holstein sont traites tout au long de l’année, il n’en va pas de même pour les BBB. Celles-ci ne passent par la salle de traite que durant la saison estivale de pâturage, portant à 95 environ le nombre d’animaux traits. En hiver, elles sont les premières à être taries, principalement pour des raisons pratiques dictées par la taille et la disposition des étables.

« Traire des femelles Blanc-Bleu peut paraître original, mais le revenu que nous procure leur lait nous permet de bénéficier, en quelque sorte, d’une seconde prime », explique-t-il.

Insémination maison

Sur le plan génétique, les laitières et les viandeuses sont inséminées par l’éleveur lui-même dès détection des chaleurs. Son objectif n’est pas de maximiser sa production ni d’avoir des animaux de concours, mais bien d’élever des vaches facilement gestantes, bien sur leurs pattes et pratiques. « Tant dans la sélection que dans notre travail, nous souhaitons privilégier le confort des animaux, et le nôtre », précise Patricia. Les femelles ne sont présentées au taureau qu’en cas d’échec ou d’incertitude quant au résultat de l’insémination.

Confrontés voici quelques années à la présence trop importante d’animaux de relève dans leur troupeau laitier, Thierry et Patricia se sont également tournés vers les croisements Holstein/BBB. L’intérêt de la technique est double : d’une part, réduire le cheptel de renouvellement ; d’autre part, tirer un revenu supplémentaire des veaux nés sur l’exploitation.

« Nous souhaitons privilégier le confort des animaux, mais aussi le nôtre. »

De leur côté, les BBB ne sont pas engraissés sur l’exploitation, mais revendus comme bétail maigre.

Ration mélangée… par le bétail

Pour gagner en indépendance et en flexibilité, Thierry ne se limite pas à inséminer lui-même ses bêtes. Il produit également une grande partie de leur alimentation et compose leurs rations. Toutes les productions de la ferme sont donc destinées au bétail.

La ration hivernale des laitières est constituée d’ensilage d’herbe (silo couloir ou enrubanné), d’ensilage de maïs, de drèches de brasserie, de céréales aplaties (froment, orge, avoine et épeautre) et, certaines années, de pulpes de betteraves. À cela s’ajoute un concentré protéique (22 %) distribué en salle de traite par le trayeur. De la paille est également disponible dans les logettes de l’étable.

La ration des Blanc-Bleu est plus simple. Elle intègre du foin, de l’ensilage d’herbe, des céréales aplaties et de la paille à volonté.

Durant leurs premiers jours, les veaux sont nourris au lait. Une tâche pour laquelle Thierry peut compter sur l’aide de sa sœur et de sa maman.
Durant leurs premiers jours, les veaux sont nourris au lait. Une tâche pour laquelle Thierry peut compter sur l’aide de sa sœur et de sa maman. - J.V.

Herbe et céréales sont, en très grande partie, produites sur l’exploitation ; les quantités qui viendraient à manquer sont achetées dans la région. « À intervalle régulier, nous faisons appel au service d’un camion-aplatisseur qui vient sur la ferme. Les céréales sont ainsi aplaties et mélangées selon nos souhaits, à la carte », explique l’éleveur. Le maïs est majoritairement produit sur l’exploitation. A contrario, la paille est quasi exclusivement achetée, au vu du faible emblavement en céréales.

Le couple ne dispose pas de mélangeuse et distribue les rations hivernales au bac distributeur, en plusieurs passages. « Les animaux font le mélange eux-mêmes et nous ne constatons aucun refus », ajoute Patricia.

En été, du lait moins coûteux

Dès que possible, généralement aux alentours du 1er  mai, tout le bétail est en extérieur, sauf les jeunes veaux qui sont encore alimentés en intérieur. Les animaux sont répartis en différents lots (laitières, viandeuses, génisses pleines ou non…) puis lâchés en pâture. La ration, identique pour les laitières et les viandeuses, se compose alors de l’herbe pâturée et d’un concentré à 15 % de protéines distribué en salle de traite, sans passage par les étables. Le lait produit en été est donc moins coûteux qu’en hiver. Toutefois, sa composition est plus variable et dépend de l’herbe ingérée.

« La transition de l’étable à la prairie est très rapide, même si la ration n’intègre plus de maïs. Une fois que les vaches ont goûté l’herbe, elles ne peuvent plus s’en passer. »

Thierry et Patricia disposent de 75 ha de prairie, dont 65 ha autour de leur exploitation. Ils y pratiquent le pâturage tournant tout au long de la saison. Les lots changent de parcelles selon la variation de production laitière mais aussi en fonction de la croissance et de l’appétence de l’herbe. « Certaines années, en cas de sécheresse ou, au contraire, d’humidité excessive, la gestion du pâturage s’avère plus compliquée. La ration doit parfois être complémentée avec de l’enrubanné », détaille l’éleveur.

« En été, le pâturage suffit largement à produire un lait de qualité. »

La saison de pâturage se termine fin octobre – début novembre, lorsque les conditions météorologiques ne sont plus favorables. Le bétail retourne alors dans les étables pour quelques mois.

Avec leur propre matériel de fenaison

La gestion des prairies étant la clé d’une production laitière de qualité et raisonnablement coûteuse, elle demande rigueur, organisation et flexibilité. C’est pourquoi le couple dispose de tout le matériel nécessaire pour travailler aux moments opportuns et stocker des fourrages de qualité : faucheuse, faneuse, andaineur, presse et enrubanneuse. L’entrepreneur n’est appelé qu’au moment de la première coupe, afin de réaliser le silo couloir, ou en cas de surcharge de travail.

« Notre matériel n’est peut-être pas de première jeunesse, mais nous pouvons faucher et enrubanner sans attendre, soit quand la météo le permet, soit dès que cela s’avère nécessaire », explique Thierry. Ainsi, s’il observe une différence de hauteur d’herbe ou d’appétence sur une parcelle, la partie la plus haute ou la moins appétée sera fauchée et enrubannée. Le stock de fourrage se reconstitue alors petit à petit et, surtout, le bétail dispose à nouveau d’une herbe de qualité. « Si on ne doit faire qu’une dizaine de balles, on les fera. Alors qu’il est plus compliqué de faire appel à un entrepreneur pour un petit travail comme celui-là. »

L’exploitation Fagneray est entourée de 65
ha de prairie, une certaine facilité pour le pâturage.
L’exploitation Fagneray est entourée de 65 ha de prairie, une certaine facilité pour le pâturage. - Google Maps

Chaque parcelle herbagère est gérée en fonction de sa proximité avec la ferme. Les plus proches ne sont fauchées qu’une fois avant d’être pâturées, au vu du chargement en bétail. Les parcelles plus éloignées connaissent une 2e et une 3e  coupe pour l’enrubannage, un mode de conservation qu’affectionne le couple pour sa flexibilité. « Il est plus facile et judicieux d’entamer une balle qu’un silo lorsque la ration ne doit être complémentée que temporairement. »

Les refus sont très rares, probablement en raison du chargement, au point que la faucheuse de refus a été revendue voici plusieurs années. « S’il le faut, nous avons toujours un lot de vaches taries qui pourra « nettoyer » la parcelle avant l’arrivée des laitières », ajoute Patricia.

Enfin, la fertilisation des prairies est à la fois minérale (azote sous forme de granulés) et organique (fumier frais et composté). Elle se fait avec le matériel d’épandage de l’exploitation. L’ébousage n’est lui réalisé que si la météo le permet.

Aux 75 ha de prairies exploités, s’ajoutent encore une petite dizaine d’ha de maïs et 6 à 8 ha de céréales. Ici encore, les semis et les traitements phyto sont réalisés par l’exploitant ; les récoltes sont, elles, déléguées à un entrepreneur.

Vers une production fromagère ?

Afin de faciliter leur quotidien, Thierry et Patricia envisagent quelques petits travaux sur leur exploitation. Après avoir installé une salle de traite en épi (2 X 8) et un refroidisseur de 5.000 l voici trois ans, ils souhaiteraient maintenant agrandir l’étable destinée aux laitières. Cette extension accueillerait les femelles BBB, ce qui permettrait de les traire également durant l’hiver mais aussi de rassembler une part plus importante du bétail en un seul endroit.

En hiver, lorsque tous les animaux sont dans les étables, le travail ne manque pas...
En hiver, lorsque tous les animaux sont dans les étables, le travail ne manque pas... - J.V.

Avec d’autres éleveurs laitiers de la Vallée de l’Attert, ils envisagent également de créer une coopérative fromagère afin de se réapproprier, au moins en partie, leur production. Le projet n’est actuellement qu’au stade de la réflexion, mais est suffisamment avancé que pour avoir reçu le soutien de l’administration communale d’Attert, ce qui devrait faciliter leurs démarches.

J.V.

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