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L’herbe, une culture comme les autres!

Base de bon nombre d’élevages wallons, le pâturage n’est pas toujours considéré comme une culture à part entière. Pourtant, au même titre que les céréales, les prairies peuvent être optimisées afin d’atteindre une rentabilité maximale. C’est dans cette optique que Sébastien Demoitié, éleveur à Ouffet, a invité Shane Bailey, consultant en pâturage chez PâtureSens (France).

Temps de lecture : 5 min

Quelques éleveurs spécialisés ont ainsi eu l’opportunité d’écouter Shane Bailey leur expliquer durant une journée les principes de base de la gestion de l’herbe et des prairies, et leur prodiguer des conseils sur la conduite optimale des pâturages.

La règle principale consiste à s’inspirer du modèle naturel. Comment les vaches pâtureraient-elles si elles étaient laissées en liberté ? Il peut être difficile de s’imaginer des vaches en liberté, mais dès lors qu’on pense aux bisons, cela paraît plus sensé. On assisterait à un pâturage intensif, avec une circulation du troupeau en fonction du développement de la végétation. En effet, les animaux chercheront toujours à consommer une jeune herbe, qui est à la fois riche et appétente.

L’animal, sous-produit de l’herbe

Dans une gestion de pâturage, c’est toujours la plante qui est au cœur du système et non l’animal. L’important est donc de favoriser au mieux l’herbe, et pas la vache. L’herbe est une culture à part entière que l’on se doit de considérer comme telle. Avec une bonne gestion, il est possible de ne jamais avoir besoin de ressemer sa prairie. La difficulté est de se rendre compte que l’animal est un sous-produit de l’herbe. En conséquence, si la prairie se porte bien, l’animal évoluera bien également.

La taille des lots n’a aucune espèce d’importance sur le pâturage, le seul facteur limitant se retrouve dans le parcellaire : si celui-ci est trop morcelé, avec des parcelles éloignées les unes des autres, il sera difficile d’établir un plan correct de pâturage. L’exemple de la Nouvelle-Zélande, où 1 UTH suffit pour s’occuper de 1000 UGB, est représentatif de ce fait.

L’herbe est néanmoins une culture compliquée qu’on a tendance à sous-estimer. Elle demande beaucoup de technicité, de l’attention, et des prévisions. Il faut vite se rendre compte lorsque celle-ci sèche trop vite ou trop lentement, afin de réagir en conséquence. La valorisation de l’herbe ne se joue pas au déficit mais à l’excès.

La planification est le plus difficile à appréhender, surtout au début. Il faut essayer de prévoir une courbe de climat afin de planifier une date de sevrage théorique qui permettra de répondre aux besoins des vaches au bon moment grâce à une phase de croissance idéale de la prairie. Il faut toujours se donner de l’avance en planifiant très tôt puis en analysant la prairie lorsqu’on se rapproche de la date butoir.

Le cycle de l’herbe

La croissance de la plante se déroule en trois phases.

 Phase 1  : la croissance est lente, la digestibilité élevée, et la teneur en lignine est faible. Cette phase dure entre 1 et 5 jours. Les animaux vont très bien pâturer. Cependant, laisser les animaux manger les plantes en phase 1 est très néfaste à la prairie car celles-ci se retrouvent sans réserves ni capacité de réaliser la photosynthèse. De plus, elles contiennent alors très peu d’énergie, donc l’intérêt pour la productivité de l’animal est nul.

 Phase 2  : c’est le moment de la flambée de croissance. L’herbe arrive à maturité, est très appétente et est caractérisée par une très grande valeur alimentaire. C’est durant cette phase que les animaux doivent pâturer pour atteindre une gestion optimale.

 Phase 3  : il s’agit de la phase de reproduction de la plante. On assiste à une lignification des tiges pour supporter plus de poids, et à l’utilisation des nutriments qui se trouvent dans l’herbe pour produire des semences. Tous les 17 à 22 jours, cette phase de reproduction va être initiée, ce qui ralentit la croissance et rend le fourrage moins appétent. Cela engendre une perte de rendement, une perte de production, et une gestion plus difficile des zones de refus. Cette phase peut parfois correspondre à un objectif pour nourrir des vaches taries, mais n’a absolument aucun intérêt en termes de production.

L’énergie : limitante !

Cela explique donc qu’on fait face à une perte de production énorme en cas de pâturage extensif. Il n’y aura presque jamais de carence dans le régime si une flore est consommée à son meilleur stade de croissance. Le facteur limitant de l’alimentation en bâtiment est la protéine. À l’herbe par contre, on se retrouve toujours en excès de protéines, il faut donc se faire à l’idée qu’on ne peut pas tout valoriser. Ce n’est pas nécessairement intuitif, mais le facteur limitant à l’herbe est l’énergie, d’où l’importance de pâturer avant la phase de reproduction.

Iode et sélénium

Le problème du pâturage intensif est qu’il n’est pas possible d’échapper aux maladies de l’herbe que sont l’entérotoxémie et le météorisme. Deux éléments sont à surveiller dans ce type d’alimentation : l’iode et le sélénium. « Pour faire au plus simple, nous complémentons d’office en iode et en sélénium », précise Shane Bailey. « L’iode s’assimile très bien par la peau, et le sélénium via des injections. Les deux sont apportés lors de la reproduction et de la mise bas. Une pierre à lécher ne sert à rien dans un système de pâturage, et aucun apport de sel n’est nécessaire. »

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