Accueil Bovins

Histophilus somni découvert dans la semence d’un géniteur

C’est une grande première, le germe Histophilus somni a été retrouvé dans la semence d’un reproducteur de haute valeur génétique. Une découverte qui donne un nouvel éclairage sur l’un des moyens de propagation de la maladie dans les exploitations wallonnes. Un éleveur et ses deux vétérinaires d’exploitation témoignent.

Temps de lecture : 6 min

Dans notre précédent dossier santé animale (voir Le Sillon Belge du 9 février), nous avions abordé la problématique de l’histophilose, un germe qui affecte près de 50 % des élevages bovins wallons. Si son origine est encore méconnue, le germe a été découvert dans la semence d’un taureau présent dans une exploitation du Namurois. L’épizootie aurait commencé neuf mois après son arrivée sur la ferme.

Des problèmes respiratoires à répétition

Cela fait près de 5 ans que Christophe (prénom d’emprunt) a repris l’exploitation de bovins viandeux familiale. Bien que la qualité de l’air dans les bâtiments soit impeccable, l’éleveur connaît une vague de problèmes respiratoires chez les veaux en 2016. « Ces problèmes étaient récurrents. Nous retrouvions des veaux apathiques, certains avec des oreilles pendantes, mais tous dans un état grippal ».

Les deux vétérinaires d’exploitation les traitent alors aux antibiotiques. Les veaux semblent alors récupérer pour rechuter quelques jours plus tard. Des thrombus dans les artères provoquent des nécroses des cellules des poumons, ceux-ci sont dès lors moins irrigués et se dégradent, jusqu’à ne plus permettre à l’animal de résister.

« Nous n’avons pas connu beaucoup de cas de mortalité », explique l’un des vétérinaires. Mais bon nombre de symptômes respiratoires ont été constatés. Sur un an, on a peut-être eu deux ou trois cas de mortalité car on est arrivé à des stades où les lésions s’étaient tellement aggravées que l’animal ne pouvait plus vivre. »

Et l’un des vétérinaires de poursuivre : « La recherche de la cause était relativement compliquée puisque tous les cas présents étaient différents. »

La maladie est d’autant plus difficile à diagnostiquer que l’éleveur n’achète jamais de bêtes, si ce n’est un taureau de saillie tous les 3 à 4 ans.

Dans une impasse, ils n’ont d’autre choix que de revenir à l’origine de leurs problèmes.

C’est en faisant le rapprochement avec l’arrivée d’un nouveau taureau de saillie et l’apparition des problèmes 9 mois plus tard sur ses veaux qu’ils ont pensé à analyser les paillettes pour trouver une trace d’Histophilus somni.

Comme au moment de l’achat des doses de sperme avaient été congelées, les vétérinaires de l’exploitation ont envoyé, sans trop y croire, trois doses au laboratoire qui, par PCR, a découvert la présence du germe.

« À l’achat, on le pensait pourtant sain. Si on peut savoir qu’un taureau est indemne de tares et de certaines maladies, à l’heure actuelle aucun test n’est fait au départ pour cette maladie », indique l’éleveur.

« Vivre sans problème respiratoire est impossible ! »

Une fois les paillettes restantes jetées, le reproducteur a été isolé du troupeau durant trois mois. Période durant laquelle il a reçu un traitement pour juguler l’infection. Christophe aurait voulu faire une nouvelle analyse de la semence de son reproducteur, mais approcher un taureau de 4 ans au pré pour la lui prélever, c’est très compliqué.

Malheureusement, en ce qui concerne les mères qui avaient été saillies par ledit taureau, l’éleveur n’a jamais su les avoir pleines à nouveau. Elles n’ont fait que des complications, telles que des métrites récurrentes. Le germe s’est en effet retrouvé au niveau des muqueuses vaginales, provoquant ainsi des lésions trop importantes pour que le traitement puisse permettre à l’animal de retrouver une immunité correcte.

Quant au reste du troupeau, il a été vacciné et le taureau est toujours dans le pré pour récupérer les non-gestantes.

Depuis, le reproducteur a de nouveau eu des veaux en bonne santé ; les mères sont de nouveaux en chaleur, pleines.

Cela fait maintenant 9 mois que le schéma de vaccination a été mis en place et l’éleveur ne rencontre plus de problème de cet ordre. « On a d’abord avancé à tâtons, mais maintenant que l’on a trouvé, nous allons continuer le plan de vaccination. Il vient en complément au schéma déjà en place contre les virus respiratoires.»

« Maintenant qu’on a pu identifier le problème, on est en avance sur de nombreuses fermes qui n’en ont pas conscience », note l’éleveur.

L’un des vétérinaires d’exploitation : « Il y a encore deux ou trois ans, l’histophilose, on n’en savait pas grand-chose. Et depuis qu’on a adapté notre traitement, nous n’avons pas à nous plaindre. Bien sûr, on n’est jamais à l’abri d’une maladie respiratoire mais nous sommes dorénavant relativement épargnés. »

Continuer sur sa lancée

Pour ce qui est des veaux vaccinés, ils ont dû respecter une période de quarantaine de 50 jours, et ce afin d’éviter qu’ils ne se contaminent pas par le biais des nasaux et des muqueuses. Plus ils sont séparés longtemps, plus ils font leur immunité et meilleure est cette dernière pour la mise en lots.

Les mâles iront à l’engraissement et les femelles qui seront immunisées donneront cette immunité à leur veau. Un plan de vaccination de cinq ans devrait être suffisant, d’autant que le taureau concerné ne devrait plus être sur l’exploitation !

Le vétérinaire : « Tant que ce dernier reste sur la ferme, on n’envisage pas d’arrêter la vaccination. Après le vaccin permet de lutter contre pasteurella et c’est un bon complément. »

Christophe poursuit : « Si on avait des pertes en termes de mortalité, on a connu surtout une perte financière puisqu’on a soigné les veaux contre la grippe pendant un an… pour rien !»

On ne s’en sort pas trop mal, si on a eu trois morts, cinq autres traînards ont dû être abattus, soit 10 % de pertes dues à la maladie chronique…

Vigilance de mise à l’achat d’une bête

« Il y a des cas de mortalité qu’on ne savait pas expliquer, qui à la lumière du germe, s’expliquent enfin grâce à ces diagnostics », explique le vétérinaire.

Il faut donc limiter au maximum les entrées possibles dans la ferme ! Mais soyons clairs, le risque zéro n’existe pas. « Le germe n’a pas besoin de beaucoup d’opportunités pour infester un troupeau. L’élevage reste un milieu très à risque », note-t-il encore.

Histophilus se retrouve dans les voies génitales femelles et mâles et la propagation se fait souvent par un rapport sexuel ou un contact naso-vulvaire, c’est d’ailleurs par ce biais que la maladie peut se transmettre aux jeunes bêtes. Une fois les bêtes touchées au niveau des nasaux, le virus peut rester jusqu’à 70 jours dans ses muqueuses nasales. Dans les voies génitales, la période active du germe est d’une dizaine de jours.

C’est aussi la raison pour laquelle la mise en quarantaine d’animaux achetés est nécessaire. Il faut ensuite utiliser toutes les techniques pour détecter un maximum de germes et ainsi pouvoir prendre les mesures nécessaires à la protection de son exploitation. Si l’analyse PCR est positive, c’est que l’animal a été en contact avec le germe. À ce moment il est intéressant de se demander s’il ne faudrait pas aller plus loin dans l’investigation. Notons qu’avec ces résultats, on ne peut pas dire quand il a été contaminé. Il se pourrait qu’il soit en pleine phase de bactériémie…

Et de prévenir : « Le germe est détectable dans du sperme, frais ou congelé. Lors de l’achat d’un taureau en ferme, mieux vaut lui prélever de la semence et le faire analyser. Quand on voit les dégâts que cela peut occasionner sur l’exploitation, il ne faut pas hésiter à le faire ! »

Rappelons que les symptômes de l’histophilose sont divers : mammites, métrites, otites, problèmes respiratoires, myocardites et problèmes neurologiques.

Soyez vigilants !

P-Y L.

A lire aussi en Bovins

Viande bovine : opportunités et difficultés pour ce début d’année

Bovins Pour débuter 2024, l’industrie de la viande bovine en Europe et aux portes de notre continent est marquée par plusieurs défis. Période du Ramadan, conditions climatiques, diminution du pouvoir d’achat, sont autant d’éléments qui influencent le marché, et l’élevage chez nos voisins.
Voir plus d'articles