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Source d’énergie et de fertilisant, comment monter son projet de biométhanisation?

Si l’installation d’une unité de biométhanisation comporte des atouts indéniables, un projet d’une telle ampleur requiert plusieurs mois de réflexion. Cela ne doit toutefois pas freiner les porteurs de projets, car des aides et accompagnements existent.

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En vue de réduire les dépenses énergétiques d’une exploitation agricole, plusieurs solutions, ayant chacune leurs avantages et inconvénients, existent. Parmi celle-ci, l’implantation d’une unité de biométhanisation intéresse un nombre croissant d’agriculteurs.

Mais comment fonctionne une telle installation ? Comment monter son projet ? Et bénéficier d’aides ? Coup d’œil avec Cécile Heneffe, facilitateur bioénergies – méthanisation chez Valbiom.

Transformer la matière organique

Reposant sur un principe de fermentation similaire à celui observé dans le rumen de la vache, la biométhanisation (figure 1) permet de transformer des matières organiques diverses en biogaz. Pour ce faire, lesdites matières sont introduites dans un digesteur, siège de la fermentation, où elles sont dégradées par des microorganismes, en l’absence d’oxygène et à une température constante d’environ 37ºC.

Au fur et à mesure de la décomposition des matières, du biogaz, composé essentiellement de méthane (CH4) et de CO2, est produit. « Toutefois, plusieurs paramètres influencent la quantité de biogaz produite », précise Mme Heneffe. Et de les citer : « le type d’intrants, le temps de séjour dans le digesteur, la température de fermentation… ».

Concernant le premier paramètre, elle souligne encore que toutes les matières organiques sont valorisables, à l’exception des matières ligneuses, telles que le bois. Les lisiers et fumiers de bovins, les fientes de poules, les ensilages d’herbe et de maïs issus de la ferme sont donc parfaitement biométhanisables. Parmi les matières produites à l’extérieur de l’exploitation, il est possible de valoriser la fraction fermentescible des ordures ménagères, les boues d’épuration et les graisses usagées.

À l’issue de la fermentation, le biogaz pourra être employé de diverses manières tandis que le digestat, résidu de la décomposition des matières organiques utilisées, sera valorisé comme fertilisant ou amendement (lire ci-dessous).

Figure 1
: principe général de la biométhanisation.
Figure 1 : principe général de la biométhanisation. - (Valbiom)

Chaleur, électricité et gaz

Le biogaz obtenu peut, en premier lieu, être utilisé pour produire de la chaleur par combustion dans une chaudière (tableau 1).

BIOGAZ

Il sert aussi à produire de l’électricité par l’intermédiaire d’un moteur ou d’une turbine à gaz. Dans le premier cas, la combustion du gaz dans le moteur actionne un alternateur assurant la production d’électricité. Dans le second cas, de la vapeur, produite via une chaudière, entraîne une turbine qui actionne également un alternateur.

Les unités de cogénération permettent quant à elles de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur. Le procédé mis en place est identique à celui utilisé pour la production d’électricité mais un système de récupération de chaleur lui est ajouté. Le biogaz doit néanmoins être préalablement purifié afin d’en éliminer les traces de vapeur d’eau et de sulfure d’hydrogène.

Enfin, le biogaz peut être injecté dans le réseau de gaz naturel ou être utilisé comme biocarburant, dans les deux cas sous forme de biométhane, moyennant purification et compression préalables. S’il est injecté dans le réseau de gaz naturel, le biométhane sera valorisé sous forme de chaleur ou d’électricité, comme le méthane « classique ».

Le digestat, un fertilisant riche

Une fois la décomposition terminée, le digestat peut être valorisé au champ comme fertilisant et amendement. En effet, celui-ci est riche en carbone stable, contribuant à la formation de l’humus, et en nutriments N, P et K. En outre, durant la digestion, ceux-ci passent d’une forme organique à une forme minéralisée, mieux assimilée par les plantes. « Toutefois, l’azote est présent sous sa forme ammoniacale. Il convient dès lors de réaliser un épandage près du sol, à l’aide d’une rampe à pendillards, voire d’injecteurs », met en garde Cécile Heneffe.

La digestion dégrade également les semences d’adventices présentes dans la matière organique chargée dans le digesteur. « De plus, le digestat est inodore », ajoute-t-elle. L’épandage ne met donc pas en péril la culture en place ou future et est sans nuisance pour le voisinage.

« Le digestat constitue une excellente alternative aux engrais de synthèse, permettant ainsi de réduire les coûts de production alloués à ce poste », souligne Cécile Heneffe.
« Le digestat constitue une excellente alternative aux engrais de synthèse, permettant ainsi de réduire les coûts de production alloués à ce poste », souligne Cécile Heneffe. - J.V.

S’il n’est pas épandu sous sa forme « brute », le digestat peut être composté (avec des déchets verts, par exemple), séparé en une fraction liquide (plus riche en azote minéralisé) et une fraction solide (apportant plus d’humus) ou encore être séché ou évaporé, en vue de réduire les quantités à transporter.

Son projet, en quatre étapes clés

Imaginer et concrétiser son projet de biométhanisation n’est pas chose aisée. Afin de guider les porteurs de projets, Valbiom met en évidence quatre étapes clés.

La première consiste à imaginer son projet . « En premier lieu, il est utile de s’informer en profondeur sur la biométhanisation mais aussi sur les projets existants », guide Mme Heneffe. En outre, en tant que facilitateur bioénergies, Valbiom propose gratuitement ses conseils aux personnes intéressées.

C’est aussi à ce moment-là qu’une étude de pertinence, version simplifiée d’une étude de faisabilité, permet d’évaluer la faisabilité du projet. Elle intègre des volets économique, technique, juridique et administratif. À l’issue de celle-ci, le porteur de projet saura déjà si son projet tient la route, si des points devront être affinés lors de l’étude de faisabilité ou s’il doit être entièrement repensé.

Dans un deuxième temps, il conviendra de réfléchir concrètement à l’implantation de l’unité de biométhanisation et à son fonctionnement. « C’est ici que l’on réalise l’étude de faisabilité, seul ou accompagné d’un bureau d’études. » Lors de celle-ci, de nombreux points sont abordés :

– choix du lieux d’implantation de l’unité (dans le respect du plan de secteur mais aussi dans une optique de raccordements et de valorisation énergétiques, que l’on parle d’électricité, de chaleur ou de biogaz) ;

– gestion des flux de matières (choix et utilisation des intrants et gestion du digestat) ;

– dimensionnement de l’unité (technologie choisie, taille des cuves et du moteur…) ;

– gestion des risques (pour le réseau électrique et l’environnement, entre autres).

Une fois l’étude de faisabilité achevée, un permis (d’environnement, d’urbanisme ou unique) est demandé auprès de l’Administration communale compétente pour le terrain sur lequel sera installée la future unité de biométhanisation.

Enfin, cette deuxième étape se clôture par la constitution d’un plan financier et la recherche d’aides à l’investissement et à la production. En parallèle, une nouvelle entreprise devra bien souvent être créée, afin d’exploiter l’unité.

La troisième étape consiste à concrétiser son projet . Avant la construction de l’unité, il est ainsi nécessaire de s’assurer que l’on disposera bien du financement attendu, que les demandes d’aides ont été introduites correctement, que les modifications éventuellement imposées par l’Administration ont été prises en compte…

Place ensuite à la construction de l’unité et, une fois les travaux terminés, au contrôle des différents paramètres par les différents organismes concernés. Ce n’est qu’à l’issue de ces contrôles que l’unité pourra démarrer. Pour ce faire, Valbiom conseille de s’entourer des personnes compétentes afin de gérer de manière optimale la production des premiers m³ de biogaz et la montée en puissance de l’unité.

Enfin, la dernière étape vise à pérenniser son projet . En effet, tout agriculteur à la tête d’une unité de biométhanisation ne souhaite pas voir celle-ci s’arrêter, pour des raisons évidentes de rentabilité. Ainsi, il est indispensable d’assurer le suivi du digesteur et de contrôler les intrants et le digestat (qualité, traçabilité, stockage, valorisation du digestat…).

Le fonctionnent de l’unité devra quant à lui être ajusté aux conditions rencontrées, lorsque cela s’avérera nécessaire.

La mise en route de l’unité permet également de bénéficier des aides à la production.

Avec quelles aides ?

« Plusieurs aides permettent aux porteurs de projet d’alléger l’investissement que représente l’installation d’une unité de biométhanisation. Celles-ci diffèrent cependant selon le statut juridique du demandeur (entreprise ou agriculteur) », explique Cécile Heneffe.

L’étude de faisabilité peut ainsi être partiellement subventionnée via les aides Amure (aide pour l’amélioration de l’utilisation rationnelle de l’énergie) et Psc (prime aux services de conseil).

Les aides à l’investissement sont, elles, au nombre de trois : Ude (aide pour l’utilisation durable de l’énergie), Feader (fonds européen agricole pour le développement rural) et Adisa (aides au développement et à l’investissement dans le secteur agricole).

Viennent enfin les aides à la production. On distingue les certificats verts, octroyés pour la production d’électricité, et les « labels garantie origine » (LGO) accordés aux producteurs de biométhane depuis avril dernier. La production de chaleur n’est, elle, pas soutenue.

***

Pour vous accompagner dans votre projet, Valbiom a publié le guide « Étapes-clés de votre projet de biométhanisation » disponible sur simple demande (www.valbiom.be, info@valbiom.be ou 081/62.71.84).

J.V.

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