Zones d’habitat, grandes cultures et produits phytosanitaires: vers une meilleure cohabitation grâce aux MAEC ?

GRAE - Bande pollinisateurs

À l’heure où entrent en vigueur de nouvelles distances règlementaires concernant la pulvérisation, il est opportun de faire le point sur la question et de rappeler les aménagements pouvant renforcer ces normes, tout en contribuant à limiter l’impact financier pour l’exploitation.

Pulvérisation de pesticides : ce qui a changé !

Depuis ce mois de juin, les agriculteurs et autres professionnels pulvérisant des pesticides doivent être attentifs à ne pas pulvériser:

– à moins de 10 mètres d’une aire de jeux ou d’une aire aménagée pour la consommation de boissons et nourriture ;

– à moins de 50 mètres de bâtiment accueillant des personnes vulnérables : centres hospitaliers et maison de santé en général, établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées ;

– à moins de 50 mètres de bâtiments scolaires et d’accueil de l’enfance, durant les heures de fréquentation;

– si le vent a une vitesse supérieure à 20 km/h.

D’autres normes déjà en vigueur sont toujours d’actualité :

- interdiction de pulvériser à moins de 6 mètres d’une eau de surface. Pour ce qui est des normes de pulvérisation en bordure de cours d’eau, plus d’information peuvent être obtenues auprès de l’asbl Protect’eau (https://protecteau.be).

Pour plus de détails, consulter l’arrêté du Gouvernement wallon du 11 juillet 2013 relatif à une application des pesticides compatible avec le développement rural, et son arrêté modificatif datant du 14 juin 2018.

Quelles possibilités d’aménagement pour assurer une zone tampon ?

Face à ces nouvelles normes, l’agriculteur peut subir ou agir. Si pulvériser son champ reste autorisé en bordure des habitations (à condition de respecter les distances réglementaires en vigueur), il convient de prendre des dispositions supplémentaires pour limiter davantage les impacts négatifs de ces pulvérisations vis-à-vis des riverains. Ces dispositions faciliteront la cohabitation et ce sera tout bénéfice pour l’agriculture…

Planter une haie

La haie, par l’écran végétal qu’elle fournit, peut constituer un bon moyen pour assurer un filtre, voir une protection des éventuelles dérives de pulvérisation. Eviter les haies compactes de conifères, qui ont tendance à créer des tourbillons derrière l’écran qu’ils forment. L’idéal reste de planter une haie triple rang, composées d’un mélange d’essences feuillues.

Des subsides à la plantation existent (jusqu’à 80% du coût de la plantation) et des conseils peuvent être obtenus auprès de Natagriwal.

Implanter une tournière enherbée

La tournière enherbée est une bande d’herbe de 12 mètres de large, implantée avec un mélange spécifique composé d’un mélange de graminées et légumineuses. Son cahier des charges interdit l’épandage d’engrais ainsi que l’application de traitement phytosanitaire. La récolte du fourrage se fait à partir du 16 juillet, en laissant impérativement 2 mètres non fauchés. De par son mode de gestion extensif, la tournière enherbée est particulièrement indiquée pour assurer un tampon, tout en limitant l’impact financier de ce dernier. En effet, la gestion d’une tournière enherbée est rémunérée à 900 €/ha. Elle est particulièrement indiquée en bordure de cours d’eau, voire en bordure d’habitation.

Implanter une bande ou une parcelle aménagée

Les bandes aménagées constituent une variante améliorée de la tournière enherbée. Elles nécessitent le passage d’un conseiller de Natagriwal pour leur mise en œuvre (le service est gratuit). C’est sur base de la visite du conseiller que le cahier des charges de la bande sera établi.

Pour une bande en bordure de zone riveraine, c’est généralement une bande fleurie en faveur des insectes pollinisateurs qui sera privilégiée. D’une largeur de 21 m, en général, elle est semée en fin d’été avec un mélange de graminées maigres, de légumineuses et de fleurs des prés. Deux fauches sont réalisées, une fin juin et la seconde en septembre. Son cahier des charges interdit également l’application de traitement phytosanitaire.

La parcelle aménagée présente le même principe de base, mais ne nécessite pas d’avoir une largeur fixe, et peut donc prendre une forme adaptée aux contraintes de terrain. Elle est ainsi particulièrement utile en cas de forme triangulaire de la parcelle, ou lorsque la parcelle borde une zone de jardins dont ces derniers n’ont pas tous la même profondeur.

La gestion d’une bande aménagée est rémunérée à 1.500 €/ha, la parcelle aménagée à 1.200 €/ha.

Un panneau explicatif de la mesure est disponible sur www.natagriwal.be.

Pour un engagement dans ces méthodes agroenvironnementales, il est nécessaire d’introduire une demande d’aide avant le 31 octobre via le portail pac-on-web.

Pour la bande aménagée, un contact le plus tôt possible avec un conseiller est également indispensable. Les coordonnées sont disponibles via www.natagriwal.be ou en téléphonant au secrétariat au 010/47.37.71.

Pourquoi des précautions supplémentaires ?

Si l’usage de produits phytosanitaires est une pratique courante en agriculture, et que les techniques de pulvérisation s’améliorent, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de molécules toxiques tant pour la santé humaine que pour les autres organismes vivants. Les normes encadrant la pulvérisation de pesticides sont donc de plus en plus contraignantes étant donné leur impact sur l’environnement et notre cadre de vie en général. Différents constats peuvent éclairer ce regain d’attention :

– de plus en plus de scientifiques s’inquiètent de l’impact de certains fongicides sur la santé humaine, avec l’augmentation de risques de cancer, touchant en première ligne les agriculteurs qui les épandent;

– une étude anglaise s’est penchée sur la toxicité des pesticides sur les abeilles. Si, en 25 ans, les quantités pulvérisées ont été divisées par deux, la toxicité est toutefois six fois plus importante pour les abeilles;

– fin 2017, une vingtaine d’enfants ont dû être évacués de l'école Jean-Baptiste Hermand d'Omezée (Philippeville) après avoir été en contact avec des produits pulvérisés dans un champ voisin.

–17% des sites d’eau souterraines contrôlés présentaient une qualité des eaux moyenne à mauvaise. C’est le 2e facteur de dégradation des eaux souterraines. À noter à ce propos que des molécules d’atrazine (ou dérivés) sont toujours présentes, plus de dix ans après l’interdiction de l’herbicide;

– 15% des eaux de surface présentent un mauvais état chimique lié principalement à la présence dans l’eau d’hydrocarbures ou de pesticides.

Tant que ces constats ne s’améliorent pas, les normes risquent de devenir plus contraignantes encore.

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