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Se donner les moyens de répondre aux défis de demain

Fin août, la famille Piront organisait une journée portes ouvertes pour son nouveau site d’exploitation à Eibertingen (Amblève). Production bio liée au sol, pâturage, bien-être animal, facilité du travail et smart farming… tout a été mis en œuvre pour permettre à Sébastian de pouvoir à terme traire seul les 140 laitières. L’initiative a attiré la foule. Près de 2.000 personnes se sont déplacées ! Gerhard, Sebastian et Johann étaient comblés !

Temps de lecture : 7 min

Si la famille Piront trait depuis 1963 à Eibertingen, c’est en 1971 que le père de Johann et Gerhard construit une stabulation entravée en dehors du village.

« L’année suivante, Johann rentre sur l’exploitation », explique Gerhard. « Quant à moi, je suis passé par le ministère de l’agriculture et au service technico-économique de l’APDB de Liège (aujourd’hui Awé). En 1990, j’ai repris les parts de mon père pour m’associer à mon frère.

En 1993, la fratrie construit une nouvelle étable pour 115 bêtes avec une salle de traite 2*7 en épi pour y traire jusqu’à 180 vaches. «C’est en 2007 que mon fils Sebastian rentre dans l’association. »

L’année suivante, la famille Piront connaît un véritable coup dur. Leur cheptel est touché par la tuberculose. Elle doit alors abattre tout le troupeau et repartir de zéro. Les Piront se constitueront alors un nouveau troupeau pour se stabiliser à 140 laitières.

« Comme mon frère et moi approchons de la pension, il fallait voir plus petit pour faciliter le travail du seul repreneur. » D’autant que dans l’ancienne étable, la place venait à manquer pour les vêlages, les veaux… « Avec près de 280 bêtes, il était tout simplement impossible de les héberger toutes ensemble. Nous louions plusieurs étables dans le village. C’était un travail fou ! En outre dans notre précédente salle de traite, la traite nous prenait 5 à 6 h par jour. C’était dur ! », avoue Gerhard. Deux options s’offraient donc à eux : soit diminuer le cheptel, soit investir pour que le seul repreneur puisse travailler avec un aidant…

C’est la deuxième option qui sera retenue. Une nouvelle étable pour 140 laitières est construite avec 2 robots de traite et une porte de tri pour adopter le « système irlandais » basé sur le pâturage jour et nuit.

« Nous avons choisi le système robot même si nous préférions au départ avoir grande salle de traite. Nous avons visité de nombreuses fermes qui parviennent à allier robot de traite et pâturage. Ce n’est effectivement pas incompatible, bien au contraire. La première année, on a dû apprendre le système, tout comme les vaches. On a fait des erreurs mais je suis convaincu que tout va fonctionner ! », sourit-il.

Dans l’étable, on ne retrouve des caillebotis que sous les robots. Des racleurs amènent donc les déjections jusqu’à l’aire robotisée. Un canal mènera ensuite le lisier dans une lagune de 5.000 m³.

Notons encore que pour le confort des animaux, ce sont des matelas à eau qui ont été installés dans les logettes. L’éleveur les recouvre de paille moulue imbibée d’huile essentielle.

Dans le second bâtiment, on retrouve la nurserie. Les veaux y sont élevés jusqu’à l’âge de six mois. Les génisses passeront ensuite dans l’ancienne étable où elles y resteront jusqu’à ce qu’elles soient pleines.

Pour la suite, les éleveurs ont laissé toutes les options libres. « À la construction, on a prévu tous les raccordements possibles pour l’évolution de la ferme. Si demain on doit reconstruire une étable pour les génisses, tout est prêt ! »

Un parcellaire important autour de l’étable

Dans le village et ses alentours, les Piront dispose de beaucoup de terrains. « On a pu louer toutes les terres des fermiers qui ont arrêté pour arriver à constituer des blocs : 37 ha autour de l’ancienne étable et 60 autour de la nouvelle étable. Au total, l’exploitation dispose de près de 190 ha, ce qui leur permet d’avoir une faible charge à l’hectare et de produire eux-mêmes leurs concentrés.

Dans la nouvelle configuration de l’installation, l’exploitation est donc centrale. Les prairies sont essentiellement dédiées au pâturage et sont divisées en trois blocs de 20 ha. Ce schéma est basé sur le système irlandais, où l’on pâture au maximum, du début février à fin novembre. Sur les trois blocs A, B et C, le B est un bloc de nuit.

Le système fonctionne grâce à une porte de tri qui définit l’accès des animaux aux prairies. Toutes les 8 heures, elle change l’orientation des blocs. Par jour, en fonction de l’herbe disponible, l’éleveur doit également définir une parcelle portionnée au besoin des animaux. La difficulté ? Définir correctement les parcelles à pâturer et ne pas laisser aux vaches l’accès à trop d’herbe. Le risque ? Les voir se coucher et ne pas revenir se faire traire au robot. Car l’objectif avec le robot est de fonctionner toute la journée, les vaches ne doivent donc pas toutes affluer au même moment !

Toutes les 8h,  la porte de tri oriente les vaches vers une autre parcelle de manière à ce qu’elles aient constamment accès à de l’herbe fraîche.
Toutes les 8h, la porte de tri oriente les vaches vers une autre parcelle de manière à ce qu’elles aient constamment accès à de l’herbe fraîche. - P-Y L.

Au début il était plus facile de gérer deux blocs, ils sont maintenant passés à trois. Un compromis à donc dû être trouvé car l’exercice n’est pas simple. Pour ne pas devoir changer le fil tous les jours sur les trois parcelles, ils y vont tous les deux jours. Le travail est donc moins lourd d’autant qu’il n’y a plus de travail de traite, ni besoin de distribuer les rations… À terme, avec l’expérience, le but est de pouvoir redessiner les parcelles tous les jours et devenir ainsi autonome avec l’herbe. « Si on veut un pâturage dirigé, le cornadis doit être vide jour et nuit », ajoute Gerhard.

Installation de boviducs

Toutefois, chez les Piront, un problème de taille s’est posé, à savoir les routes qui découpent le parcellaire en bordure d’exploitation. Si les éleveurs ont pensé à faire des passages sur les routes, la circulation les en a dissuadés. Ils ont donc pensé à installer quatre boviducs. L’investissement est important mais il sera amorti sur le long terme. Il permet un accès aisé aux parcelles à tout moment. « Une réflexion qui a pris deux ans… mais cela n’a pas été compliqué d’obtenir les permis. Amblève est une commune progressiste qui veut favoriser l’agriculture. Et c’est une bonne image pour elle de pouvoir montrer que les animaux présents sur la commune peuvent sortir, que leur bien-être est respecté », explique Gerhard.

Quatre boviducs  ont été installés pour permettre aux vaches d’accéder  à tout moment  aux prairies.
Quatre boviducs ont été installés pour permettre aux vaches d’accéder à tout moment aux prairies. - P-Y L.

Le rendement n’est pas tout !

Historiquement, la holstein a toujours été présente sur l’exploitation. « On était à 8.000 l par vache, mais depuis 2013, nous les croisons avec de la montbéliarde. Un changement qui influe sur la production puisque la production avoisine désormais les 7.000 litres par vache et par an. «Cette année, hors période de sécheresse, nous étions à une moyenne de 28 l par vache. Dès qu’il a fait plus sec, la production est tombée à 22l.»

Un changement qui n’arrive pas seul puisqu’au même moment, les exploitants changent de cap et quittent le conventionnel pour le bio.

« Si je regrette quelque chose ? C’est de ne pas nous être décidé plus tôt… Je voulais avoir une race plus rustique, plus facile, moins énergivore. En holstein, on peut avoir la génétique pour produire 9.000 ou 10.000 litres mais il faut soigner derrière, être tout le temps à l’étable. »

Et de poursuivre : « Le rendement n’est pas tout. Quand on a déduit les frais, c’est qu’il nous reste qui compte. » Pour Gerhard, le gain est dans l’économie. « D’un point de vue économique, nos choix rendent notre situation intéressante : le parcellaire, le prix du lait plus stable et une charge à l’hectare très faible (140 laitières pour 198 ha).

Pour alimenter ses vaches, c’est herbe et ensilage à volonté. « Mais il faut la meilleure qualité, il faut donc faucher jeune et faire tourner les parcelles. C’est très technique ! » Pour ce qui est des concentrés bio, M. Piront en donne entre 110 et 120 g de concentrés par kilos de lait produit, ce qui est très peu, selon lui.

Répondre aux défis de demain

Outre le fait de produire un lait à l’herbe, de penser au bien-être de ses animaux, avoir investi dans le smart farming permet aussi à Sébastian, le fils de Gerhard de pouvoir gérer seul l’exploitation, avec évidemment de l’aide pour les récoltes. « C’est l’une des raisons de notre investissement ! Des gens pour rouler en tracteur, tu en trouves toujours, mais pour traire, c’est autre chose ! »

De gauche à droite, Johann, Sebastian et Gerhard, aux côté du veau né  sous le regard attentif de centaines de visiteurs.
De gauche à droite, Johann, Sebastian et Gerhard, aux côté du veau né sous le regard attentif de centaines de visiteurs. - P-Y L.

Il pourra aussi se dégager du temps pour lui. « L’aspect social est très important. Il faut pouvoir concilier vie sociale et travail… Si à mon époque on n’y prêtait guère attention, ce n’est plus le cas aujourd’hui, d’autant qu’à mon époque le nombre d’agriculteurs était plus important. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que deux familles d’agriculteurs dans le village... »

Quoi qu’il en soit, la famille Piront s’est lancée dans un concept prometteur. Elle s’est surtout donné les moyens de pérenniser son entreprise tout en répondant aux attentes sociétales et environnementales.

P-Y L.

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