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Sécher son foin en grange, une pratique qui demande à se spécialiser dans la récolte et le type de prairie à cultiver

Pour ses portes ouvertes, Agra Ost s’est invité chez Rainer et Evelyne Lentz au Birkenhof (Amblève), une ferme laitière biologique qui dispose d’un séchoir de foin. L’occasion pour Fourrages Mieux de faire le point sur la technique et ce qu’elle nécessite.

Temps de lecture : 8 min

Se lancer dans le séchage de foin en grange n’est pas une mince affaire. Une telle technique demande nécessairement un accompagnement, au niveau des bâtiments, de superficies de cellules, des cultures prairiales… Tout doit être réfléchi à l’avance.

Des possibilités multiples

Le principe est simple. Il faut extraire l’eau que l’herbe contient pour en faire du foin. Pour insuffler de l’air chaud dans son fourrage, Rainer Lentz a décidé d’investir dans une double toiture qu’il a couplée à un déshumidificateur.

Toutefois, avec l’essor des nouvelles sources d’énergie, les possibilités sont multiples. En effet, il est possible de coupler une unité de séchage à des panneaux photovoltaïques, à des stations de biométhanisation…

Atteindre rapidement les 60 % de matière sèche

David Knoden, Fourrages Mieux : « Pour obtenir 1 kg de foin à partir d’un fourrage vert, il faut lui extraire 3,35 l d’eau. Dans un autre ordre de grandeur, 1 ha de foin à 5 t de MS, c’est près de 20 t d’eau à évacuer, ce qui est tout sauf anodin ».

L’objectif ? Amener son fourrage à 60 % de MS le plus rapidement possible. Il faut donc pouvoir engranger sa récolte entre 24 et 48 h après la fauche.

À la récolte, privilégier les andains larges

Lors de la récolte, il est nécessaire de faner le plus vite possible après la fauche. Il est donc nécessaire de laisser l’herbe au contact du vent et du soleil le plus longtemps possible. David Knoden préconise une fauche une fois la rosée partie pour avoir accès à ces deux critères toute la journée. « Mieux vaut donc éviter de faucher en fin de journée. »

Et comme l’agriculteur doit faucher des plus petites quantités, il a clairement le temps de faucher sur le temps d’une matinée, contrairement aux chantiers d’ensilage.

Il est conseillé de faucher à 6-7 cm de hauteur minimum. « Si on fauche trop bas, aucune lame d’air ne pourra passer sous le fourrage pour bien le sécher. En outre, le potentiel de rendement de la prairie diminuera puisque les repousses vont être affectées. »

Notons que le conditionnement est moins important pour du foin que pour des ensilages,. D’autant que lorsque l’on possède des prairies avec beaucoup de légumineuses, le conditionneur risque d’arracher les feuilles, d’où une perte de protéines. Faucher avec des andains larges est donc très important.

Préserver les légumineuses

Comme la plupart des prairies dédiées à cette pratique contiennent des légumineuses, il est primordial de les préserver au maximum, d’où l’utilisation de matériel plus spécifique, comme celle d’un andaineur soleil, notamment.

Plus le fourrage sèche, plus l’agriculteur peut jouer sur la vitesse des toupies pour ne pas « casser » la récolte.

L’avantage avec cette technique ? Lorsque le temps est menaçant, il est possible de faner jusqu’à deux fois la même parcelle en une journée, pour engranger le plus rapidement possible. « Ce qui n’est pas envisageable lorsque l’on fauche 40 ha en une fois. »

Mieux vaut récolter à l’autochargeuse, sans couteau ou avec un nombre très faible, toujours pour préserver le bon état des légumineuses. Certains éleveurs utilisent des rouleaux démêleurs pour éviter que le fourrage ne se tasse dans la machine et qu’il le reste lors de l’engrangement.

Notons que les chantiers de récolte sont relativement simples. Une personne suffit pour engranger. « Si les parcelles ne sont pas loin de l’exploitation, le temps que la personne engrange, l’autochargeuse a le temps de faire l’aller-retour. », note l’orateur.

Éviter les espèces prairiales trop riche en sucre

Contrairement au foin séché au sol, la production de foin ventilé permet une fauche à un stade plus précoce. Par rapport à un stade de fauche pour un foin classique, les valeurs alimentaires de l’herbe récoltée seront nettement meilleures, que ce soit en protéines ou en énergie. « On n’est donc pas du tout sur le même type de produit », poursuit-il.

Lorsque l’agriculteur travaille avec des prairies temporaires, des choix sont à faire. Certaines espèces sèchent beaucoup mieux que d’autres. « Au sein d’une même espèce, certaines variétés peuvent être diploïdes (2n) ou tétraploïdes (4n), comme les Ray Grass anglais, R.G. d’Italie ainsi que le trèfle violet. Les tétraploïdes sont à éviter à tout prix. Ils sont en effet plus riches en eau. D’un point de vue génétique, ces variétés produisent des feuilles plus larges, et plus de sucre. Elles sèchent donc nettement moins bien. » Quant aux variétés 2n, elles sont un peu mieux adaptées mais il est davantage conseillé de se tourner vers la luzerne, le dactyle, la fléole, le brome et la fétuque élevée qui sèchent très bien.

On peut bien entendu sécher des foins issus de prairies permanentes dont la flore est davantage diversifiée mais les valeurs alimentaires seront alors nettement moins riches.

 Tout agriculteur qui doit faire ces choix peut se reporter aux recommandations Fourrages Mieux. « Actuellement aucun test n’est réalisé pour cette thématique mais si la filière venait à se développer… certains essais pourraient se mettre en place au sein de l’asbl. »

Quid de l’azote ?

Autant les sucres sont importants pour la conservation des ensilages, autant lorsqu’on réalise des foins, ce critère ne passe plus au premier plan.

« On doit dès lors choisir une flore moins riche en sucre, qui séchera le mieux. Un dactyle fait 77g de sucres par kg de MS produite par rapport à un Ray Grass anglais qui est à 16 % au même stade. »

Autre point d’attention : l’azote ! Qui dit azote, dit appel d’eau. Et de prendre un exemple : « Sur une prairie non fertilisée en azote, le taux de matière sèche de l’herbe fraîche avoisine les 25 %. Si on ajoute 200 unités d’azote, le taux de MS passe à 21 %. Au plus on fertilisera en azote, au plus le fourrage sera difficile à sécher », note encore David Knoden.

Le foin séché en grange est d’ailleurs une technique rencontrée plutôt dans des exploitations extensives au niveau de la fertilisation. « Si la ferme est intensive, avec peu de surface pour beaucoup de bétail, il sera difficile d’adopter la technique. Des adaptations seront donc nécessaires entre la charge et les surfaces. »

Des valeurs alimentaires proches d’une herbe de printemps

Que l’on fasse du foin, de l’ensilage, du préfané, la valeur alimentaire d’un fourrage dépend de la composition floristique de la prairie et du stade de fauche. Mais la particularité du foin ventilé, c’est de présenter une valeur alimentaire élevée, due à la fauche précoce, à la présence de légumineuses, au stade feuillu des graminées et aux conditions excellentes de séchage. « On est sur une même gamme de valeurs alimentaires qu’un ensilage alors qu’on le récolte en voie sèche ! »

Notons qu’il est plus fibreux qu’un ensilage mais peut être plus acidogène pour des fauches précoces.

Par ailleurs, sa valeur d’encombrement peu élevée – souvent moindre que l’herbe fraîche – entraîne souvent une augmentation de l’ingestion. L’éleveur doit donc mettre en place une stratégie d’alimentation afin que les animaux n’en consomment pas trop, trop vite, sous peine de tomber en acidose.

Pour l’orateur, la teneur en protéines d’un foin ventilé est proche de celle d’un fourrage en vert. « On peut comparer ses valeurs alimentaires à celles d’une herbe pâturée au premier mai. »

Autre aspect intéressant, le foin est exempt de moisissures. Une fois sec, il ne bouge plus. « On parle également d’une diminution importante du risque de contamination par des butyriques ou des listéria, ce qui est favorable à la fabrication de fromages au lait cru.»

Enfin, il n’y a pas d’odeur d’ensilage, c’est un confort pour l’agriculteur mais aussi le voisinage et tous ceux qui adoptent les circuits courts.

Se spécialiser dans la récolte

Et de prendre les analyses du foin de l’exploitant, Rainer Lentz : 902 VEM, 13,7 % de protéines, 80 % de digestibilité… on est face à un aliment de très bonne qualité.

Toutefois ces valeurs peuvent varier en fonction que l’on soit en présence de prairies temporaires ou permanentes. Il est donc important de produire différents types de foin pour équilibrer la ration. David Knoden : « Avec le foin ventilé, on ne « s’amuse » plus à mélanger du maïs, des pulpes, des coproduits X ou Y avec de l’herbe… On mélange désormais différents types de foins. »

« On doit donc se spécialiser davantage au niveau de la récolte et dans le type de prairie à cultiver.

La conséquence ? Des coupes plus étalées dans le temps, pour des repousses plus décalées dans ces prairies. Le système de pâturage est alors facilité.

« Le séchage de foin en grange doit prendre une place centrale dans la manière de fonctionner de l’exploitation ! Cela permet des économies au niveau alimentaire. La qualité des prairies s’en voit améliorée.

Un investissement important

Et de se référer à deux études, l’une suisse, l’autre luxembourgeoise. Si la première estime que le foin ventilé ne coûte pas plus cher que le foin séché au sol, l’autre avance que l’utilisation dudit foin coûterait 10 centimes de plus par litre produit que pour un ensilage dans une ferme de 65 VL, à 7.500 kg sur 100 ha. « Ce ne sont des projections réalisées sur base d’hypothèses mais si ces dernières semblent exagérées, la vérité doit se trouver entre les deux. Il reste toutefois évident que l’investissement de base reste un coup très important. Cela dépend également de la structure que l’on veut, des techniques… », estime David Knoden

Si la technique représente un investissement financier conséquent, elle est par contre un système fourrager simplifié basé sur les prairies qui permet d’améliorer tous les paramètres de santé, de reproduction et de longévité du troupeau sont améliorés.

En outre, elle permet à l’éleveur de diminuer les frais d’entreprise. Pour les travaux de récolte, la puissance de traction nécessaire reste modérée.

Et de tous les retours d’éleveurs, il en ressort que tous les chantiers sont rapides, simples et efficaces.

P-Y L.

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