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Sévèrement touchée par le climat, l’Europe s’affaiblit sur les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux

C’est un constat sans surprise que dresse la Commission européenne… Les conditions climatiques particulières qui ont frappé l’Europe ces derniers mois ont fortement affecté ses productions de céréales, oléagineux et protéagineux. Résultat : le Vieux Continent sera plus dépendant des marchés et devra importe ce qu’il n’a pu produire.

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La Commission européenne, et plus précisément sa Direction générale de l’Agriculture, vient de publier ses perspectives à court terme pour les marchés agricoles. Celles-ci nous donnent une idée de leur évolution future.

Dans ce volet, la situation des céréales, oléagineux et protéagineux sera analysée en détail. À noter qu’une année commerciale « grandes cultures » débutant lors de la récolte, il sera fait mention de la saison 2018/2019 (couvrant la période allant de juillet 2018 à juin 2019).

Demande mondiale supérieure à la production

S’appuyant sur les estimations de l’International Grain Council, les experts de la Commission évaluent la production mondiale de céréales à 2.072 millions de tonnes (Mt) pour la saison 2018/2019, soit une baisse de 1,4 % par rapport à 2017/2018. Cela s’explique aisément par les conditions météorologiques défavorables qui ont frappé d’importants bassins de production, dont l’Europe. Le recul est néanmoins faible en raison de l’accroissement des surfaces emblavées aux États-Unis.

La production mondiale de blé devrait fondre de 6 % par rapport à 2017/2018 et ce, après avoir connu cinq saisons records. Elle atteint de ce fait son plus bas niveau en 6 ans, à 717 Mt. Malgré une légère baisse de l’utilisation fourragère, la demande de blé restera forte en 2018/2019, en raison d’une plus importante utilisation alimentaire. La demande mondiale devrait dépasser la production pour la première fois en six ans.

La production de maïs devrait quant à elle légèrement augmenter (+2 %) pour s’établir à 1.074 Mt. La demande mondiale devrait atteindre un nouveau record (1.105 Mt), dépassant la production pour la deuxième année consécutive.

Après une hausse durant l’été, suite aux incertitudes pesant sur les productions céréalières en Europe et dans le bassin de la mer Noire, les prix des céréales se sont stabilisés ou ont fléchi en raison, notamment, de meilleures perspectives de production aux États-Unis et de la forte concurrence de la Russie. Le prix du maïs se montre stable mais inférieur au prix du blé.

Quant aux stocks mondiaux, ils restent abondants mais se resserrent une nouvelle fois.

Froment : -9 % ; maïs : -6 %

À l’échelle européenne, la production céréalière 2018/2019 est nettement inférieure aux prévisions en raison des conditions météorologiques qui ont touché le Vieux Continent. Elle est évaluée à près de 285 Mt, en chute de 5 % par rapport à la dernière campagne et de 8 % par rapport à la moyenne des 5 dernières saisons.

Les conditions humides de l’automne 2017 ont entravé les semis de cultures d’hiver dans le nord de l’Europe. Les surfaces consacrées au blé et à l’orge d’hiver accusent un recul de 3 %. Ce déclin a été compensé par un accroissement des parcelles dédiées aux cultures de printemps malgré que le froid et la pluie aient retardé certains travaux des champs. Au final, la superficie céréalière européenne se tasse de 0,6 %, à 55,147 millions d’hectares.

À cela s’ajoutent la persistance des températures printanières et estivales élevées (notamment en Allemagne, en Pologne, en Scandinavie et dans les États baltes) et les vagues de chaleur qui ont touché l’ouest de l’Union européenne (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni et Irlande, entre autres).

Le froment a été particulièrement affecté par ces conditions qui ont nui à son développement et au remplissage des grains. Sans surprise, la production est en déclin et s’affiche à 129 Mt (-9 % par rapport à 2017/2018). Il s’agit de son plus bas niveau en 6 ans ! À titre d’exemple, les récoltes ont chuté en Allemagne (-18 %), Pologne (-14 %), Lettonie (-33 %) et Lituanie (-29 %).

La récolte de maïs grain devrait se chiffrer à 62,1 Mt, en décroissance de 6 % par rapport à 2017/2018. Cela s’explique essentiellement par une baisse des rendements en France et en Roumanie, les deux principaux pays producteurs. À ce stade, des incertitudes subsistent néanmoins quant au potentiel transfert d’une partie de ce maïs vers l’alimentation animale, en vue de compenser le manque de fourrage grossier dans certaines régions d’Europe.

L’export européen s’affiche à la traîne

Quant à l’évolution des prix, les experts européens observent que les céréales ont atteint un pic au mois d’août, supérieur aux valeurs observées la saison dernière (environ +50 €/t pour le blé et +60 €/t pour l’orge). Toutefois, en raison d’une moindre disponibilité céréalière en Europe, l’évolution des prix dépendra des capacités d’exportation des autres régions productrices.

Le commerce net de céréales a de son côté enregistré un déclin durant la campagne 2017/2018 s’établissant, fin juin, à 9 Mt. Les quantités exportées sont en baisse pour la troisième année consécutive, atteignant seulement 33,5 Mt, alors que l’import ne cesse de croître, culminant à 24,4 Mt.

Cette chute des exportations s’explique principalement par une réduction de 15 % des expéditions de froment par rapport à la saison précédente, s’implantant à 21,3 Mt seulement. Une baisse de 25 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années ! Cette détérioration pourrait être une conséquence de la perte de parts de marché en 2016/2017, en raison d’une faible récolte européenne dans un contexte d’abondance sur les marchés mondiaux.

En outre, en raison de la forte concurrence du bassin céréalier de la mer Noir, les exportateurs européens n’ont pas été en mesure de récupérer les parts de marché perdues. À cela s’ajoute encore la très bonne récolte enregistrée cette année en Russie, lui permettant de proposer des prix extrêmement compétitifs. De quoi accroître encore la concurrence… Au final, cela a pesé sur les prix qui se sont stabilisés à un niveau relativement bas.

L’augmentation des importations de céréales a, quant à elle, été dopée par le maïs. En effet, en 2017/2018, les achats de maïs ont grimpé de 31 % pour atteindre le niveau jamais atteint de 17,8 Mt. Destinées à l’alimentation animale, les livraisons provenaient principalement du Brésil et d’Ukraine. Les producteurs d’aliments européens ont fait face à la fois à une hausse des cheptels porcin et bovin et à une baisse de la production de maïs. Importer était donc inévitable.

Dans une moindre mesure, la croissance des importations de sorgho (+250.000 t) et de seigle (+42.000 t) dans l’Union européenne a également contribué à la hausse globale.

Selon les données déjà disponibles pour 2018/2019, les tendances observées semblent se poursuivre avec de faibles exportations de froment et d’orge. Du côté des importations, le froment et le maïs suivent une tendance à la hausse. La situation est donc assez particulière pour le froment que l’Europe exporte… et importe.

Oléagineux : nouveau record mondial

Au terme de la saison 2018/2019, la récolte mondiale d’oléagineux devrait être supérieure au niveau atteint la saison dernière, pourtant déjà qualifié de record. L’USDA (département de l’Agriculture des États-Unis) table sur une production de 605 Mt, notent les experts européens, en raison de récoltes exceptionnelles en soja et tournesol. Le colza s’affiche quant à lui en recul, en raison d’une baisse de la production dans les principaux bassins producteurs que sont l’Europe, la Chine et le Canada.

La production de soja est quant à elle en excellente forme aux États-Unis (+4 %) et surtout en Argentine (+44 %), en raison, d’une part, de bonnes conditions climatiques et, d’autre part, d’une progression des surfaces cultivées. Durant les mois écoulés, le soja américain s’échangeait à des prix très compétitifs en raison de tensions commerciales avec la Chine, découlant sur un tassement des importations chinoises. Ce paramètre, combiné à une importante disponibilité, devrait entraîner un renforcement des échanges avec d’autres pays et, par conséquent, une augmentation des activités de trituration dans le monde entier.

Colza européen : net recul des rendements

En Europe, la production d’oléagineux est estimée à 32,2 Mt, fléchissant de 7,7 % par rapport à 2017/2018 et de 1,8 % par rapport à la moyenne des cinq dernières saisons. Un déclin qui s’explique par la baisse de la production en colza et, dans une moindre mesure, en tournesol. Déclin que le soja européen, s’affichant en bonne forme, n’a pu compenser. La surface dédiée aux oléagineux, toutes espèces confondues, ayant augmenté (+ 3 %, à 12,1 millions d’hectares), seul un recul des rendements explique de tels résultats (-8,7 % par rapport à 2017/2018).

En détail, les experts constatent que la production de colza européen s’est stabilisée juste sous les 20 Mt, en chute de 9 % par rapport à la moyenne quinquennale. Cela s’explique par les mauvaises conditions climatiques observées en début de saison et par les hautes températures printanières. Ces dernières ont nui au développement et au rendement, en baisse de 12 %. La plupart des pays producteurs ont été touchés par la chaleur continue, en particulier l’Allemagne (-14 %), la France (-11 %) et la Pologne (-18 %). Certains États s’en sortent mieux : la Roumanie (-9 %) et le Royaume-Uni (-2 %).

Les rendements européens de  colza se tassent  de 12 % en raison des conditions  climatiques.
Les rendements européens de colza se tassent de 12 % en raison des conditions climatiques. - J.V.

La production de graine de tournesol est évaluée à 9,7 Mt. Malgré un recul de 6 % par rapport à 2017/2018, cela reste 7 % supérieurs à la moyenne. Cette situation s’explique par un tassement des surfaces dédié à cette culture et ce, partout en Europe. On notera toutefois les excellents résultats observés en Bulgarie et Roumanie. Ces deux pays contribueraient, à eux seuls, à plus de 40 % de la production totale européenne.

A contrario des autres cultures, la production de soja est en hausse : +7 %, à 2,8 Mt. La production italienne devrait augmenter fortement, à 1,2 Mt (+ 16 %), grâce à des rendements moyens mais toujours bons. En France, malgré un envol de la superficie (+149.000 ha), des rendements plus faibles devraient engendrer un fléchissement de la récolte, évaluée à 400.000 t.

Plus de soja moins de tourteaux

Un bref retour sur les chiffres 2017/2018 du commerce européen d’oléagineux montre un léger recul des importations, à 18,6 Mt. Cependant, les achats de colza (+15 %) et de soja (+3,6 %) restent supérieurs à la moyenne des cinq dernières saisons. Les importations de tourteaux de soja ont augmenté de 2 %.

Concernant la saison en cours, le commerce international du soja devrait se renforcer, en raison d’une offre abondante aux États-Unis mais également de tarifs concurrentiels pratiqués par ce même pays. Selon les dernières données douanières disponibles, les importations européennes de soja ont d’ailleurs augmenté de 10 % en juillet et août tandis que les achats de tourteaux reculent. La production de tourteaux européens devrait croître, les usines pouvant réaliser des marges plus importantes. Le maintien, ou non, de droits de douane chinois sur le soja américain, imposés en raison de la politique menée par Donald Trump, sera à surveiller tout au long de la campagne. Leur impact sur les marchés internationaux pourrait être non négligeable.

Enfin, les importations européennes de colza se renforceront en raison des faibles récoltes déjà évoquées.

J.V.

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