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Comment liquider un sentier pédestre?

Selon la commune, un sentier pédestre se trouverait sur mon terrain. Je n’en ai jamais connu et j’ai toujours cultivé la totalité de ma parcelle mais, mon père se souvient effectivement de la présence d’un sentier au milieu de notre champ. Il a disparu il y a plus de 30 ans et la commune veut à nouveau l’ouvrir. Comment puis-je éviter cela ?

Temps de lecture : 4 min

I l faut tout d’abord examiner la nature du sentier en espèce. Sur base des recherches que nous avons effectuées, il nous semble que le sentier pédestre dont vous parlez se trouve sur le tracé de l’ancien chemin vicinal nº 9 reliant trois églises. Le chemin étant inscrit à l’Atlas des chemins vicinaux, il s’agit d’une voie publique.

Chemin vicinal ?

Les chemins vicinaux sont soumis à une réglementation propre. Actuellement, ils sont régis par la loi du 10 avril 1841. De manière assez particulière, on ne trouve pas de définition du chemin vicinal dans cette loi. Le projet initial comprenait cependant la définition suivante : « un chemin est vicinal, quel que soit le mode de circulation, lorsqu’il est légalement reconnu nécessaire à la généralité des habitants d’une ou de plusieurs communes, ou d’une fraction de commune ».

Comment liquider ?

Il n’existe que deux possibilités pour liquider la voie publique. On peut demander au tribunal la prescription acquisitive d’un chemin vicinal mais seulement si les conditions expliquées ci-dessous sont remplies ou on peut solliciter la suppression d’un chemin vicinal.

Il est vraiment important de bien choisir la voie à suivre car le choix fait peut éliminer l’autre possibilité. Plus précisément, une demande de suppression du chemin implique la reconnaissance de ce chemin, une prescription sera donc impossible.

La prescription

Comme vous êtes propriétaire unique du terrain sur lequel le sentier passe, vous avez le droit de demander la prescription acquisitive d’un chemin vicinal. Cependant, liquider un chemin vicinal par une prescription trentenaire acquisitive n’est pas simple.

L’article 12 de la Loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux dispose que les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles, aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public.

Tant qu’un chemin vicinal est affecté à sa destination, ne fût-ce que sur une partie de sa largeur, il est imprescriptible sur sa totalité. Dans ce cas, la possession ne compte pour rien, aucune action ne la protège en justice (avis du procureur général Mesdagh de ter Kiele précédant l’arrêt du 4 juillet 1889 de la Cour de Cassation).

Toutefois, celui qui usurpe un chemin vicinal sur toute sa largeur, empêchant ainsi le public d’y passer, pourra devenir propriétaire de l’assiette de ce chemin par prescription trentenaire. L’idée est que la partie reprise doit être considérée comme inutile à l’usage public. La prescription de la propriété de l’assiette aboutit à la suppression du chemin, quoi qu’en dise l’atlas des chemins vicinaux : les mentions de l’atlas ne sont pas décisives.

Le Juge de Paix de Louvain a bien résumé dans un jugement de 7 avril 2015 : «  Pour la prescription acquisitive d’un chemin vicinal par un particulier, il ne suffit pas que le chemin vicinal ne soit plus utilisé par le public. Il est indispensable que la commune ait l’intention de ne plus mettre le chemin à la disposition de ses habitants. Cette intention peut ressortir de circonstances de fait comme un défaut d’entretien ou de réparation . » (J.P. Louvain 7 avril 2015, RW 2015-16, liv. 13, 516)

Dans votre cas, il nous semble impossible d’invoquer la prescription trentenaire. La lettre envoyée par la commune l’année passée prouve qu’il n’est pas question d’une désaffection. La prescription est donc impossible.

La suppression

Heureusement, la loi vous laisse encore une piste via la suppression de ce chemin. Le chemin ayant perdu son but, vous pouvez demander de le supprimer.

La suppression des chemins vicinaux est réglée dans les articles 27 à 29 de la loi précitée.

Selon l’article 27 de la loi précitée les conseils communaux sont tenus de délibérer, à la réquisition de la députation du conseil provincial, sur l’ouverture, le redressement, l’élargissement et la suppression des chemins vicinaux. En cas de refus de délibérer ou de prendre les mesures nécessaires, la députation peut, sous l’approbation du Roi, ordonner d’office les travaux et acquisitions, et pourvoir à la dépense, en suivant les dispositions du chapitre précédent.

L’ouverture, la suppression ou le changement d’un chemin vicinal doivent être précédés d’une enquête.

L’article 29 de la loi précitée dispose qu’en cas d’abandon ou de changement de direction total ou partiel d’un chemin vicinal, les riverains de la partie devenue sans emploi auront le droit, pendant six mois, à dater de la publication par le collège échevinal de l’arrêté qui approuve le changement ou l’abandon, de se faire autoriser à disposer en pleine propriété du terrain devenu libre, en s’engageant à payer, à dire d’experts, soit la propriété, soit la plus-value dans le cas où ils seraient propriétaires du fonds.

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