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Le siècle des paradoxes et des enfants gâtés

Hier, en rentrant du boulot, je relève ma boîte aux lettres. J’y trouve le folder d’une célèbre chaîne de hard-discount. Comme chaque semaine, je le feuillette en quête du gadget indispensable qui devrait révolutionner mon quotidien et qui, plus objectivement, se révélera rapidement tout à fait inutile. Régulièrement et selon la période, ces chaînes – « leaders des prix bas et en dessous de la moyenne » – se positionnent en tant que spécialiste en décoration intérieure, mode, petite enfance ou encore matériel de cuisine… Le printemps approchant, la place est actuellement donnée au jardin.

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Qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir, aux côtés d’une horde de nains, une proposition pour du fumier de vache en granulés. « 100 % fumier séché de vache » à 0,75 euro le kilo – alors que la même chaîne vend du lait à 0,67 euro/l –, le tout présenté dans un seau en plastique « hermétique et refermable » pour être sûr qu’aucune odeur n’envahisse l’espace personnel de son acheteur. Je ne sais de qui on se moque le plus : l’acheteur ou l’agriculteur ?!

La pratique est courante et elle n’est ni plus, ni moins critiquable que la fertilisation chimique des champs me diront certains… Oui, peut-être… Mais, il est quand même ironique de constater ; qu’alors que la population réclame à cor et à cri du « naturel » et du « sain », que des enfants manifestent pour que des actions soient prises en faveur du climat, et qu’on demande sans cesse à la profession agricole de faire mieux et de se remettre en question ; que la grande distribution propose aux citoyens des produits d’origine parfois douteuse. Personne ou presque n’y trouve grand-chose à redire tant notre besoin de confort est primordial. Ce produit l’acheteur pourrait sans doute se le procurer gracieusement chez son voisin agriculteur, ainsi, qu’au passage, un litre de lait à un prix honnête. Mais il aurait alors fallu s’adresser à lui, comprendre comment il travaille au lieu de le supposer et, surtout, se salir. Trop lent, trop beurk, pas assez bucolique… Oubliés les beaux discours et les belles résolutions. Un retour aux sources mais pas trop s’il vous plaît ! On veut du naturel… propre et rapide. On veut du bon, du sain et du respectueux… pas cher. On veut de la simplicité et du choix…

Nous sommes élevés dans la ouate et l’opulence, déconnectés des réalités. On nous vend une image et des idées sans nous en expliquer l’histoire, la rudesse et les sacrifices qu’elles imposent et ont imposé à nos aïeux. Ces «valeurs», nous les défendons les yeux bandés, du moins quand cela nous arrange. Bienvenues au 21e siècle, celui des enfants gâtés !

DJ

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