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Favorable à leur bien-être et à leur acceptation par des truies étrangères

Début février, les 51e Journées de la recherche porcine se tenaient à Paris. L’occasion le Cra-w, d’y présenter des recherches menées chez nous sur les effets d’une socialisation pré-sevrage sur les performances et le comportement des porcelets durant la période de lactation. Retour sur l’expérience.

Temps de lecture : 8 min

La socialisation précoce des porcelets en maternité est généralement effectuée pour réduire le stress et l’agressivité au sevrage mais également en vue d’obtenir de meilleures performances.

Diminuer le stress social

Si les porcelets se connaissent au sevrage, le stress social diminue, ce qui les rend moins sujets aux infections. La socialisation pré-sevrage leur permet donc non seulement de développer des aptitudes sociales, une flexibilité comportementale mais aussi une meilleure capacité d’adaptation.

En outre, mélangés jeunes en présence des truies, ils acceptent plus facilement des congénères étrangers ; les comportements agonistiques – l’ensemble des conduites liées aux confrontations de rivalité entre individus – sont ainsi moindres. Lors d’éventuels combats, ces derniers sont plus courts et les blessures moins importantes.

Autre aspect qui autorise la socialisation des jeunes : le retrait des cloisons entre loges. La zone de repos peut être ainsi mieux mise à profit. Ayant plus d’espace, les jeunes porcs possèdent ainsi un environnement social et physique enrichi qui diminue leur agressivité. Tout bénéfice pour les comportements de jeu.

L’importance de la tétée

Toutefois, les données sont plus incertaines sur les performances des porcelets.

D’après certaines études, les allaitements croisés qui résultent du mélange des porcelets réduiraient la prise de lait, le gain de poids des porcelets et entraîneraient davantage de combats pour les mamelles. La truie qui reconnaît ses propres petits via l’olfaction, dès 24 à 36 heures post-partum, risquerait d’être perturbée par des porcelets étrangers et de mettre fin à la tétée. Les allaitements croisés pourraient être associés à une compétition aux mamelles, à une probabilité augmentée d’allaitements interrompus avant l’éjection du lait et à une dégradation des performances de la portée. Cependant, d’autres recherches indiquent que les perturbations de tétées ne sont que temporaires et n’auraient que très peu d’effet sur la croissance des porcelets.

Selon une autre étude, une socialisation durant la période de lactation rendrait les porcelets plus homogènes et plus lourds au sevrage. Les porcelets socialisés en maternité auraient un gain de poids supérieur après le sevrage, notamment durant la première semaine. Rapidement après la naissance, une hiérarchie de tétée se met en place. Après 24 heures, 50 % des tétées ont lieu sur la paire de mamelles préférée. Après trois jours, ce chiffre augmente à 86 % et au bout de 10 jours, la fidélité aux mamelles est quasi parfaite.

Dans les grandes portées, cette mise en place est perturbée et seulement 80 % des porcelets tètent sur une seule paire de mamelles au bout de 13 jours. Si le nombre de mamelles dépasse le nombre de porcelets, chaque porcelet a sa mamelle. Mais s’il y a davantage de porcelets que de mamelles, celles-ci sont partagées. C’est d’autant plus positif que cela permet un vide complet des mamelles, ce qui stimule une meilleure production laitière. Lorsque les porcelets sont mélangés, l’allaitement de porcelets étrangers est fréquemment observé. Un lien préférentiel est cependant établi avec les jeunes de la portée qui restent auprès de leur mère au sein du groupe et réagissent principalement à ses grognements d’appel.

Des recherches ont également démontré que lorsque les truies restent confinées alors que les porcelets sont mélangés, les allaitements croisés sont moins fréquents que lorsque les truies sont groupées. Dans des conditions semi-naturelles, les porcelets quittent leur nid et se mélangent avec les autres vers 10 – 12 jours post-partum. À ce moment, les porcelets ont acquis une immunité minimale. Les truies primipares ont souvent un colostrum moins riche en Immunoglobuline G – IgG, des anticorps – que les truies multipares. Avec l’augmentation du rang de portée, une augmentation de la concentration sérique d’IgG se produit et ceux-ci se retrouvent dans le colostrum. C’est pour cette raison qu’il est déconseillé de mélanger des porcelets de primipares avec ceux de multipares. En effet, les porcelets de primipares sont moins compétents au niveau immunologique et peuvent donc se trouver lésés et avoir une moins bonne croissance s’ils sont mélangés avec des porcelets de multipares.

La socialisation des porcelets en maternité semble être favorable à leur bien-être.  En effet, les socialisés ont significativement plus exploré leur environnement.
La socialisation des porcelets en maternité semble être favorable à leur bien-être. En effet, les socialisés ont significativement plus exploré leur environnement. - Cra-W

25 truies et leurs portées observées

L’objectif de l’expérimentation menée dans la porcherie du Cra-W à Gembloux : analyser les effets d’une socialisation pré-sevrage sur les performances et le comportement des porcelets et des truies durant la période de lactation.

La maternité est composée de trois salles contenant chacune neuf loges de mise bas. Au total, 25 truies et leurs portées ont été utilisées pour l’expérimentation. Les cloisons entre trois loges côte à côte (4 x 3 loges) ont été enlevées au jour 11 tandis que les truies sont restées confinées dans leur loge de mise bas (groupe expérimental, socialisation – S). Les cloisons des autres loges sont restées en place durant toute la période de lactation (groupe témoin – T). Les porcelets ont été sevrés à 28 jours. Chaque porcelet a été pesé à la naissance, et aux jours 12 et 27. Leur comportement a été observé trois fois par jour du jour 11 au jour 26.

Des porcelets relativement homogènes…

– Poids au sevrage et mortalité

Les poids de portée à jour 27 ne sont pas significativement différents entre les traitements S et T (cf. Tableau 1). Le gain de poids des porcelets socialisés n’a pas été supérieur à celui des témoins. Ceci pourrait être expliqué par les allaitements croisés puisque ceux-ci réduiraient la prise de lait.

Les nombres de porcelets morts n’ont pas été significativement différents entre S et T. Le taux de mortalité du 12e au 27e jour a été de 8,0 % pour le groupe S et de 5,6 % pour le groupe T.

SOCIA 1 (3)

– Homogénéité

La variabilité du poids des porcelets au sein des portées est la même entre les deux traitements au 12e jour. Au sevrage, la variabilité est plus faible pour les socialisés (1,2 vs 1,7 kg) mais il n’y a pas d’effet significatif du traitement.

De même, les deux lots de porcelets sont homogènes quant à leurs poids. La socialisation n’a pas amélioré l’homogénéité des porcelets au sevrage.

… et davantage curieux

Le jour du retrait des cloisons, les socialisés se sont significativement moins reposés (56 %) que les témoins (78 %). Quel que soit le groupe, on note très peu de comportements agressifs entre les porcelets.

Ces activités se sont confirmées dans les jours suivants. Durant les quatre premiers jours, les porcelets S se sont significativement moins reposés (61,0 vs 71,7 %) et n’ont pas montré plus d’agressivité (Tableau 1). Le retrait des cloisons dans le groupe S a eu pour conséquence d’augmenter significativement le niveau d’exploration des porcelets S (respectivement 20,6 vs 10,6 % pour les groupes S et T). Les porcelets se sont montrés curieux. Ils ont passé davantage de temps à explorer leur nouvel environnement et à « faire connaissance » avec les autres truies et porcelets. L’activité de tétée n’a pas été significativement différente.

Durant les sept jours d’observations qui ont suivi, les porcelets des deux traitements ont eu des profils d’activités relativement similaires (Tableau 2). Très peu de comportements agressifs ont été observés dans les 2 groupes. Aucune griffure n’a été dénombrée dans les portées au sevrage. De manière générale, les porcelets ont passé la plus grande partie de leur temps à dormir durant la période de lactation. Seul le pourcentage de jeu aurait tendance à être supérieur pour les porcelets S.

SOCIA 2

Pour le groupe S, 78 tétées ont été observées pour les quatre groupes de trois truies (18 pour le groupe 1, 22 pour le groupe 2, 17 pour le groupe 3 et 21 pour le groupe 4). Aucun comportement agressif des truies envers les porcelets étrangers n’a été observé durant les allaitements. Les truies S d’un même groupe ont eu tendance à se synchroniser pour allaiter (79 % en moyenne pour les quatre groupes).

SOCIA 3

Quand les allaitements étaient synchronisés, les porcelets ont eu davantage tendance à rester chez leur mère. En effet, en moyenne, 85 % des porcelets aux tétées étaient des résidents. Toutefois, quelques porcelets étrangers fixes s’étaient attribué une mamelle. Quand il y a eu synchronisation, les allaitements ont également paru plus calmes, avec moins de bagarres aux mamelles.

Lorsqu’ils n’étaient pas synchronisés, la plupart des porcelets étaient chez la truie qui allaitait et la concurrence pour les tétines était importante. Il y avait donc davantage de combats pour les mamelles. Les combats étaient d’autant plus soutenus que le nombre de porcelets était trop important pour le nombre de mamelles fonctionnelles. L’agitation causée par les petits a souvent eu pour conséquence l’interruption de l’allaitement par la truie.

Les porcelets étrangers fixes (n = 13) représentent 9 % de l’effectif des porcelets du groupe S au sevrage (n = 139).

Et chez les truies ?

Le jour du retrait des cloisons, les porcelets étrangers ont généralement été bien acceptés par les truies. Celles-ci étaient curieuses et ont reniflé abondamment les porcelets étrangers. Seule une truie sur 12 s’est montrée agressive envers certains jeunes étrangers (coups de tête, grognements, tentatives de morsure). Cette truie multipare a présenté ces comportements sept fois sur les 12, c’est-à-dire pour plus de la moitié des observations. Aucun porcelet n’a toutefois été mordu ou blessé.

Les performances des truies n’ont pas été influencées par le traitement. Aucune différence significative n’a été observée entre les truies du groupe S et T.

Notons enfin que les allaitements croisés des truies S n’ont pas influencé la perte de poids ou d’épaisseur de lard dorsal.

D’après Ariane Dekeuwer,

Julie Hurdebise, Martine Laitat

et José Wavreille

Cra-w, ULg Gembloux Agro-bio Tech

et ULg FMV

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