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L’irrigation en maraîchage: quand, comment, combien?

Le brutal coup de chaleur enduré dès ce début de l’été vient nous rappeler opportunément combien l’approvisionnement hydrique de nos cultures maraîchères est important et mérite que l’on s’y attarde quelque peu dans le présent article.

Temps de lecture : 6 min

Les cultures maraîchères développent un enracinement moins profond que les grandes cultures. Plusieurs raisons agronomiques à cela. Leur courte période de végétation pour certaines d’entre elles ne leur laisse que peu de temps pour développer des racines profondes. Les plantes repiquées ont une racine pivotante brisée, les racines secondaires descendent moins profondément dans le sol. Des espèces développent naturellement un enracinement moins profond.

Le sol : la base

La bonne structure favorise l’exploration du sol par les racines des plantes en profondeur et latéralement.

La texture du sol et son drainage naturel influencent directement la manière de piloter son irrigation. Les sols sablo-limoneux, par exemple, percolent nettement plus vite après un apport d’eau que les sols limoneux plus riches en argiles. Le site WalOnMap nous aide dans cette détermination, notamment pour les terrains que nous ne connaissons pas encore par expérience personnelle.

Si le sol contient 5 % d’argile, la réserve d’eau facilement utilisable par les plantes est de 0,06 à 0,07 fois la profondeur d’enracinement. Si le sol contient 15 % d’argile, la réserve d’eau facilement utilisable par les plantes est de 0,1 fois la profondeur d’enracinement, c’est-à-dire 1 mm d’eau facilement disponible par cm de profondeur d’enracinement. Si la teneur en argile est de 25 %, la réserve facilement utilisable est de 0,12 à 013 fois la profondeur d’enracinement de la culture.

Les techniques de désherbage et de culture

Les faux semis sont nécessaires chaque fois que le temps et la météo nous le permettent. Mais les travaux répétés du sol favorisent aussi le dessèchement superficiel.

Les paillages permettent de fameuses épargnes d’eau, que ce soit par les paillages naturels, en plastique de couverture de sol ou des filets microclimats.

Quand irriguer ?

L’irrigation par aspersion réalisée durant la période de présence normale de la rosée n’augmente pas la durée de la période d’humectation du feuillage et n’a donc que peu d’influence sur les risques de maladies du feuillage. Si une interruption de 4 heures sépare la fin de la rosée et l’irrigation, les risques ne sont pas augmentés non plus.

Quelle technique choisir ?

L’approvisionnement en eau est la première question à résoudre quand l’irrigation est envisagée.

L’irrigation par goutte-à-goutte exige moins d’eau que celle par aspersion. Mais la présence des tuyaux sur le sol peut compliquer les façons aratoires, comme les binages par exemple.

L’aspersion est sensible au vent, les recouvrements d’asperseurs ou de canons ne sont pas irrigués avec la même intensité.

Les techniques d'irrigation en goutte-à-goutte...
Les techniques d'irrigation en goutte-à-goutte... - F.

... et par aspersion ont chacune leurs avantages et inconvénients.
... et par aspersion ont chacune leurs avantages et inconvénients. - F.

L’aspersion couvre toute la largeur de la bande de culture et permet une meilleure exploration latérale par les racines, c’est favorable pour l’absorption des éléments minéraux, majeurs comme mineurs. Le zinc, le bore et le manganèse sont des éléments qui sont parfois diagnostiqués en carence. Le fait de favoriser une bonne exploration du sol est important, comme la connaissance des teneurs de notre sol, via une analyse de laboratoire.

Combien d’eau par tour ?

L’emploi de deux tensiomètres positionnés l’un au niveau moyen d’enracinement et l’autre 20 cm plus bas permet de connaître l’évolution de la pénétration d’eau dans le sol.

Plusieurs pluviomètres permettent de connaître les quantités d’eau apportées par aspersion et la variabilité de ces apports dans le champ.

Les quantités apportées en plein champ sont de l’ordre de 150 à 250 mm en plein air et de 600 à 800 mm sous abris. Sous abris, l’eau est apportée par deux réseaux, l’un en goutte-à-goutte, l’autre en aspersion.

La pression de service est de 1,5 bar en goutte-à-goutte et de 4,5 bars en aspersion.

Les pourritures de racines peuvent être favorisées par des apports d’eau trop importants et un drainage limite. C’est vrai avec le goutte-à-goutte et avec l’aspersion.

Une bêche ou une tarière permettent de constater l’effet des apports d’eau sur l’humidité du sol.

La quantité d’eau évaporée en surface du sol ou transpirée par les cultures dépend de la vitesse du vent, de la chaleur et de l’ensoleillement ou de la couverture nuageuse. Elle peut être estimée à 3 mm par jour en moyenne entre le printemps et l’automne, mais en pratique, elle varie fortement dans une fourchette de 0 à 7 mm par jour.

Après un semis, nous pouvons retenir un besoin de 10 mm d’eau pour la germination, mais en cas de vent desséchant et germination inaccomplie, il faudra maintenir le lit de semi-humide et renouveler l’opération d’irrigation, tout en évitant la battance. Un arrosage de 5 mm/heure durant 2 heures est approprié pour maintenir le lit de germination humide. L’inconvénient des irrigations par aspersions pourrait être une battance superficielle du sol si les apports sont brutaux. Un voile de forçage peut amortir l’effet matraquant des gouttes.

Pour les cultures plantées, les plants à racines nues seront trempés juste avant les arrachis en pépinière ou juste après dans des bassins. Les mottes pressées seront bien humidifiées pour assurer les besoins en eau des plantules lors des premières dizaines d’heures après la plantation. L’irrigation sera réalisée dès la plantation et plusieurs fois par jour jusqu’à la reprise, pendant environ deux premières semaines après plantation se feront en aspersion.

L'excès d'humidité amène une asphyxie des racines, des pourritures s'installent.
L'excès d'humidité amène une asphyxie des racines, des pourritures s'installent. - F.

Quand les cultures sont bien installées, elles ont besoin d’eau pour se développer. En tenant compte de ces besoins et de l’évaporation habituelle du sol, nous pouvons estimer que les besoins moyens sont de l’ordre de 3 mm/jour. C’est une moyenne sur toute la période de culture depuis le printemps jusqu’à l’automne. Pour des journées chaudes, sèches et légèrement venteuses comme celles de la fin de juin les besoins de la culture s’élèvent à plus de 5 mm par jour, voire 7 mm pour les journées les plus dures.

La qualité de l’eau

L’analyse chimique permet de vérifier que l’eau disponible convient à l’irrigation. La charge en particules minérales ou organiques oriente aussi la réflexion sur les mesures à prendre pour éviter les colmatages.

La température de l’eau est un facteur important. De l’eau froide apportée sur le sol le refroidit, entraînant un ralentissement de l’activité racinaire.

La surveillance

Pour le pilotage quotidien, les apports d’eau peuvent être déterminés quantitativement de plusieurs manières. Des services (payants) permettent de disposer des données de calcul de l’évapotranspiration potentielle (ETP) qui dépend de données météo, de la culture et de son stade.

Une autre méthode : les tensiomètres permettent de déterminer les possibilités de mise en réserve d’eau par le sol à un moment donné et donc de régler le temps entre deux passages d’irrigation. Les tensiomètres sont idéalement utilisés par paire et sont positionnés à deux profondeurs différentes, respectivement au quart et au trois-quarts de la profondeur d’enracinement de la culture. Dans nos conditions wallonnes, ce sera donc souvent à environ 30 et à 60 centimètres de profondeur. Ils indiquent une tension correspondant à l’effort exercé par les plantes pour capter l’eau du sol. On irrigue lorsque la pression est de 0,20 bar en sol limoneux, un peu moins en sol sableux, un peu plus en sol argileux. Ne pas oublier de surveiller l’amorçage des tensiomètres avant leur mise en service et chaque fois qu’ils sont déplacés ou placés en situation de sécheresse excessive.

profondeur

Avec un peu d’expérience, l’examen visuel de l’état des plantes et de l’état des trente premiers centimètres de sol permet aussi au maraîcher d’apprécier les moments de mise en route de l’irrigation.

F.

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