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Sous l’œil expert du Cipf, le sorgho, un nouveau venu dans nos campagnes!

Les printemps secs et étés déficitaires en eau des dernières années incitent à la recherche de cultures plus tolérantes à une faible disponibilité en eau. Le sorgho fait partie de celles-ci et peut mieux supporter une première récolte de fourrage (méteil, ray-grass, …) avant son implantation.

Temps de lecture : 8 min

Le sorgho est une plante monocotylédone de la famille des Poaceae, originaire d’Afrique. Cette plante herbacée annuelle ou vivace peut atteindre jusqu’à 3,5 à 4 m de haut pour certaines variétés et porte une inflorescence terminale en panicule compacte. Celle-ci regroupe des épillets d’une ou deux fleurs bisexuées.

Le sorgho possède un système racinaire puissant, capable de descendre rapidement à une grande profondeur du sol (jusqu’à 2 m) pour y extraire de l’eau et les éléments nutritifs. Cette particularité lui permet une grande résistance à la sécheresse. Ses besoins en eau sont en moyenne 20% plus faibles que ceux du maïs.

Il s’agit comme le maïs ou le miscanthus d’une plante en C4, qui supporte bien les températures élevées

Différents types de sorgho

Le sorgho se présente sous la forme de sorgho grain, de sorgho sucrier et de sorgho multicoupe.

Dans nos contrées, les sorghos grain n’arrivent pas à maturité. Le sorgho multicoupe peut en fait produire 2 coupes significatives, la première plus abondante et la seconde des repousses d’intérêt variable selon les températures et la disponibilité en eau de l’année. Ce sorgho multicoupe ne contient pas d’amidon et présente donc des teneurs en matières sèches et des valeurs énergétiques plus faibles.

Les sorghos sucriers apparaissent comme les plus intéressants dans nos régions. Leur rendement en plante entière est également très dépendant des sommes de températures disponibles. Malgré une teneur faible en amidon (souvent inférieur à 20% de la matière sèche) plus faible que le maïs, ce type de sorgho présente une valeur énergétique intéressante grâce aussi à l’accumulation des sucres solubles dans ses tiges.

Au-delà de 250 m d’altitude, le sorgho n’a toutefois pas sa place. Il est, en effet, plus exigeant en températures que le maïs à la fois pour germer et pour accomplir son cycle de croissance.

Les inflorescences terminales des plantes contiennent les petites graines.
Les inflorescences terminales des plantes contiennent les petites graines. - M. de N.

Exigeant en température pour un bon départ

De petite taille, les semences de sorgho sont généralement semées à partir du 20 mai lorsque la terre est bien réchauffée (12°C). Elles sont déposées à 2-3 cm de profondeur à une densité de 150 à 200.000 grains par ha pour un écartement entre rangs de 75 cm comme le maïs. Il est important d’être attentif à la préparation du lit de semences et à la qualité de semis pour obtenir un contact sol-graine satisfaisant. Toutes les graines ne germent pas. Même en bonnes conditions, le taux de pertes à la levée se situe entre 15-20%.

Le sorgho peut être attaqué par des larves de taupins (après prairie principalement). Les dégâts se produisent principalement pendant la phase de germination-levée.

Grâce à son aptitude à puiser l’eau en profondeur, le sorgho a également une capacité à y prélever l’azote minéral. De ce fait, les apports d’azote par les engrais peuvent être modérés. Il valorise également bien les apports de matières organiques (fumier bovin 35 T par ex). En absence de fumier, on appliquera 70 à 80 U d’azote (tenir compte du précédent). Un maïs dans les mêmes conditions nécessiterait110 unités d’azote minéral.

Le Cipf étudiera l’année prochaine la fertilisation azotée en vue de mieux maîtriser ce paramètre.

L’an dernier, avec une taille moyenne entre 1,5 à 3,5 m selon les variétés, les rendements du sorgho testé par le Cipf variaient entre 12 et 18,3 tonnes de matière sèche.
L’an dernier, avec une taille moyenne entre 1,5 à 3,5 m selon les variétés, les rendements du sorgho testé par le Cipf variaient entre 12 et 18,3 tonnes de matière sèche. - Cipf

Le désherbage, une étape délicate... et essentielle

Le sorgho est une culture sensible à la concurrence des adventices. La réussite du désherbage est un point clé dans l’itinéraire. Actuellement, seuls le Gardo Gold (S’métolachlore + terbuthylazine) et le Stomp Aqua (pendiméthaline) sont agréés sur la culture de sorgho, ce qui ne permet pas de contrôler de manière satisfaisante les principales dicotylées ou d’éliminer les graminées après leur levée.

Cette année, le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) a installé des essais visant à étudier la sélectivité de différentes substances actives en pré ou en postémergence sur un assortiment de 10 variétés.

L’objectif dans ce contexte est donc de solliciter des extensions d’agréation sur sorgho pour les quelques substances actives complémentaires et sélectives de la culture. Un autre essai a pour but d’adapter les doses et de trouver des complémentarités entre les matières actives pour permettre le traitement herbicide si possible en un seul passage avec la meilleure sélectivité et efficacité. Sur base de ces essais, il est déjà acquis que le nicosulfuron et le Laudis OD ne seront pas utilisables sur sorgho en raison d’un manque de sélectivité. Le désherbage mixte sera testé l’an prochain.

Pas de traitement phyto après le désherbage

Comme le maïs, le sorgho est peu dépendant de traitements phytos. Le feuillage reste parfaitement sain et aucune intervention n’est réalisée contre les insectes ou champignons.

Autre avantage, dans les régions où le sanglier pullule, le sorgho n’est pas consommé par celui-ci.

Des rendements tributaires des températures

Le Cipf mène depuis 7 ans des essais comparant le potentiel de production de différentes variétés de sorgho sucrier. Les parcelles sont récoltées et pesées avec une ensileuse pour parcelles d’essais.

Si l’on examine les résultats obtenus de 2014 à 2018 pour la production de sorgho sucrier ensilé (tableau 1), la meilleure année a été 2014. En effet, elle alliait température élevée et pluviométrie bien répartie tout au long du cycle. L’année 2015, déficitaire en température par rapport aux quatre autres, n’a permis qu’à une seule variété sur quinze d’atteindre un stade optimal de récolte. L’année 2016, beaucoup trop pluvieuse en juin a été la plus décevante.

SORGHO

En 2018, avec une taille moyenne des sorghos – entre 1,5 à 3,5 m selon les variétés –, les rendements variaient de 12 à 18,3 t (15 variétés testées) de matière sèche alors que la variété de maïs témoin Es Metronom atteignait 16,7 t de MS. Les teneurs en matières sèches au 8 octobre étaient comprises entre 19,5 et 43% selon les variétés. Sur les 15 variétés mises en essai, huit dépassaient 27,5% de MS.

Vu que le sorgho ne produit pas d’épi comme le maïs, la teneur en matière sèche est plus homogène dans la plante. Idéalement, le sorgho sucrier s’ensile au-dessus de 28% de matière sèche. En dessous de 27% de MS, le silo de sorgho coulera et donc une partie importante de l’énergie (sucres solubles) sera perdue par les jus.

Comme le maïs, le sorgho est peu dépendant de traitements phytos. Le feuillage reste parfaitement sain et aucune intervention n’est réalisée contre les insectes ou champignons.
Comme le maïs, le sorgho est peu dépendant de traitements phytos. Le feuillage reste parfaitement sain et aucune intervention n’est réalisée contre les insectes ou champignons. - Cipf

La variabilité des valeurs alimentaires est plus grande que pour le maïs fourrage. L’an dernier, les valeurs VEM/kg de MS variaient de 700 à 935 VEM alors que le témoin maïs atteignait dans cet essai 900 VEM/kg de MS. Par contre, certaines variétés peuvent s’avérer sensibles à la verse.

Le Cipf réalise un tri parmi les variétés depuis 2013 en recherchant la précocité, la tenue de tige et les paramètres qualitatifs.

Concernant les variétés testées en 2018, les deux plus productives (Es Styx et Amiggo) avec une teneur en matière sèche suffisante atteignaient des rendements compris entre 16,7 et 18,3 t de MS. De très grande taille, elles présentaient toutes deux de très hautes teneurs en sucres solubles (16 à 21%). Par contre, elles produisaient peu d’amidon (1 à 3%), avaient une digestibilité de la matière organique relativement faible (60%) et apportaient en moyenne 700 VEM à la ration.

A titre de comparaison, le maïs (variété demi-précoce, type fourrage, Es  Métronom) semé dans cette parcelle présentait les valeurs alimentaires suivantes : teneur en amidon 31%, teneur en sucres solubles 9,3%, digestibilité de la matière organique 71,8% et valeur VEM 902 g/kg de MS.

Sur la parcelle d’essai installée à Corroy-le-Grand, la majorité des variétés de sorgho utilisables (Supersile 18, Sherkan, Vegga et Swing par exemple) dans nos contrées avait en 2018 une production de 14,5 t de MS. Leur teneur en sucres solubles est élevée, comprise entre 6,3 et 14,8%, associée à une teneur amidon moyenne (13 à 28,7%) et une bonne digestibilité de la matière organique (65 à 73%). Elles permettent d’atteindre des valeurs VEM (800 à 920) proches de celles apportées par un maïs (902).

Les variétés de plus petite taille (Primsilo, Nutrigrain par exemple) sont moins productives (12,2 à 13,2 t de MS) mais présentent par contre une très bonne digestibilité de la matière organique (74 à 75%) et des valeurs VEM supérieures (931 à 939) au maïs (902).

Concernant les matières azotées totales, elles sont plus élevées dans les sorghos (6,1 à 9,15%) que dans le maïs (5,5%) tout en étant bien en deçà d’un ensilage d’herbe (12 à 16%). Depuis 7 ans, ces essais sont implantés sur sol sablo-limoneux présentant un déficit hydrique moyen en période estivale ce qui n’a pas permis mettre en évidence l’atout majeur du sorgho qui est sa résistance à sécheresse par rapport au maïs.

En 2019 et au cours des années futures, le Cipf poursuivra ces comparaisons variétales sur sols plus légers et plus sensibles au stress hydrique.

Bon à retenir

Si le sorgho sucrier ne peut concurrencer le maïs sur des parcelles avec des sols profonds ou en première récolte, il pourrait trouver sa place sur des terres souffrant d’une plus faible disponibilité en eau. Plus exigeant en température au démarrage que le maïs, le semis sera réalisé à partir du 15-20 mai et la récolte vers le 15-20 octobre. Il sera ensilé comme une culture de maïs fourrage. Jusqu’à présent, il y a toutefois trop peu de solutions agréées pour un contrôle satisfaisant des adventices; des essais sont en cours pour obtenir des extensions d’agréations. Des essais sont prévus en 2020 pour obtenir des informations complémentaires.

D'après Guy Foucart, Fabien Renard et Thomas Lacroix

, Cipf, Faculté des bioingénieurs, Ucl- Louvain-la-Neuve, en collaboration avec Philippe Nihoul, Service extérieur de Wavre, Direction de la Recherche et du développement du SPW

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