Le sirop de Liège… et d’ailleurs: savourez l’histoire de ce délicieux produit régional
Le sirop de Liège se retrouve sur la table de nombreux Belges, et peut-être même de la vôtre. Mais connaissez-vous les origines et particularités de cette douceur sucrée ?
Dans l’Est et le Sud de la province de Liège, dans les Limbourgs belge et hollandais, dans l’Ouest de la Rhénanie, et dans quelques autres régions proches où abondent les fruits des vergers haute-tige pâturés, la transformation des pommes et des poires en un sirop à longue conservation est une activité attestée depuis le 17è siècle dans des entreprises agricoles, soit pour l’autoconsommation, soit pour la vente en circuit court. À une époque où le sucre de betteraves n’était pas encore en usage, le sirop était un aliment riche en sucre consommé tel quel ou dans diverses préparations culinaires.
Au 19è siècle, l’industrialisation et le développement des moyens de transport ont amené la création d’entreprises spécialisées et une forte régression de la production familiale de sirop. À côté de quelques grandes entreprises, se sont maintenues plusieurs entreprises artisanales dont l’activité est saisonnière.
Le développement du chauffage à la vapeur amena encore une réduction du nombre des petites entreprises qui chauffaient leurs cuves à feu vif alimenté par du charbon ou du bois. Les économies d’énergie sont toujours un objectif majeur dans l’évolution de leur technologie.
Actuellement, à côté de consommateurs traditionnels de sirop, une tranche de la population redécouvre ce produit, soucieuse de se nourrir sainement et en suivant tous les préceptes de la diététique. En effet, le sirop est un aliment qui fournit une réponse favorable à ses attentes. Et simultanément, les siropiers artisanaux ou industriels font preuve d’inventivité. À côté du sirop traditionnel de pommes et de poires, ils proposent une gamme de produits contenant d’autres fruits et dont les goûts sont différents.
La production artisanale…
Dans les vergers haute-tige pâturés, la production de fruits à pépins (et à noyau) pouvait représenter un revenu complémentaire à celui de l’élevage bovin qui était l’activité principale. Par nature, la production est alternante d’une année à l’autre, et difficile à réguler comme cela est possible dans un verger intensif basse-tige grâce à la taille, la fumure, l’éclaircissage des fruits et la protection phytosanitaire.
Quatre siroperies artisanales sont en activité en Wallonie : une en Hesbaye liégeoise, à Horion-Hozémont, où est implantée la siroperie Delvaux ; les trois autres sont dans le Pays de Herve : la siroperie Charlier à Henri-Chapelle, la siroperie Nyssen à Aubel et la siroperie Thomsin à Thimister-Clermont. Si les principes généraux de fabrication de sirop artisanal sont identiques dans les quatre entreprises, il existe selon le cas des différences dans leur application.
Le sirop traditionnel est produit en associant 70 à 90 % de poires et 30 à 10 % de pommes. Ces dernières apporteront du sucre, mais surtout de la pectine qui assurera la gélification du produit final : il sera selon le cas plus ou moins « filant » ou plus solide.
Dans le passé, une grande diversité de variétés (plus de 80 !) cultivées en haute-tige dans des vergers pâturés a été utilisée, chacune contribuant à donner un goût plus équilibré par leur dominante aromatique, sucrée, acide, ou amère. En automne, le pic de production des poires précède celui des pommes.
Depuis les années 1950, faute d’une rentabilité suffisante, les vergers haute-tige ont été arrachés progressivement, tandis que plusieurs exploitations fruitières intensives qui produisent les variétés commerciales du temps ont vu le jour. À la fin des années 1960, des campagnes d’arrachage subsidiées accélérèrent encore le processus. On n’a conservé que les variétés qui avaient encore une certaine valeur commerciale : par exemple les poiriers ‘Légipont’ et ‘Saint-Remy’.
Dans le Pays de Herve, les industriels du fruit, voyant disparaître la matière première spécifique de leur activité, s’alarmèrent. En 1962, ils créèrent l’asbl « Profruit » (= Promotion fruitière au Pays de Herve) dont l’objectif principal était d’évaluer l’adaptation à la culture intensive des variétés locales traditionnelles à usage industriel, et d’assurer l’encadrement technique des arboriculteurs, tout en se souciant de conserver cet important patrimoine vivant.
… en quatre étapes
La fabrication du sirop selon la tradition (= « sirop ancien système ») s’effectue en quatre phases.
Une seule siroperie industrielle en Wallonie
Les sirops du commerce
Sirop « ancien système » de poires et de pommes, sans sucre ajouté : goût acidulé caractéristique recherché par les vrais amateurs, teinte très foncée ; +/- 7 à 8 kg de fruits pour 1 kg de sirop.
Sirop « ancien système » de pommes et poires, avec sucre ajouté (15 à 25 % de sucre) : goût plus doux que le précédent ; +/- 4 kg de fruits pour 1 kg de sirop.
Sirop « ancien système » de poires, avec sucre ajouté (15 à 25 % de sucre) : goût assez doux ; texture granuleuse ; +/- 5 kg de fruits pour 1 kg de sirop.
« Vrai sirop de Liège » : produit mis au point en 1937 et marque déposée en 1947 par la siroperie Meurens pour plusieurs produits conditionnés dans un emballage évoquant le Pays de Herve, dessiné par l’artiste bruxellois Jean Léon Huens : pas de sucre ajouté ; 7 kg de fruits pour 1 kg de sirop ; pommes et poires + abricots, dattes, framboises, ou pruneaux…
Sirop de coings : avec sucre ajouté : 6 kg de fruits pour 1 kg de sirop.
Sirop mélangé (ou sirop de fantaisie) : 15 à 20 % de pommes et 80 % de betteraves sucrières. « Pomona » est une marque déposée.
Sirops liquides Jacobs : Pommes + poires ou cerises.
De multiples utilisations
Les différents produits qui ont été cités se prêtent à de multiples usages :
– tel quel sur une tranche de pain, une gaufre ou une crêpe ;
– en accompagnement d’une tranche de fromage de Herve ;
– mélangé à du fromage blanc frais ;
– dans différentes préparations culinaires : par exemple les boulets à la liégeoise ou les carbonnades flamandes, des marinades…
Wépion