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Le sirop de Liège… et d’ailleurs: savourez l’histoire de ce délicieux produit régional

Le sirop de Liège se retrouve sur la table de nombreux Belges, et peut-être même de la vôtre. Mais connaissez-vous les origines et particularités de cette douceur sucrée ?

Temps de lecture : 7 min

Dans l’Est et le Sud de la province de Liège, dans les Limbourgs belge et hollandais, dans l’Ouest de la Rhénanie, et dans quelques autres régions proches où abondent les fruits des vergers haute-tige pâturés, la transformation des pommes et des poires en un sirop à longue conservation est une activité attestée depuis le 17è  siècle dans des entreprises agricoles, soit pour l’autoconsommation, soit pour la vente en circuit court. À une époque où le sucre de betteraves n’était pas encore en usage, le sirop était un aliment riche en sucre consommé tel quel ou dans diverses préparations culinaires.

Au 19è  siècle, l’industrialisation et le développement des moyens de transport ont amené la création d’entreprises spécialisées et une forte régression de la production familiale de sirop. À côté de quelques grandes entreprises, se sont maintenues plusieurs entreprises artisanales dont l’activité est saisonnière.

Le développement du chauffage à la vapeur amena encore une réduction du nombre des petites entreprises qui chauffaient leurs cuves à feu vif alimenté par du charbon ou du bois. Les économies d’énergie sont toujours un objectif majeur dans l’évolution de leur technologie.

Actuellement, à côté de consommateurs traditionnels de sirop, une tranche de la population redécouvre ce produit, soucieuse de se nourrir sainement et en suivant tous les préceptes de la diététique. En effet, le sirop est un aliment qui fournit une réponse favorable à ses attentes. Et simultanément, les siropiers artisanaux ou industriels font preuve d’inventivité. À côté du sirop traditionnel de pommes et de poires, ils proposent une gamme de produits contenant d’autres fruits et dont les goûts sont différents.

La production artisanale…

Dans les vergers haute-tige pâturés, la production de fruits à pépins (et à noyau) pouvait représenter un revenu complémentaire à celui de l’élevage bovin qui était l’activité principale. Par nature, la production est alternante d’une année à l’autre, et difficile à réguler comme cela est possible dans un verger intensif basse-tige grâce à la taille, la fumure, l’éclaircissage des fruits et la protection phytosanitaire.

Quatre siroperies artisanales sont en activité en Wallonie : une en Hesbaye liégeoise, à Horion-Hozémont, où est implantée la siroperie Delvaux ; les trois autres sont dans le Pays de Herve : la siroperie Charlier à Henri-Chapelle, la siroperie Nyssen à Aubel et la siroperie Thomsin à Thimister-Clermont. Si les principes généraux de fabrication de sirop artisanal sont identiques dans les quatre entreprises, il existe selon le cas des différences dans leur application.

Le sirop traditionnel est produit en associant 70 à 90 % de poires et 30 à 10 % de pommes. Ces dernières apporteront du sucre, mais surtout de la pectine qui assurera la gélification du produit final : il sera selon le cas plus ou moins « filant » ou plus solide.

Dans le passé, une grande diversité de variétés (plus de 80 !) cultivées en haute-tige dans des vergers pâturés a été utilisée, chacune contribuant à donner un goût plus équilibré par leur dominante aromatique, sucrée, acide, ou amère. En automne, le pic de production des poires précède celui des pommes.

Depuis les années 1950, faute d’une rentabilité suffisante, les vergers haute-tige ont été arrachés progressivement, tandis que plusieurs exploitations fruitières intensives qui produisent les variétés commerciales du temps ont vu le jour. À la fin des années 1960, des campagnes d’arrachage subsidiées accélérèrent encore le processus. On n’a conservé que les variétés qui avaient encore une certaine valeur commerciale : par exemple les poiriers ‘Légipont’ et ‘Saint-Remy’.

Dans le Pays de Herve, les industriels du fruit, voyant disparaître la matière première spécifique de leur activité, s’alarmèrent. En 1962, ils créèrent l’asbl « Profruit » (= Promotion fruitière au Pays de Herve) dont l’objectif principal était d’évaluer l’adaptation à la culture intensive des variétés locales traditionnelles à usage industriel, et d’assurer l’encadrement technique des arboriculteurs, tout en se souciant de conserver cet important patrimoine vivant.

… en quatre étapes

La fabrication du sirop selon la tradition (= « sirop ancien système ») s’effectue en quatre phases.

Après lavage, les fruits sont cuits, additionnés d’un peu d’eau, dans des cuves en cuivre de capacité variable, chauffées à feu vif au bois, au charbon ou au gaz. Cette opération peut durer jusqu’à une douzaine d’heures selon la capacité de la cuve. Les poires sont placées en premier lieu, puis ensuite les pommes. Afin d’empêcher les débordements, on place sur la cuve un couvercle muni d’une cheminée par où s’échappera la vapeur.

Après refroidissement, le produit encore tiède est transféré avec une louche ou un seau dans une presse pour en extraire le jus ; le rendement est de 85 à 88 %. Le résidu sec est destiné à l’alimentation du bétail. Au début, le jus s’écoule par gravité, puis par la pression, on en obtient la seconde partie.

Le jus est remis dans la cuve et chauffé afin d’en extraire l’eau par évaporation ; il est remué avec une large spatule appelée « mahette » qui empêche le jus d’attacher au fond. La concentration dure de 2 à 6 heures, jusqu’à obtenir un taux de matière sèche d’environ 70 %.

Après refroidissement dans un bac en cuivre, le sirop encore tiède est versé dans des récipients de vente ou de stockage. Ainsi, on obtient 12 à 14 kg de sirop à partir de 100 kg de fruits. Il n’y a pas de sucre ajouté, ni d’autres fruits qui interviennent dans le mélange. Ce sirop peut se conserver de nombreuses années, (de 10 à 20 ans !) dans un endroit propre et sec.

À côté du sirop traditionnel à base de pommes et de poires, il existe actuellement une gamme de produits contenant aussi d’autres fruits, ou du sucre ajouté, afin de diversifier les goûts. Les particuliers qui disposent de fruits en abondance peuvent aussi faire fabriquer « à façon » un sirop à base de leurs propres fruits.

Les quatre siroperies artisanales, ainsi que des producteurs de fromage de Herve font partie du réseau international « Slowfood » qui assure la promotion de produits alimentaires artisanaux (lire encadré).

Une seule siroperie industrielle en Wallonie

À partir de la fin du 19è  siècle, plusieurs innovations technologiques ont amené des modifications au procédé traditionnel de fabrication du sirop.

Premièrement, le chauffage à la vapeur a permis une cuisson et une concentration plus rapide, tout en préservant mieux la qualité du produit. Le risque de caramélisation ou de carbonisation est diminué. Ensuite, l’utilisation de presses hydrauliques verticales ou horizontales a assuré un rendement meilleur. L’utilisation de pompes pour les transferts des produits a permis une économie importante de main-d’œuvre. Enfin, la centrifugation du jus assure une concentration partielle.

Le remplacement de l’appareillage en cuivre par de l’acier inoxydable a donné au produit final une teinte plus claire. La technologie a également évolué dans le sens d’économiser l’énergie.

Le caractère saisonnier de l’activité est lié à l’époque de récolte des fruits, mais aussi à une alternance naturelle de la production d’une année à l’autre. Ces éléments sont peu compatibles avec une activité industrielle, de sorte que les industriels produisent en saison des sirops semi-finis qui sont stockés, puis retravaillés et assemblés afin de réaliser les différents produits finis.

En Wallonie, la seule siroperie industrielle est la société Meurens à Aubel. En 2009, les activités de la siroperie Lambert à Blegny ont été transférées aux Pays-Bas.

Les sirops du commerce

Sirop « ancien système » de poires et de pommes, sans sucre ajouté : goût acidulé caractéristique recherché par les vrais amateurs, teinte très foncée ; +/- 7 à 8 kg de fruits pour 1 kg de sirop.

Sirop « ancien système » de pommes et poires, avec sucre ajouté (15 à 25 % de sucre) : goût plus doux que le précédent ; +/- 4 kg de fruits pour 1 kg de sirop.

Sirop « ancien système » de poires, avec sucre ajouté (15 à 25 % de sucre) : goût assez doux ; texture granuleuse ; +/- 5 kg de fruits pour 1 kg de sirop.

« Vrai sirop de Liège » : produit mis au point en 1937 et marque déposée en 1947 par la siroperie Meurens pour plusieurs produits conditionnés dans un emballage évoquant le Pays de Herve, dessiné par l’artiste bruxellois Jean Léon Huens : pas de sucre ajouté ; 7 kg de fruits pour 1 kg de sirop ; pommes et poires + abricots, dattes, framboises, ou pruneaux…

Sirop de coings : avec sucre ajouté : 6 kg de fruits pour 1 kg de sirop.

Sirop mélangé (ou sirop de fantaisie) : 15 à 20 % de pommes et 80 % de betteraves sucrières. « Pomona » est une marque déposée.

Sirops liquides Jacobs : Pommes + poires ou cerises.

De multiples utilisations

Les différents produits qui ont été cités se prêtent à de multiples usages :

– tel quel sur une tranche de pain, une gaufre ou une crêpe ;

– en accompagnement d’une tranche de fromage de Herve ;

– mélangé à du fromage blanc frais ;

– dans différentes préparations culinaires : par exemple les boulets à la liégeoise ou les carbonnades flamandes, des marinades…

Ir. André Sansdrap

Wépion

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