Accueil Cultures

Domaine du Chapitre: «Nous sommes de véritables artisans vignerons, de la vigne à la bouteille»

Vin de Jean, Saint-Rémi, Pétale de Rose, Brut Nature… À Baulers, la famille Hautier produit une généreuse palette de vins tranquilles et effervescents, dont plusieurs ont été récompensés. Une belle reconnaissance pour le Domaine du Chapitre qui, malgré son jeune âge, affirme déjà une identité viticole forte.

Temps de lecture : 8 min

Agriculteurs et éleveurs installés à Baulers (Nivelles) depuis plusieurs décennies, Annie Demarbaix et Étienne Hautier ont depuis longtemps la diversification dans le sang. Dès le milieu des années ‘90, ils ouvrent leur exploitation au public et installent une boucherie à la ferme. Ils y écoulent une partie de leur cheptel Blanc Bleu Belge. Au début des années 2000, ils poursuivent leur démarche et ouvrent plusieurs gîtes, toujours en activité aujourd’hui.

Le BBB cède sa place…

« Fin des années 2000, nous avons abandonné l’élevage bovin », raconte Annie. « Les premiers mois, nous nous sentions libres. Surtout durant l’hiver. Mais rapidement, ce sentiment a fait place à l’ennui… » Le couple se demande alors quelle activité développer.

L’idée de bâtir une porcherie est très vite abandonnée au vu de la situation géographique de la ferme, sise au cœur du village. Un poulailler alors ? Cela semble compliqué, pour la même raison.

« Le moment semblait opportun pour concrétiser notre rêve : reprendre et développer un vignoble en France. » Après plusieurs visites, leurs trois fils leur annoncent qu’ils ne souhaitent pas les suivre à l’étranger. Deux d’entre eux, Guillaume et Bertrand, manifestent également leur envie de travailler sur l’exploitation familiale tandis que le troisième, Pierre, n’exclut pas de se joindre un jour à ses frères. « Ces discussions nous ont conduits à repenser notre projet. Pourquoi ne pas implanter notre vignoble ici, à Baulers ? »

Annie et Étienne visitent alors de nombreux salons viti-vinicoles en Belgique, France, Allemagne ou encore Luxembourg. Ils rencontrent des vignerons, consultent des tonneliers, achètent des livres de référence… Un maximum de renseignements est pris durant deux ans afin de construire au mieux le projet, avec leurs enfants.

Une première parcelle, en viticulture raisonnée

Les premières vignes sont finalement plantées en avril 2013. « Nous avons converti une ancienne prairie située à proximité immédiate du domaine. Ainsi, nous pouvions facilement surveiller les plants. »

22.500 pieds sont mis en terre, sur une surface de 5,5 ha. La famille opte pour des cépages interspécifiques, plus résistants aux maladies que les cépages traditionnels, car elle souhaite travailler la vigne le plus raisonnablement possible.

Différents cépages rouges (Régent, Rondo et Muscat bleu) et blancs (Solaris, Hélios, Johanniter et Bronner) sont sélectionnés. Tout d’abord, afin de produire des vins mousseux et toute la gamme de vins tranquilles. Ensuite, pour étaler le bourgeonnement et ne pas perdre l’entièreté de la future récolte en cas de gel printanier. Enfin, en vue d’échelonner les vendanges, exclusivement manuelles, de mi-septembre à fin octobre.

La vigne requiert un soin constant, en toute saison, pour livrer des raisins
 d’une qualité optimale pour la vinification.
La vigne requiert un soin constant, en toute saison, pour livrer des raisins d’une qualité optimale pour la vinification. - J.V.

L’inter-rang est relativement large : 2,20 m. La circulation de l’air entre les ceps est ainsi favorisée, réduisant l’humidité ambiante et les risques de développement de maladies cryptogamiques (mildiou, botrytis et oïdium). Pour les mêmes raisons, les viticulteurs optent pour une conduite haute de la vigne. Celle-ci atteint 2 m de haut. Seuls un à deux traitements par an sont nécessaires.

L’entretien du sol, entre les ceps, est exclusivement mécanique. L’outil utilisé dispose d’un système de rétractation pour ne pas abîmer les vignes. Il élimine les adventices servant de refuge aux limaces et escargots trop gourmands. L’inter-rang est enherbé pour faciliter le passage des machines et vendangeurs.

Quant à la fumure, elle est ajustée chaque année, pour chaque cépage, en fonction des résultats des analyses de sol réalisées à l’automne.

La vinification débute… avec une aide inattendue

Dans les mois qui suivent la plantation, la famille Hautier s’habitue progressivement à sa nouvelle activité. Entretien du sol, taille, palissage des vignes… rythment les saisons. En avril 2015, une seconde parcelle, d’une superficie de 2,5 ha, s’ajoute au vignoble. 12.000 pieds de vigne y trouvent place. « Outre le Johanniter, nous y avons implanté les cépages traditionnels que sont le Cabernet noir, le Chardonnay et le Pinot noir. »

Cette parcelle, située à 140 m d’altitude, suit le schéma établi deux ans plus tôt. « Ces cépages étant plus sensibles, nous avons porté l’inter-rang à 2,30 m. La circulation de l’air, déjà importante grâce au vent, s’en trouve accrue. La gestion des vignes y est relativement aisée », observe Guillaume.

« La viticulture nécessite un peu de chance, en matière de climat notamment, et énormément de savoir-faire. »

La même année, une première mini-vendange a lieu à l’automne. La vinification des premiers raisins est effectuée à l’aide de Luc Goessens, vigneron et propriétaire du vignoble « De 3 Fonteinen » à Zottegem (Flandre orientale). « Luc est un jour venu sonner à notre porte, avec des bouteilles de vin sous le bras. Il avait entendu parler de notre projet et venait nous proposer son aide, alors que nous ne nous connaissions pas. Son expérience nous a été bénéfique », se souvient Annie.

Depuis, le vignoble s’est encore agrandi, avec deux nouveaux hectares plantés en avril 2018 (Chardonnay et Pinot noir). Le Domaine du Chapitre s’étend aujourd’hui sur 10 ha, dont 8 en production, pour une production annuelle fluctuant entre 30.000 et 45.000 bouteilles, selon les conditions rencontrées. À cela s’ajoute l’activité agricole initiale, sur une cinquantaine d’hectares.

Le chai ? L’ancienne grange

La plantation des vignes s’est accompagnée d’une transformation des anciens bâtiments d’élevage. Une étable a été convertie en zone de stockage. Elle abrite les tracteurs vignerons et le matériel nécessaire à l’entretien des vignes (outil de désherbage, rogneuse, effeuilleuse, tailleuse, pulvérisateur…). « Nous disposons de tous les outils nécessaires, sauf d’une machine à vendanger. Ce qui nous permet aussi de réaliser de la prestation de services », ajoute Guillaume.

Le chai a pris place dans l’ancienne grange mais celle-ci devient étroite. La construction d’un nouveau bâtiment est donc envisagée.
Le chai a pris place dans l’ancienne grange mais celle-ci devient étroite. La construction d’un nouveau bâtiment est donc envisagée. - J.V.

L’égrappoir, le pressoir pneumatique ainsi que le système de filtration des vins y sont également entreposés en dehors des périodes de vinification. « À cela s’ajoute notre stock de bouteilles. Aucun fabricant n’est présent sur le marché belge. Nous commandons donc de grandes quantités de bouteilles à l’étranger et les remisons ici, pour réduire les frais de transport », poursuit-il.

L’ancienne grange a, quant à elle, été transformée en chai. Les différentes cuves y sont regroupées, malgré les fluctuations de températures dans le bâtiment. « Nous avons acquis des cuves inox thermorégulées. Leur température peut être ajustée selon l’activité des levures et les conditions climatiques. »

On y retrouve aussi la chaîne d’embouteillage, une laveuse-sécheuse, pour laver l’extérieur des bouteilles après l’embouteillage, et une étiqueteuse. « Une partie des machines a été acquise d’occasion, pour réduire les coûts. »

Du matériel plus spécifique, dédié à la production des mousseux, est également présent : un gyropalette, effectuant automatiquement le remuage des bouteilles, et une dégorgeuse, permettant d’éliminer les levures résiduelles avant la pose du bouchon champenois et le vieillissement sur lattes.

À l’étage, où étaient stockés les aliments, se cachent encore une trentaine de barriques en chêne d’un volume de 225 l. Vins blancs et rouges y vieillissent dans un environnement contrôlé, en attendant leur assemblage et leur embouteillage.

En associant les vins issus de diverses barriques, le maître de chai élabore un produit  aux caractéristiques organoleptiques bien particulières. Tout un art !
En associant les vins issus de diverses barriques, le maître de chai élabore un produit aux caractéristiques organoleptiques bien particulières. Tout un art ! - J.V.

Baulersois, mais formé à Bordeaux

Bien que tout le monde soit polyvalent au Chapitre, la vinification est davantage du ressort de Bertrand. Pour une simple et bonne raison. À la fin de ses études, il s’est formé durant deux ans à la viticulture et à l’œnologie, à Bordeaux. Il en est revenu avec un panel de connaissances bien utiles au domaine. Il gère ainsi la fermentation des raisins, l’ajout des levures, le vieillissement en cuve et en barrique, les assemblages…

« Il faut trouver le bon équilibre entre les différents vins. Le vieillissement en cuve est différent du vieillissement en barrique. Et les caractéristiques organoleptiques diffèrent encore en fonction de la provenance de la barrique et du nombre d’utilisations qui en a été faites », explique-t-il. Le jeune maître de chai fait donc goûter ses assemblages à sa famille et aux vendangeurs bénévoles, jusqu’à obtenir le résultat souhaité. « Nous sommes de véritables artisans vignerons, de la vigne à la bouteille. Nous visons la qualité, plutôt que la quantité ! »

« Au Domaine du Chapitre, tout le travail de la vigne et du chai est réalisé en famille. »

Même si la qualité est au rendez-vous, produire du vin ne suffit pas… Il faut le faire connaître, et le vendre. Pour cela, la famille a misé sur plusieurs canaux. « Nous participons régulièrement à des salons viticoles en Belgique et à l’étranger, aux événements organisés par l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité et par l’Association des vignerons de Wallonie et à bien d’autres encore. » Diverses activités sont organisées au sein du vignoble : portes ouvertes, apéro dans les vignes… Et les vendanges participatives contribuent aussi à faire connaître le Domaine.

Les ventes ont lieu sur place, chez d’autres producteurs locaux et via le réseau de la Ruche qui dit oui. Les vignerons utilisent aussi la plateforme « Made in BW » mise en place par la province du Brabant wallon pour aider ses agriculteurs à distribuer leurs produits.

Des vins récompensés et une bière inédite

Aujourd’hui, on retrouve une dizaine de vins tranquilles et mousseux étiquetés « Domaine du Chapitre ». Deux ont même été primés. Le Saint-Rémi 2016, un rouge qui tire son nom de l’église toute proche, a obtenu un Coq de cristal en 2018. Le mousseux Brut Nature a, pour sa part, remporté une médaille d’or au concours de Bruxelles 2019, devant plus de 750 autres vins effervescents, dont 200 champagnes.

« Vu l’étendue de notre gamme, tout le monde y trouve son bonheur ! », assure Bertrand.
« Vu l’étendue de notre gamme, tout le monde y trouve son bonheur ! », assure Bertrand. - J.V.

L’année dernière, un produit plus original – et inédit en Belgique ! – a vu le jour, en collaboration avec la brasserie Belgo Sapiens, de Nivelles. Il s’agit de la Cheval Godet Solarius, une bière blonde additionnée de jus de raisin du cépage Solaris. Le succès étant au rendez-vous, un deuxième brassin devrait être commercialisé cette année.

Un nouveau bâtiment, pour faciliter le travail

Vu le développement du vignoble, les bâtiments actuels, et principalement le chai, commencent à devenir étroits. « Tout le matériel est monté sur roulettes ou sur palette pour être facilement déplacé en fonction des activités. Mais nous ne pourrons plus continuer longtemps comme cela… » Annie, Étienne, Guillaume et Bertrand envisagent donc de construire un nouveau chai, plus spacieux. Ce qui leur permettra également d’acquérir davantage de barriques.

Si le projet n’est aujourd’hui qu’au stade de la réflexion, il témoigne incontestablement du succès que connaissent les vins du Domaine du Chapitre auprès des consommateurs.

J.V.

A lire aussi en Cultures

Mieux valoriser l’azote en culture de pommes de terre

pommes de terre Belfertil et Belgapom ont uni leurs efforts pour proposer aux producteurs et conseillers un nouveau site web centré sur la fertilisation durable de la pomme de terre. Celui-ci regorge d’informations et conseils pratiques pour optimaliser l’efficacité de la fumure.
Voir plus d'articles