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Faut-il, ou non, ouvrir l’assolement maraîcher aux grandes cultures?

Selon l’organisation de la ferme, nous nous orientons vers un assolement maraîcher pur ou plutôt intégré à des grandes cultures et des cultures fourragères. L’un et l’autre présentent leurs avantages et inconvénients. Quelques moments de réflexion aideront l’agriculteur à prendre le choix qui correspond le mieux à sa situation.

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Dans les fermes exclusivement maraîchères, l’assolement comprend essentiellement des cultures maraîchères et des engrais verts. Les exploitations agricoles en diversification peuvent réserver un espace dédié chaque année à la production maraîchère ou, au contraire, inclure ces cultures spéciales à la rotation agricole classique de polyculture et élevage.

Gérer les assolements et les rotations, c’est prévoir les problèmes potentiels, et donc avoir une vision sur le moyen et le long terme. Cette démarche impose de tenir compte des aspects économiques (rentabilité…), sociaux (besoins en main-d’œuvre) et agro-environnementaux de la répartition des cultures sur les différentes parcelles de la ferme.

Avant de se lancer, se poser les bonnes questions

Pour les nouveaux candidats à la production maraîchère, la première question qui s’impose concerne les revenus espérés : seront-ils suffisants pour assurer les besoins de la ferme ? En corollaire à cette première question, spécialement pour des cultures sortant des sentiers battus des productions agricoles régionales : existe-il un marché pour chacune des cultures maraîchères envisagées ?

Les réponses à ces questions aideront au choix des cultures et à leur importance relative en termes de surface, et donc à l’établissement de l’assolement, puis de la rotation. L’assolement (et en conséquence la rotation) est décidé en tenant compte des besoins de la ferme par rapport au marché et des revenus potentiels. Une règle de base : savoir vendre avant de produire.

L’utilisation de matériels communs aux grandes cultures et cultures maraîchères présente un intérêt évident pour les travaux aratoires de préparation de sols, de protection des cultures ou de transport. Par contre, peu de machines de semis ou de récolte sont performantes à la fois pour les cultures maraîchères et les grandes cultures.

Nous ne savons pas être forts en tout. Une certaine spécialisation  dans certains types de culture est une démarche intéressante  pour les premiers pas de la grande culture vers le maraîchage.
Nous ne savons pas être forts en tout. Une certaine spécialisation dans certains types de culture est une démarche intéressante pour les premiers pas de la grande culture vers le maraîchage. - F.

L’intégration de cultures maraîchères dans un assolement agricole, et donc dans une rotation, n’influence que peu le choix des machines. Bien sûr, les charges seront réduites par économie d’échelle, que les cultures maraîchères se succèdent sur la même sole ou non.

Le drainage et l’irrigation sont des améliorations foncières coûteuses. Les cultures maraîchères concentrent les activités sur de plus petites surfaces que les grandes cultures et justifieront donc plus rapidement ces investissements. La répartition des cultures maraîchères en assolement avec les grandes cultures sera plus coûteuse (mais ouvre d’autres perspectives) que leur concentration sur de plus petites surfaces.

Davantage de surveillance

La répartition dans le temps des pics de besoins en main-d’œuvre est un des arguments pour décider la diversification d’une ferme en complément des productions végétales dans l’assolement de la ferme. Cet étalement sera d’autant plus marqué qu’une partie des surfaces est protégée (les films, chenilles ou tunnels permettent de valoriser la main-d’œuvre familiale tôt et tard en saison). Cela reste valable pour un assolement maraîcher juxtaposé à un assolement agricole ou pour un assolement mixte.

Plus que les grandes cultures, les cultures maraîchères exigent une surveillance aiguë de leur développement et des apparitions de maladies ou de ravageurs (dont les visiteurs indélicats). La proximité des parcelles avec l’habitation du fermier est un avantage appréciable. La rotation avec d’autres cultures sera parfois un frein à l’efficacité de cette surveillance, parce que les cultures sensibles seront, certaines années, surveillées de moins près à cause de leur éloignement géographique.

Assurer la fertilité des sols

Le choix d’insérer les cultures maraîchères dans une rotation de grandes cultures ou de les cultiver sur une sole qui leur est dédiée est aussi le fruit d’une réflexion agro-environnementale autour de la gestion des matières organiques du sol, de la maîtrise de l’enherbement, des maladies et ravageurs communs aux différentes cultures.

Cette question sous-entend deux contraintes : les cultures vont-elles bien pouvoir se succéder sur une même parcelle lors de la même année ? Le sol restera-t-il de longs mois sans couverture végétale ?

Le même souci de bonne gestion des matières organiques et des risques érosifs talonnent aussi bien les productions maraîchères que les productions agricoles classiques. Les cultures avancées et les cultures dérobées permettront de développer au mieux des réponses aux questions évoquées ci-dessus ; selon les circonstances et les types de cultures intercalaires choisies, nous aurons des engrais verts, des cipans…

Ces choix sont d’autant plus importants que les cultures maraîchères en elles-mêmes génèrent des quantités de source d’humus plutôt modérées. Cet aspect des choses plaide d’ailleurs pour une rotation incluant des possibilités d’apports de fumiers de ferme, source économique d’amendement organique favorable à un réapprovisionnement humique des sols.

C'est un point important : dispose-t-on à proximité de la ferme  d'une entreprise agricole permettant du travail à façon, notamment  pour les semis et les récoltes. L'impact économique pour la ferme est direct.
C'est un point important : dispose-t-on à proximité de la ferme d'une entreprise agricole permettant du travail à façon, notamment pour les semis et les récoltes. L'impact économique pour la ferme est direct. - F.

Certaines cultures maraîchères développent des enracinements peu profonds (de l’ordre de 0,3 m, par exemple). Les alternances de telles cultures avec d’autres à développement racinaire plus développé (panais, chicorées scaroles ou frisées, courges), permettront de gérer au mieux la question des éléments minéraux les plus solubles dans l’eau et les risques de lessivage dans le profil. Cet aspect des choses plaide même pour l’instauration de rotations mixtes de cultures maraîchères et de céréales qui sont capables de développer des enracinements plus profonds que 0,9 m.

La succession des cultures sur une même sole pourra permettre d’alterner les plantes avides de nutriments facilement lessivables comme l’azote nitrique et celles dont la phytotechnie risque de laisser de plus fortes quantités potentielles de cet élément. Ici aussi, l’alternance de cultures maraîchères avides de nutriments azotés et potassiques comme les poireaux, les choux pommés ou les choux-fleurs avec des cultures agricoles capables de bien explorer le sol et de capter les résidus nitriques dans le profil est intéressante agronomiquement et environnementalement.

La production de racines de chicons demande des sols qui libéreront plutôt peu d’azote, sa culture après une et même deux cultures annuelles de céréales à paille permet de répondre à cette exigence qui est difficile à obtenir dans une rotation maraîchère.

Pour les fermes ou associations de fermes sans bétail et donc sans fumier, l’incorporation d’une culture d’un an complétée d’un engrais vert se justifie pleinement pour l’effet favorable sur la maîtrise de l’enherbement et pour l’apport de matières organiques végétales facilement décomposables dans le sol. L’effet régénérateur de la vie dans le sol est attendu, et est même important si les récoltes tardives des légumes d’automne tardif ont dégradé fortement la structure du sol.

Maîtriser l’enherbement

La gestion de l’enherbement est un point critique en cultures maraîchères, que ce soit en agriculture conventionnelle par la faible gamme de produits et moyens disponibles qu’en agriculture bio.

Pour cet important poste de la phytotechnie, la rotation de cultures maraîchères avec des cultures fourragères (prairies temporaires de 3 ans environ) permet de maîtriser un peu mieux les invasions de plantes adventices difficiles à contenir comme le pâturin annuel ou les galinsoges par exemple. Ces possibilités sont accessibles dans les fermes mixtes de polyculture et élevage s’adonnant à la diversification en cultures maraîchères ou via conventions entre fermes voisines complémentaires pour ces productions.

Pour les rotations des seules cultures maraîchères, il est possible d’alterner les cultures dites salissantes (dont le feuillage ne couvre pas suffisamment le sol et difficiles à désherber) et les cultures nettoyantes (celles à forte couverture foliaire et qui permettent facilement les opérations de désherbage).

F.

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