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Belcam: raisonner les apports azotés grâce aux satellites européens

Après cinq années de travail, la plateforme Belcam est aujourd’hui accessible aux agriculteurs. Elle leur permet de suivre l’ensemble de leurs parcelles, grâce au réseau de satellites déployés par l’Europe ces dernières années. Différents indicateurs les aident également à raisonner leurs apports azotés, une nécessité aussi bien sur le plan environnemental qu’économique.

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Ces dernières années, les technologies de l’information n’ont de cesse de se développer, tant dans le milieu privé que dans la sphère professionnelle. Le monde agricole n’y fait pas exception, en témoignent les diverses plateformes d’aide à la décision, de gestion de l’exploitation, de suivi du troupeau… apparues sur internet depuis le milieu des années 2000.

L’emploi de données spatiales prend, lui aussi, de l’ampleur. À côté d’entreprises privées, telle qu’Airbus Defence and Space, des centres de recherches élaborent leurs propres plateformes de traitement et d’utilisation de l’imagerie satellitaire. C’est le cas de Belcam (www.belcam.info), une initiative portée notamment par le Centre wallon de recherche agronomique (Cra-w) et l’UCLouvain, avec le soutien de plusieurs centres pilotes et techniques wallons et flamands.

Rendre l’information satellitaire accessible

« L’Europe dispose depuis peu d’un réseau de satellites d’observation de la Terre efficace et opérationnel. Les données récoltées sont accessibles gratuitement à tout un chacun », explique Pierre Defourny, professeur à l’UCLouvain. Le réseau cartographie entièrement l’Europe en quelques jours.

Le flux d’informations disponible est énorme. D’autant plus que les satellites enregistrent des données que nous, humains, ne pouvons voir. « Nous disposons d’une vision différente de la végétation car les satellites mesurent le rayonnement visible et invisible à l’œil. Cela nous permet de suivre précisément la dynamique des cultures. »

« La plateforme Belcam rend accessibles  et utilisables les données récoltées par  les satellites européens », explique  Pierre Defourny.
« La plateforme Belcam rend accessibles et utilisables les données récoltées par les satellites européens », explique Pierre Defourny. - J.V.

Ces données sont cependant difficiles à interpréter et à utiliser sans traitement. « Belcam a pour objectif de les « digérer », de permettre à tous les agriculteurs d’accéder aux informations qui en dérivent pour assurer le suivi de leurs cultures. » À savoir, pour l’instant, le froment, la pomme de terre et le maïs.

Météo, biomasse et prévision de rendement

Diverses informations sont visibles sur la plateforme, moyennant inscription (gratuite avec un numéro de producteur) et délimitation de ses parcelles à l’aide de l’outil intégré et des photographies aériennes. Il convient aussi d’encoder le type de culture en place en vue de disposer de renseignements spécifiques.

Premièrement, les observations et prévisions météorologiques les plus proches d’une parcelle sont disponibles, grâce aux trente stations météo du réseau Pameseb réparties à travers la Wallonie. « Nous mettons à disposition des agriculteurs les données relatives à la température et aux précipitations du jour même. Nous y ajoutons les observations réalisées les jours précédents et les prévisions pour la semaine à venir. Il est aussi possible d’obtenir ces informations pour toute la saison culturale », précise M. Defourny.

Belcam utilise les données satellitaires pour faire des observations  et des conseils à l'échelle de la parcelle.
Belcam utilise les données satellitaires pour faire des observations et des conseils à l'échelle de la parcelle. - Cra-w

En deuxième lieu, les agriculteurs ont accès à un indicateur de biomasse verte pour chaque parcelle, ainsi qu’à son évolution au fil de la saison. Ce qui permet de surveiller la croissance de la culture. En la matière, il est aussi possible de comparer sa parcelle aux champs alentours. « Belcam permet encore de visualiser la variabilité intra-parcellaire, c’est-à-dire d’identifier les zones où la biomasse est plus ou moins importante. »

De même, une estimation du rendement des parcelles (uniquement de froment, pour l’instant) est visible. Elle est calculée sur base d’un modèle de croissance tenant compte des conditions météorologiques et des observations satellitaires. Ici aussi, il est possible de comparer les résultats obtenus avec les champs alentours.

Enfin, les agriculteurs peuvent encoder les travaux effectués, leurs observations (maladies, ravageurs…), des photos… et les transmettre au Cra-w. Ils pourront ainsi obtenir, à terme, davantage d’informations sur la plateforme.

Grâce à l’indice de nutrition azotée

La plateforme intègre encore les données issues de Requaferti, le module développé par Requasud en vue d’établir des conseils de fertilisation, ainsi que les recommandations du Livre Blanc. Le but ? Les combiner à l’imagerie satellitaire et aider les agriculteurs à raisonner leur fertilisation azotée. « Nous souhaitons évaluer le statut azoté de la culture et indiquer quel complément apporter et quand l’apporter », détaille Dimitri Goffart, attaché scientifique au Cra-w.

En pratique, l’imagerie satellitaire est utilisée pour affiner le bilan azoté réalisé sur base des besoins de la culture et des apports. C’est pourquoi Belcam demande aux utilisateurs d’encoder pour chaque parcelle le précédent cultural et le type d’engrais vert (Cipan ou Sie) implanté. « L’intérêt de la télédétection, c’est d’objectiver l’information et de la compléter automatiquement. Par exemple, l’imagerie permet de mesurer plus précisément la biomasse d’un engrais vert et d’évaluer plus correctement son apport azoté. »

Dimitri Goffart : « Belcam combine  les images satellitaires, les données issues  de Requaferti et les recommandations du Livre Blanc afin d’aider les agriculteurs  à raisonner leur fertilisation azotée ».
Dimitri Goffart : « Belcam combine les images satellitaires, les données issues de Requaferti et les recommandations du Livre Blanc afin d’aider les agriculteurs à raisonner leur fertilisation azotée ». - J.V.

En estimant la biomasse aérienne de la culture (froment ou pomme de terre) et la quantité d’azote absorbée, Belcam peut calculer un indice de nutrition azotée. Si celui-ci est supérieur à 1, la plante est saturée en azote (au moment de l’observation) ; s’il est inférieur, la plante est en manque. Un indice égal à 1 signifie que la culture dispose d’une quantité d’azote adéquate pour viser le rendement optimum. Cet indice guide l’agriculteur pour l’apport du troisième fractionnement en froment ou du second fractionnement en pommes de terre.

« Les travaux sont encore en cours pour estimer la quantité exacte d’azote à apporter à la culture. Les modèles doivent être testés et validés avant que l’on puisse conseiller les agriculteurs avec davantage de précision. Actuellement, c’est à eux de tirer les conclusions qui s’imposent, au regard des informations disponibles sur la plateforme. » Ces développements se feront d’abord pour le froment, ensuite pour la pomme de terre.

J.V.

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